Chapitre 36 : l'arbre de vie
- Je pense qu'il est temps pour nous de partir, proposa Nicolas en regardant sa sœur. Content de t'avoir rencontrée, Ingrid.
Contrairement à sa sœur, Nicolas était le portrait de son père. Ils étaient arrivés ensemble l'après-midi à Wissant et, bien que Liv ait la conversation facile et tendance à monopoliser la parole, son rôle de chauffeur lui donnait le choix de l'heure de retour. Ayant emporté des bottes, ils s'étaient longement promenés sur le sable et, comme le vent d'automne les avait tous glacés, Arturo avait allumé le feu à leur retour. Lorsque leur père avait découvert l'appartement loué à Nathan, il avait immédiatement remarqué la cheminée ouverte trônant au centre du salon. Et il avait vérifié s'il y avait suffisamment de bois à disposition pour s'offrir ce plaisir qui lui manquait un peu depuis qu'il vivait en Algarve. Ingrid avait proposé de leur préparer un chocolat chaud et la chaleur irradiante venant du foyer commençait à les assoupir. Les enfants d'Arturo s'étaient montrés charmants avec elle. Arturo semblait heureux de partager ce moment en famille.
- Êtes-vous vraiment sûre de ne pas vouloir rester pour la nuit ? Nous avons trois chambres ici, proposa-t-elle pour la seconde fois.
- C'est bien gentil de ta part, Ingrid, mais nous allons vous laisser seuls, refusa Nicolas en se dirigeant vers la porte d'entrée.
Ils se levèrent tous et Liv en profita pour lui faire la bise en la remerciant à son tour.
- Merci pour cette agréable journée, Ingrid. J'espère que la prochaine fois, nous pourrons rencontrer Annabelle.
- Oui, je l'espère aussi. Elle rentre juste après ses examens, fin décembre. Son copain ne pouvant la rejoindre là-bas, elle revient un peu plus tôt. Ils ont prévu de passer quelques jours de vacances ensemble avant la reprise des cours.
Arturo et elle les accompagnèrent jusqu'à la voiture stationnée devant la maison. Il passa le bras autour de sa taille pendant que Nicolas manœuvrait pour sortir la voiture de l'allée.
- C'était une excellente idée, Ingrid. La journée a été parfaite, chuchota Arturo avant de déposer un doux baiser dans sa nuque.
- Tes enfants sont vraiment charmants, mon cœur. N'as-tu jamais eu l'envie de revenir ici pour profiter de leur présence ?
- Je peux les voir aussi souvent que je veux pendant la morte-saison mais le soleil de l'Algarve me manque rapidement. Je reviendrai plus longtemps maintenant que je peux aussi me réchauffer près de toi, la taquina-t-il avec un sourire.
Ils rentrèrent dans leur logement et s'assirent face à l'âtre de la cheminée.
- Ici, nous sommes bien, mais je ne pourrais revivre cette longue période pluvieuse, lui déclara-t-il en commençant à déboutonner son chemisier.
- Je me pose des questions sur l'avenir de notre couple, lui souffla-t-elle en arrêtant son mouvement. Combien de temps pourrons-nous nous partager entre ici et chez toi ? Et j'aimerais aussi discuter avec toi des difficultés que me cause mon divorce.
C'était la première fois qu'Ingrid lui proposait d'aborder les conditions de son divorce et Arturo l'écouta avec attention.
- Si je n'ai pas parlé de toi à Annabelle au début, c'est parce que je ne voulais pas que l'information revienne à Jean par son intermédiaire.
- Je suis heureux que tu aies enfin parlé de nous à ta fille. J'imagine que quelque chose a changé.
- J'espérais pouvoir garder l'appartement de Lille, répondit-elle en hochant la tête. Mais il prétend que c'est plus pratique pour lui de le garder et il me propose de me laisser la maison de vacances que nous avions achetée à Narbonne. Quand il a décidé quelque chose, il est difficile de le faire changer d'avis. Soit j'accepte sa proposition, soit nous partons dans une longue procédure qui, vu ses contacts dans le monde judiciaire, lui donnera probablement ce qu'il souhaite. Il me permet cependant de rester dans le duplex jusqu'à la fin de l'année académique avec Annabelle. Puis, je devrais faire un choix.
- Si tu peux éviter un divorce qui s'éternise, je ne peux que te conseiller d'accepter. C'est quelque chose que j'ai vécu et que je ne souhaite à personne.
- Nous n'avons jamais vécu à Narbonne et je n'y connais personne. Sa proposition ne me tente pas.
- Tu as le temps de réfléchir et, avec cette maison, tu auras toujours un toit au-dessus de ta tête.
- C'est étrange, Édith m'a dit à peu près la même chose, changea-t-elle de sujet. D'ailleurs, je ne t'ai pas encore dit qu'elle avait reçu, cette semaine, une offre pour partir enseigner au Burundi. Il ne lui reste plus qu'à faire les vaccins et les démarches administratives et elle part avec Théo, qui n'est pas du tout enchanté de quitter ses copains. Ils devraient partir fin décembre ou début janvier au plus tard pour qu'elle puisse commencer le semestre scolaire.
- Ah, je pensais qu'elle voulait partir à l’île de la Réunion.
- C'est exact, mais son dossier est bloqué. Son voyant lui a dit que l'arbre de vie avait parlé. Il lui a affirmé qu'elle avait besoin de retrouver ses racines même si elle n'en sentait pas le besoin. Elle se dit que ce serait l'occasion de présenter Théo à la famille vivant là-bas.
- Elle m'a raconté, lorsque je t'attendais chez elle, qu'elle avait consulté un marabout. Je suis presque étonné qu'elle t'en ai parlé à toi, si cartésienne. Par contre, je ne connaissais pas son grigri …
- Elle m'a parlé de sage et de voyant, mais a évité le terme marabout, s'esclaffa Ingrid. J'étais septique lorsqu'elle m'en a parlé la semaine passée. Il venait de la rappeler pour lui expliquer que nos destins étaient liés. Il nous a donné un pendentif porte bonheur avec un arbre de vie à chacune.
Sur ces mots, Ingrid lui montre l'amulette qu'elle gardait depuis peu en permanance sous sa chemise.
- Après sa dernière visite chez lui, elle a reçu une proposition d'emploi à l'étranger. Elle devait aussi me transmettre ce pendentif et un message de sa part. L'arbre de vie symbolise la vie qui renaît lorsqu'il puise sa force dans ses racines. Et son message était de ne plus affronter les difficultés seule puisque tu étais là.
- Je ne sais pas s'il a réellement des dons de voyance, mais je l'aime bien ce marabout. Cela me touche que tu m'aies expliqué ta situation et je suis sûr que nous trouverons une solution.
Arturo s'approcha d'Ingrid et continua à déboutonner sa blouse, révélant le pendentif au milieu de son torse. Il embrassa sa poitrine en se déplaçant vers le bijou.
- Je ne pourrais pas revenir ici, grogna-t-il de plaisir, mais je pourrais envisager de rentrer dans le sud si tu y étais.
Annotations