Chapitre 6

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Raech chargea les dernières caisses de vivres pendant que Wil remontait de la cale du navire, après avoir effectué les vérifications nécessaires au bon fonctionnement de son navire. Il rejoignit Modonoka, montée à bord, qui effleurait le bastingage. Le vent faisait flotter ses longs cheveux d’ébène, le soleil faisait briller les sillons rouges parcourant sa peau basanée.

— Il n’y a pas de doute, constata-t-elle. Vos navires sont magnifiques.

— Comment se porte votre frère ? s’enquit Whélos.

— Encore alité, choqué, mais il s’en sortira, lui répondit la jeune reine.

Son expression se fit triste.

— J’imagine que se faire arracher ses pouvoirs doit être quelque chose de terrifiant à vivre. D’autant plus pour lui qui s’est toujours senti inférieur sur ce sujet.

Elle soupira.

— Enfin. Je suis heureuse qu’il soit vivant. C’est le principal. Je ne peux me résoudre à le perdre, malgré ses erreurs. Il a beau dire que les choses sont mieux ainsi, je sais qu’il souffre d’avoir perdu sa magie. Si j’avais été plus à l’écoute…

Un silence lourd accueillit ses mots. Le reste s’étrangla dans sa gorge.

— Quelle piteuse Cheffe je fais… je suis censée protéger mon peuple. J’ai sous-estimé la détresse de mon frère après notre visite à Illuyankas, je ne me suis rendue compte de rien. Et j’ai failli le perdre.

Raech l’enlaça dans une étreinte réconfortante.

— Ne te blâme pas tant. Ruyô ne voulait pas te rajouter plus de poids que ce que tu portais déjà. Vous vous êtes juste perdus de vue.

Karel n’osait songer aux souffrances de Ruyô. Il regrettait tant de ne pas avoir pu le sauver.

— Cette machine existe donc bel et bien, soupira Aquilée. Phényxia ne bluffait donc pas quand elle se disait capable de voler les pouvoirs des autres.

— Pire encore, elle semble avoir fédéré deux autres Clans à sa cause, gronda Raech en relâchant Modonoka. Cela ne fait que confirmer ce que vous nous avez rapporté sur la situation de Weylor.

— Allons, tempéra Whélos. Je sais que la situation paraît désespérée, mais n’oubliez pas : les Dragons reviennent, peu à peu. Je doute qu’ils laissent Weylor se faire détruire. Ils veulent éliminer le Traître. Cette fois, ils ne se feront pas avoir.

— C’est à nous d’intervenir, répondit posément Modonoka. La dernière fois qu’ils sont intervenus, l’année de la malédiction, une région entière fut anéantie. S’ils agissent, c’est que la situation ne leur laissera pas le choix. En attendant…

Elle regarda l’horizon, en direction de l’Archipel.

— Je vais envoyer des messagers dans les autres villages. Plus nous aurons d’alliés prêts à combattre, mieux ce sera. Dîtes-moi seulement où est-ce que nous sommes censés nous rassembler.

— Les miens avertissent toutes les Tribus et villages possibles, informa Wil. Maintenant que Phényxia ne peut plus se cacher ici, ils pourront venir jusqu’ici pour vous permettre de voyager.

Modonoka hocha la tête, se tourna vers le groupe et s’inclina.

— Dans tous les cas, je vous remercie. Grâce à vous, Vohon’ nous est enfin revenu, et nous allons de nouveau prospérer. Les miens pourront enfin connaître une vie de paix, en harmonie avec les Dragons. Vous serez à jamais les bienvenus ici.

Chacun répondit à son salut et un silence suivit. Raech tendit la main à Karel.

— Bon, eh bien, bonne chance pour la suite. Merci pour votre aide. C’est étrange, je n’aurais pas connu le son de ta voix !

Karel ne sut comment répondre, l’expression gênée. Le regard de Modonoka pesait sur lui. Le jeune homme se rappela qu’elle pouvait entendre les pensées en un instant, aussi clairement que si on les criait. Il la regarda dans les yeux.

— Non. S’il vous plaît.

Karel frissonna lorsque Modonoka se tourna vers son ami.

— C’est vrai. Mais ce n’est que partie remise. On dit que les Dragons peuvent exaucer un grand nombre de souhaits.

Raech ne comprit pas, mais le soulagement saisit Karel. Modonoka avait préservé le peu de dignité qu’il ressentait à son propre égard, en plus de lui donner une piste.

« Non. Un espoir. »

Karel jeta un œil en direction de la Tour des Flammes.

« Mais je n’oserai jamais leur demander ce genre de chose… »

— Tu es désigné comme leur champion ; lui indiqua Modonoka en le regardant droit dans les yeux. Ta vie s’en est retrouvée bouleversée. Ce serait la moindre des choses, en guise de réparation, même si ça ne fera pas tout.

Le groupe se concerta, surpris par les paroles de la jeune femme. Surtout Lya. Modonoka lui sourit.

— Mêmes les êtres les plus divins ne sont pas à l’abri d’erreurs. Je ne leur en veux pas pour cela, car en tant que dirigeante, je suis en mesure de comprendre que, parfois, pour le bien de tous, il faut commettre l’irréparable. C’est ce que mon frère a fait. Les Dragons veillent sur nous. S’ils avaient pu éviter de briser votre vie, je suis certaine qu’ils l’auraient fait. Tout comme ils auraient déjà réduit le Traître et sa machine en poussières s’ils le pouvaient, sans se retrouver maudits à nouveau. Ce qui ne signifie pas que l’on cautionne nos propres actes. C’est ce qui rend cette position fort délicate à gérer.

Le trouble s’empara de Karel. Serymar avait-il commis l’irréparable pour le protéger du Traître, comme la Tribu de l’Eau souhaitait le faire ?




Quelques instants plus tard, la petite compagnie s’éloigna de l’Archipel du Volcan. Hormis Wil qui était déjà à la barre, chacun s’éloigna du bastingage lorsque les habitants de l’Archipel disparurent de leur vue.

— Bien ! annonça Whélos. Nous avons un long chemin à faire, avant d’atteindre la Tour de la Terre !

La Tour se situait au sud du continent, ils devraient faire un large détour et longer la côte Avancée. Karel frissonna à cette idée : comme la majorité des personnes sur Weylor, il ignorait jusqu’où les pouvoirs de ces personnes allaient, et savait qu’ils pouvaient créer des choses effrayantes, comme ce totem mécanique chez les elfes noirs. Des choses aussi effrayantes que merveilleuses, comme la Tribu de l’Eau qui avait su mêler intelligemment la magie Avancée, qu’ils nommaient « science » ou « technologie » apparemment, et magie pure.

Ces pouvoirs inconnus étaient plutôt redoutés, même s’il ne pouvait nier les bénéfices.

Ils allaient mettre plusieurs jours, voire semaines, avant de pouvoir accoster à nouveau. Entre-temps, ils devraient sûrement se ravitailler sur terre. L’idée de fouler cette partie inconnue de Weylor l’excitait autant qu’il redoutait ce qu’il y découvrirait.

« Allez. J’ai déjà basculé d’un monde à l’autre une première fois », s’encouragea-t-il. « Surtout que, cette fois, je ne serais pas seul. »

— Wil, mon garçon ! appela Whélos. Mets ton navire en conduite automatique et viens aussi ! Nous devrions profiter de ce temps pour vous permettre de mieux maîtriser vos nouveaux pouvoirs !

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