Chapitre 16
— J’ai dit : on ne rentre pas ! s’agaça Aquilée.
Elle claqua aussitôt la porte au nez de Wil.
— Mais enfin, c’est quoi ce « truc de filles » ? râla-t-il.
Karel haussa les épaules pour toute réponse. Ce n’était pas sa sœur qui aurait pu l’y initier. Il se demandait ce qu’Aquilée lui faisait subir.
— Laisse-leur donc un peu d’intimité, Wil, intervint Whélos. Concentrons-nous sur autre chose, en attendant, tu veux bien ?
— Comme quoi ? bougonna le marin. Ça va faire une heure qu’elles sont là-dedans !
— Comme apprendre la patience, peut-être ? rit le chercheur.
Karel ne put s’empêcher d’arborer un rictus moqueur.
— Ok ! Ok ! Mais je ne sais pas, « truc de filles » et Lya dans la même phrase, je trouve que ça sonne bizarre, c’est tout !
Karel se désintéressa de la conversation et, toujours assis derrière la grande table en bois rectangulaire au milieu de la pièce et s’approcha d’un hublot. La majestueuse Tour d’Argent était enfin visible, preuve qu’ils étaient passés sur les contrées Avancées. Ne restait plus qu’à trouver un port pour accoster.
« Enfin une Tour sans malédiction. »
L’édifice tout en finesse brillait intensément sous les reflets du soleil, le tout intensifié. Cela correspondait bien au souvenir qu’il avait de Crystal, le jour où elle les protégea d’Onyx, une semaine après leur admission à l’Académie de magie. Karel se souviendrait de ce jour jusqu’à la fin de sa vie.
L’ouverture de la seconde cabine le ramena à la réalité, d’où ressortit Aquilée avec un sourire jusqu’aux oreilles. Elle tirait Lya par la main. Cette dernière suivait d’un pas hésitant.
— Wow, Lya ! s’écria Wil, surpris. Tu es magnifique !
Aquilée avait retiré le bandeau donné par Modonoka. Karel se doutait, au vu des complexes de sa sœur, que cela n’avait pas dû être facile pour elle.
La jeune fille n’y était pas allée de main morte. Elle avait rassemblé toutes les mèches brûlées pour les raser de près. Elle avait rassemblé les mèches survivantes en une tresse épaisse qui retombait délicatement devant l’épaule de Lya. La base de la tresse recouvrait toute la partie rasée, rendant cette dernière discrète.
« Toujours aussi flamboyante », sourit Karel.
À Var, il s’était imaginé faire un portrait d’elle, une épée tirée au clair sur le dos d’un cheval campé sur ses pattes arrière, le tout devant une nuée de flammes nées des pouvoirs de sa sœur. Aujourd’hui, il s’imaginait reproduire cet instant où Lya surgissait de la marée de flammes de Vohon’, mais pas grièvement blessée et tenant à peine sur ses jambes : droite et fière, défiant le Dragon du regard, si déterminée que même le brasier autour d’elle n’osait la toucher. La reine des flammes, devant laquelle même le Dragon ployait.
Lya rougit et détourna le regard.
— Ah ? Ce n’est pas trop…
— Clairement pas ! s’enthousiasma Wil. Ça te va très bien ! Aquilée, tu es un génie !
Aquilée sourit avec malice.
— Il faut dire que ni la sœur ni le frère sont doués pour se mettre en valeur ! se moqua-t-elle gentiment.
Karel répondit par un sourire amusé. Il était vrai que les nombreuses mèches qui échappaient au lien maintenant ses longs cheveux au niveau de sa nuque lui donnait une apparence négligée.
Le jeune homme dirigea le regard vers sa sœur et afficha une expression attendrie à son égard.
« J’admets, c’est bien meilleur que ce que j’ai tenté. Merci, Aquilée ! »
Un coup d’œil à sa sœur lui indiqua qu’elle était encore sur la retenue. Elle contenait un débordement émotionnel, un soulagement intense lié à ce nouveau cap qu’elle passait depuis sa confrontation avec Vohon’. Elle avait enfin vaincu ses démons et une vague de fierté envahit Karel à ce constat. Même si Lya ne semblait pas encore prête à se laisser aller devant les autres. Même devant Wil.
« Bon. Mon rôle de frère ne va pas être mis au placard de sitôt », sourit-il.
Enfin. Enfin, sa sœur était engagée sur le chemin de la guérison. Rien ne pouvait plus le combler de bonheur.
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