Chapitre 18 - 2
La côte se rapprocha. Les bâtiments grandirent, atteignant des sommets vertigineux.
— C’est dingue… souffla Aquilée. On a vraiment l’impression d’arriver dans un tout autre pays !
Karel pouvait bien concevoir que pour une fille habituée à vivre au milieu des arbres, cet environnement avait de quoi dérouter.
La ville comportait beaucoup de lumières, enfermées dans des sortes de bocaux en verre installés sur de hauts poteaux de métal. Les Avancés avaient donc trouvé un autre moyen que le feu pour s’éclairer.
« Il y a trop de monde… » gémit Karel, les doigts serrés sur le bastingage.
Ce fut la première chose qui le frappa Karel. La masse de monde avait toujours eu tendance à le mettre mal à l’aise. Il soupira en constatant qu’il allait devoir à nouveau prendre sur lui pour subir ce futur envahissement. Si ses compagnons restèrent bouches bé devant les structures et toute l’activité qui s’animait sous leurs yeux, Karel se sentait déjà envahi par tous ces mouvements qui allaient vite sans jamais s’arrêter, au milieu d’innombrables cris.
Tout était immense. Les bâtiments dont il apercevait à peine les sommets, les rues qui semblaient interminables. Tout allait si vite…
— Tout va bien, mon garçon ? s’enquit Whélos, une main sur son épaule.
Ce geste eut au moins le mérite de le sortir de sa torpeur envahissante. Karel en remercia intérieurement le chercheur et prit le temps d’inspirer, le temps de retrouver sa concentration. Enfin, il acquiesça pour rassurer son ami : ce n’était pas la première fois que ce désagrément lui arrivait. Karel espérait qu’ils trouveraient un lieu calme rapidement.
— Aide-moi à lancer les cordes d’amarrage, tu veux bien ?
Karel obtempéra et lança un cordage à un homme sur le quai qui leur faisait signe. Il vérifia, comme Wil le leur avait appris, que le navire était arrimé de façon sécuritaire. Lya s’occupa de replier les voiles.
Une fois le moteur coupé, Wil les rejoignit, et la compagnie se rassembla au niveau de la passerelle. Le marin la fit dérouler jusqu’à ce qu’elle atteigne le quai quelques mètres plus bas. Ils descendirent jusqu’à se retrouver sur la terre ferme. Un homme, plutôt grand, dans la cinquantaine, vint les accueillir. Il portait une courte barbe blanche bien taillée, des lunettes et un uniforme qui le démarquait de tous les autres travailleurs présents.
— Bienvenue dans notre ville, voyageurs, les accueillit-il.
Wil s’avança et tendit quelques pièces à l’homme.
— Merci. Voici l’avance pour permettre à notre navire de rester ici quelques jours.
— Veuillez garder votre argent, s’il vous plaît.
— P… pardon ? bredouilla Wil, désarçonné.
Ses amis fut d’autant plus surpris que leur interlocuteur fit un signe de la main à ses travailleurs, qui s’activèrent. Le navire de Wil devint invisible.
— Eh ! s’insurgea-t-il. Qu’est-ce que vous faites ?
— Simple précaution, nous avons déjà suffisamment d’ennuis comme cela, répliqua l’homme. Mais vous ne semblez pas être au courant.
Karel, comme les autres, mirent la main sur leurs artéfacts, prêts à se défendre. À leur surprise, le chef de quai leur offrit une expression profondément désolée.
— Nous allons tout vous expliquer. Venez. Ce n’est pas un endroit pour parler.
— Comment savoir si vous ne nous menez pas dans un piège ? gronda Lya.
L’homme lui offrit un sourire triste.
— Vous êtes des Sorciers, non ? J’en suis un aussi, mais à un contre cinq, je ne pense pas m’en sortir gagnant, voyez-vous. Navré, c’est la seule garantie que j’ai.
— Mon… mon bateau…
— Rassurez-vous, il est parfaitement intact, assura le chef de quai. Et vous le retrouverez exactement dans le même état si vous parvenez à revenir ici.
— Comment, « si nous y parvenons » ? releva Whélos.
— Venez avec moi. Nous ne pouvons pas parler ici. Je répondrais à toutes vos questions.
« Pourquoi faut-il que, où que nous passions, il se passe des choses anormales ? » s’agaça Karel.
Le chef de quai les emmena dans un dédale de bâtiments de métal. Au bout de plusieurs minutes, il les fit entrer dans un petit bâtiment.
— Raël ! Fait en sorte d’effacer toutes les traces de nos nouveaux arrivants sur les registres, et assure-toi que personne ne vienne nous déranger, s’il te plaît.
— Bien, Monsieur.
Un homme, la trentaine, apparut dans l’encadrement d’une porte. Karel se figea, glacé jusqu’au sang comme s’il subissait un puissant sort de gel.
« Non… Ce… C’est impossible ! »
Le jeune homme semblait partager sa surprise en l’apercevant, mais pas comme on pourrait s’y attendre. Raël semblait sincèrement se demander qui il était et pourquoi Karel le dévisageait avec stupeur.
— Karel ? s’inquiéta Lya. Que se passe-t-il ? Tu es pâle…
Le visage de Raël se tordit soudain de douleur. Il se prit la tête entre ses mains, paniqué, pris de convulsions.
— Raël ? Que se passe-t-il ? s’inquiéta le chef de quai à son tour.
Il se tourna vivement vers ses invités, les yeux chargés de colère.
— Est-ce vous ? Est-ce vous qui malmenez ce garçon ?
— Nous n’avons rien fait ! défendit vivement Aquilée. Quand bien même, Karel n’infligerait jamais un sort aussi atroce à quelqu’un !
— Ma tête ! cria Raël. Elle va… Elle va…
Le chef de quai le rattrapa avant qu’il ne s’effondre. Karel tremblait. Il n’en revenait pas. Cela faisait peut-être plusieurs années, mais il était certain que ce Raël était le serviteur de Serymar.
« Qu’est-ce qu’il fait ici ? Est-ce que le Maître serait là, lui aussi ? »
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