Chapitre 19

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Raël les guida dans un dédale de couloirs.

— Veuillez ne pas me perdre de vue. Les Avancés ont construit ce labyrinthe il y a quelques années pour nous protéger de la folie des radicaux. Il change sans cesse de disposition, ainsi, même si l’ennemi lit dans nos pensées, ils resteront incapables de trouver le bon chemin.

— Ingénieux, constata Whélos. Comment faites-vous pour connaître le bon chemin, alors ?

— C’est un secret que je ne trahirai pas, vous m’en voyez désolé, répondit Raël. Non pas que je ne vous fais pas confiance : Karel est une garantie de votre bonne foi pour moi. Mais moins nous sommes nombreux à le savoir, mieux c’est. Venez, nous y sommes presque.

Karel resta surpris par cette considération à son égard.

« Tellement de non-dits… » constata-t-il avec tristesse. « Et dire que je ne peux même pas lui demander ce qui est arrivé à Elma… »

Raël poussa une porte ouvragée. De nombreux rouages tournèrent les uns dans les autres jusqu’à dévoiler la pièce suivante, dans laquelle ils entrèrent.

Un grand salon joliment décoré les accueillit. Une haute fenêtre faisait entrer la lumière du jour, donnant un éclat chaleureux à la pièce.

Une fois la porte refermée, des petits pas précipités s’approchèrent. Un petit garçon de cinq ans surgit d’une autre porte et se figea à la vue de tout ce beau monde.

— Maman ! Raël nous a amené des gens à cacher !

— Nils ! Il est impoli de s’adresser aux gens de cette manière !

Karel et Lya se regardèrent, partageant la même interrogation.

— Cette voix…

« Oui. Elle me dit quelque chose, aussi. »

Une jeune femme surgit du fond de la pièce. Elle portait de longs cheveux blancs tressés en une natte unique reposant sur une épaule, des oreilles de renard blanc se dressaient sur sa tête et elle possédait des yeux vairons, dont un violet.

— Lyrielle ! s’écria Lya.

« C’est donc toi, l’épouse du fils du chef de quai ? » pensa Karel, abasourdi.

— Lya… Karel ? s’étonna-t-elle. Mais comment est-ce possible ?

— Bon sang, Lyrielle, ça fait si longtemps ! s’émut Lya en la rejoignant.

Elles se jetèrent dans les bras de l’une et de l’autre et s’étreignirent avec affection.

— Je suis moi aussi, heureuse de vous revoir tous les deux, répondit gentiment Lyrielle. Même si je ne m’y attendais vraiment pas !

Karel sourit. Lyrielle ne semblait pas avoir changée. Il reconnaissait bien leur douce amie d’enfance. Il s’approcha d’elle à son tour. Lyrielle relâcha Lya et sourit largement à Karel.

— Comme vous avez changé, tous les deux ! Cela me fait tellement bizarre de vous revoir ici ! Ça change des bancs de l’Académie, n’est-ce pas ?

Si Karel aurait pu rire, il l’aurait fait. Voilà un événement qui faisait du bien au milieu de tout ce chaos anxiogène. À défaut, il désigna Nils avec un sourire entendu. Lyrielle afficha une expression affectueuse en prenant son fils par les épaules.

— Oui, j’ai bien changé, moi aussi. J’ai accompli mon rêve : étudier ici, pour essayer, un jour, d’améliorer le confort de vie des Glaciers. Entre-temps, je suis devenue maman !

« Ce genre de nouvelle est si bon à entendre ! » voulut exprimer Karel, sincèrement ravi.

Une ombre s’empara des traits de Lyrielle.

— Malheureusement, je suis coincée, avec cette secte. Mais surtout je… Pardon, je ne veux pas vous embêter avec mes problèmes !

— Le fils du chef de quai, c’était donc ton mari ? demanda Lya de but en blanc. Tu es là pour aider les gens, n’est-ce pas ? Et surtout pour protéger ton fils.

Lyrielle acquiesça. Elle s’accroupit pour être à la hauteur de son fils.

— Nils, veux-tu bien retourner jouer dans ta chambre, s’il te plaît ? Je te rejoindrais tout à l’heure.

— Mais je serais sage, Maman !

Lyrielle l’embrassa tendrement sur le front et lui replaça une mèche de cheveux.

— Nous allons avoir des discussions d’adulte, mon chéri. Du genre, atrocement ennuyeuses. Tu es sûr que tu veux rester ?

— Ah ça non, alors ! Au revoir tout le monde !

À peine acheva-t-il sa phrase que le petit garçon détala et quitta le salon. Lyrielle se redressa et se tourna vers ses amis.

— La situation est grave. Les radicaux ont mis en place des patrouilles à votre recherche, qu’ils appellent « Inquisiteurs ».

— Lyrielle, s’empressa Lya. Nous ne pouvons pas repartir. Ça va te paraître fou, mais nous devons aller à la Tour d’Onyx. Peux-tu nous aider ?

Un court silence plana dans la pièce. Lyrielle leur sourit.

— Évidemment, que je vais vous aider. Mes pouvoirs ne peuvent certes rien faire contre ces gens, mais je me battrai comme je le pourrai. Pour mon mari.

La peine gagna Karel. Il n’osait pas imaginer la douleur que leur amie avait pu ressentir en apprenant que son époux s’était fait torturer puis tuer.

« Ne prends pas trop de risques, tout de même, Lyrielle. Ton fils n’a plus que toi sur qui compter, et il a besoin de toi. Protège-le avant qui que ce soit. »

Lyrielle se dirigea vers un grand pan de mur qui dissimulait une énorme penderie où étaient disposés de nombreux vêtements. Elle en sélectionna quelques-uns et en distribua à chacun.

— Il y a un paravent là-bas, derrière lequel vous pourrez les essayer. N’hésitez pas à me dire si c’est la bonne taille.

Elle se dirigea vers Wil pour lui proposer des accessoires supplémentaires.

— Désolée, mais il va falloir dissimuler tes branchies et tes palmes. Ce monde que ces radicaux veulent est vraiment désolant…

— T’inquiète, ce n’est pas de ta faute, rassura Wil en prenant les vêtements. Enchanté de faire ta connaissance, au fait. Lyrielle, c’est ça ? C’est sympa, comme nom. Vu ton apparence, tu es issue de la Tribu des Glaciers, non ? Tu peux m’appeler Wil.

Il examina les accessoires.

— Je n’en aurais peut-être pas besoin. Je suis capable de changer de forme, maintenant.

— Mieux vaut ne pas utiliser la magie, du moins, tant que ce n’est pas en dernier recours, répliqua Lyrielle. Ils ont créé des appareils qui détectent l’utilisation de la magie. Les patrouilles vous tomberont dessus aussitôt.

— Mais c’est vraiment de la tyrannie ! s’emporta Aquilée.

Lyrielle acquiesça sombrement en lui donnant, à elle aussi, des vêtements, et un grand bandana pour dissimuler la pointe de ses oreilles.

— Oui. Quand je suis arrivée ici, c’était comme chez nous… Plein de gens variés, de tout horizon. Nous sommes toujours bien accueillis. Mais là, c’est comme si les radicaux ne souhaitaient qu’il n’y ait qu’une seule et unique espèce, formatée de la même façon. Je trouve ça d’un triste… Quand je suis arrivée ici sur un bateau de la Tribu de l’Eau, c’était toujours un jour exceptionnel. Je… C’est ce monde-là que j’aimerai montrer à mon petit garçon. Et pas toute ce formatage et ces lois absurdes. Il faut que vous parveniez à la Tour d’Onyx.

Karel signa, l’expression sérieuse. Lyrielle tourna le regard vers Lya.

— Je suis d’accord avec mon frère, Lyrielle. Nous sommes vraiment touchés que tu veuilles nous aider, mais nous le regretterions toute notre vie s’il t’arrivait quoi que ce soit. Promets-nous que tu ne prendras pas le moindre risque. Ce serait terrible, pour ton fils, s’il te perdait…

Lyrielle sourit avec émotion.

— Ne vous inquiétez pas pour moi. Je n’ai jamais été une combattante, de toute manière. Je vis cachée depuis quelques mois, maintenant. Ce n’est pas une situation qui me ravit, mais c’est justement pour mon fils que je le fais, et pour permettre à autant de gens que possible de s’échapper. Et… J’attends juste avec impatience que vous accomplissiez la Prophétie. Quand les Dragons nous auront débarrassé des radicaux, nous pourrons enfin revivre, et je pourrai présenter Nils à ma famille.

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