Chapitre 1 : Marquée 3/3

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Les bottes de Triss semblaient s’enfoncer dans l’épaisse couche de cendres, comme si les restes de Varenn et de ses habitants essayaient de l’aspirer. La jeune fille n’y prêta aucune attention et continua à avancer dans l’immense cratère, essayant de reconstituer la ville dans son esprit afin de retrouver son chemin. Les rares fondations qui s’élevaient encore à quelques centimètres du sol l’aidaient à se repérer.

Il lui sembla au bout de cinq minutes qu’elle avait atteint sa destination. Devant elle, aurait dû se dresser l’estrade où elle avait été torturée, tandis que la foule acclamait son bourreau à l’endroit même où elle se trouvait. C’était trois jours auparavant, d’après ce que lui avait expliqué Naru. Cependant dans son esprit, il s’agissait de ses derniers souvenirs avant son évanouissement. Pour elle, c’était donc comme si ce cauchemar avait eu lieu la veille…

Elle sentait sur son dos le regard inquiet de Philippa. Triss se tourna vers l’ancienne secrétaire de son oncle qui s’appuyait sur un bâton pour ménager ses forces.

  • Cela devait être spectaculaire, non ? lança finalement Triss d’une voix qui se voulait enjouée pour briser le silence pesant. Un dragon cracheur de feu, une mission risquée menée par des héros courageux prêts à tout pour sauver une princesse… On dirait presque un conte de fée !
  • Sauf que les contes de fée ne parlent jamais de sang, de torture, d’odeur de chair calcinée et de la férocité d’un dragon capable d’écraser des bâtiments d’un simple mouvement de queue, répliqua Philippa.

Triss se permit un sourire, puis se tourna vers l’estrade… ou plutôt l’endroit où aurait dû se trouver l’estrade.

Son amie lui avait raconté en détails ce qui s’était passé : l’opération de sauvetage que Sheamon et les autres avaient menée pour la récupérer, la mort d’Evander et la destruction de Varenn causée par Voldra… Mais Triss avait eu peine à le croire. Cela paraissait trop irréel, et elle avait besoin d’en constater les preuves de ses propres yeux. Elle avait donc insisté pour descendre dans le cratère malgré les protestions conjointes de Naru et Philippa. Comme Triss ne voulait rien entendre, Philippa avait exigé de l’accompagner.

Naru, bien sûr, s’y était opposée encore plus fort, mais Philippa avait ingurgité sans broncher tous les élixirs soumis par la sorcière en jurant de se tenir tranquille. Après un repas de sang frais pour ses deux patientes et un rapide examen de santé, Naru avait abdiqué pour récompenser la bonne volonté de Philippa… sous réserve que cette dernière se montrât raisonnable.

La sorcière leur avait également adjoint deux guides démons qui avaient déjà fait le chemin plusieurs fois pour leur éviter de se perdre, et s’assurer que ses patientes ne commettraient pas de folies.

A leur sortie des appartements d’Ilyann, les anciens prisonniers les avaient regardées avec effroi et méfiance, parfois même avec une haine sur le visage qui avait fait tressaillir Triss, tant leur expression ressemblait à celle des vampires de Varenn lors de son supplice.

  • N’y faites pas attention, leur avait dit Naru. Ils haïssent les vampires pour ce qu’ils leur ont infligé… mais je leur ai expliqué que vous, Philippa, avez tué Evander et que Triss avait été aussi maltraitée qu’eux. Ils savent non seulement qui vous êtes mais aussi que, sans nous, ils seraient encore des esclaves… Croyez-moi. C’est juste que… leur haine contre les vampires est tenace.

Triss avait failli éclater de rire.

  • Qui réagirait autrement après ce qu’ils ont subi ? avait-elle ironisé.

Les deux démons désignés pour les accompagner les avaient saluées respectueusement, mais ils s’étaient contentés de marcher cinq mètres devant elles durant tout le trajet sans prononcer un seul mot. Triss sentait leur malaise, malgré leurs efforts pour le cacher. Ils étaient restés près de l’entrée du tunnel dès leur arrivée dans le cratère, les laissant continuer seules avec un soulagement évident.

Triss reporta son attention sur Philippa.

  • Il n’y a eu absolument aucun survivant, n’est-ce pas ? lui demanda-t-elle alors pour la troisième fois.
  • Probablement pas, répondit patiemment l’ancienne espionne. Ils étaient tous sur la grande place, et aucun n’a eu le temps d’atteindre le tunnel… A moins qu’ils aient appris à voler, je ne pense pas qu’un seul d’entre eux ait survécu.
  • Ilyann aurait pu, lui. Naru m’a dit que vous l’avez laissé dans le tunnel sous l’ancien aéronef, et que certains prisonniers se rappellent l’avoir vu évanoui alors qu’ils empruntaient le passage… Il aurait pu se réveiller et s’enfuir dans les galeries souterraines.
  • C’est toujours possible, c’est vrai. Mais Sheamon et le devin sont allés à sa recherche. Si le renégat avait pu sentir son aura, il l’aurait probablement trouvé. Le plus probable est qu’il se soit réveillé pendant le massacre de Voldra… et qu’en entendant les cris avec l’odeur du feu, il ait choisi de remonter à la surface pour aider ses camarades. Mais si c’est le cas, il est plus que probable qu’il ait brûlé avec les…
  • Arrête, s’il-te-plait, la pria Triss.

Philippa haussa les sourcils.

  • C’est le fils de l’homme qui t’a fait tant de mal, Triss… lui rappela-t-elle.
  • C’est aussi celui qui a mis sa crédibilité en jeu pour te permettre de rentrer ici, puis qui t’a laissé son lit et donné son sang pour t’aider à survivre. C’était quelqu’un de bien, Philippa.
  • Peut-être que tu as raison, admit cette dernière après un long silence, avant d’ajouter d’une voix plus douce. C’était probablement quelqu’un de très bien, j’en suis sûre.

Triss ne répondit pas. Elle se dirigea vers les ruines de l’ancienne aéronef, Philippa toujours sur ses talons.

  • Comment te sens-tu ? lui demanda l’ancienne espionne, préocuppée.
  • Mes blessures sont guéries depuis longtemps, tu le sais bien…
  • Je ne parlais pas de ça. Je parlais de toi, Triss.

La jeune fille s’arrêta de nouveau, et observa son poignet gauche où brillait normalement l’Horologium que lui avait donné Sheamon. Elle ne l’avait pas retrouvé depuis que les hommes d’Evander le lui avaient arraché lors de son emprisonnement… et cela, encore plus même que les souffrances endurées, l’affligeait terriblement. Elle avait l’impression d’avoir perdu son lien avec le renégat.

  • Je… ça va, je crois… finit-elle par répondre en déglutissant. C’est juste que… j’ai parfois l’impression que mon dos me brûle sans raison, ou alors je crois entendre leurs cris à nouveau, mais… ça va. J’arrive à le supporter. C’est presque comme si tout cela était arrivé à quelqu’un d’autre, et que je n’étais qu’une spectatrice extérieure. Je… n’ai pas envie de pleurer… J’ai plutôt envie d’en rire en fait. C’est à cause de ma naïveté que j’en suis arrivée là. Si je m’étais comportée en Nocturii et que j’avais déchainé mes pouvoirs… aucun d’entre eux n’aurait pu m’arrêter. Mais c’est parce que j’ai choisi de ne pas agir en tyran comme ma mère que je me suis retrouvée dans cette situation…

Triss esquissa un sourire sarcastique.

  • J’en viens à me demander si cela sert vraiment à quelque chose d’essayer de changer ce que le destin nous a imposé… Pourquoi devrais-je essayer de ne pas me conduire comme une Nocturii si, de toutes manières, je serai traitée comme telle ?
  • Autrement dit, tu ne vas pas aussi bien que cela…

Le sourire de Triss s’effaça aussitôt et la colère qu’elle retenait depuis si longtemps au fond d’elle éclata.

  • Comment pourrais-je aller BIEN ?! hurla-t-elle brusquement. J’en ai assez, Philippa ! Je suis lasse d’être devenue la cible du monde entier à cause de ce nom, parce que tout le monde souhaite me contrôler, m’utiliser ou me faire souffrir… Inutile d’essayer de plaider ma cause, puisque le monde m’a déjà condamnée en tant que Nocturii ! A quoi cela sert-il de lutter dans ce cas ? Je… je ne sais pas quoi faire, Philippa. J’ai tout essayé pour me différencier d’eux, et maintenant…

Triss, les mains tremblantes, se détourna de son amie et lentement fit tomber sa veste, laissant apparaitre l’odieuse marque sur son dos à nu. En la voyant pour la première fois dans le miroir de la grotte alors que Philippa et Naru avaient quitté la pièce, Triss avait failli vomir d’horreur devant la fleur de lys écarlate encrée dans sa peau. Elle avait résisté à l’impérieuse envie de s’arracher la chair avec les ongles dans une vaine tentative pour l’effacer. Toutes ses blessures s’étaient toujours effacées avec le temps, et pourtant celle-ci, la plus cruelle d’entre toutes… était resté.

  • Ils… ils m’ont marquée, Philippa ! continua la jeune fille d’une voix tremblante. Ils m’ont montré que quoi je fasse, je resterai toujours un monstre. C’est inscrit en moi, maintenant…

Elle vit le regard de Philippa, quasi impassible, observer la marque dans son dos avec intensité. Seuls ses poings serrés et la rage dans ses yeux témoignaient de sa colère. Puis, la colère dans son regard fut remplacée par la compassion et l’amour. Lentement, Philippa se tourna à son tour pour relever sa chemise, dévoilant un dos couvert de traces noires qui s’agitaient… et d’une marque écarlate en tous points identique à celle zébrant le dos de Triss.

-J’ai bien souvent considéré cette marque comme un fardeau, lui raconta Philippa. Parce qu’elle me rappelait à chaque fois que je n’étais pas libre, que ma vie ne m’appartenait pas… Mais maintenant j’en suis plutôt fière, parce que cela veut dire que je porte le même symbole que toi.

Philippa laissa retomber sa chemise et adressa un pâle sourire à une Triss stupéfaite.

  • Ce n’est qu’une marque, lui rappela-t-elle en s’approchant pour la rhabiller à son tour avec beaucoup de douceur. Rien de plus. Elle ne peut pas définir ce que tu es, parce que tu es la seule à pouvoir en décider. C’est toi qui m’a fait comprendre ça, Triss.

Triss sentit les larmes lui monter aux yeux.

  • Pourquoi ne me hais-tu pas, toi aussi ? la questionna-elle. C’est ma famille qui a fait de toi une esclave… C’est à cause d’eux que Forlwey a pu te faire souffrir et tuer Luka ! Je suis l’une des leurs, moi aussi !

Philippa la serra contre elle avec tendresse. Triss ne résista pas et ferma les yeux, s’abandonnant quelques instants à cette étreinte affectueuse, si bienfaisante après toute la souffrance et la haine qui s’étaient abattues sur elle.

  • Tu vaux bien plus que tous les nosferatus et les Nocturii, affirma l’ancienne espionne. Leurs fautes ne sont pas les tiennes, Triss. Et tes vertus, ne leur appartiennent pas non plus. N’oublie jamais que tu es meilleure qu’eux. Je sais qu’un jour, les autres se rendront compte de ta valeur. Ta lumière m’a redonné vie, Triss… et un jour, elle éclairera le monde.

Triss ne put répondre, submergée par l’émotion. Elle se contenta de laisser couler ses larmes contre la poitrine de Philippa, sentant ses souvenirs funestes s’évanouir peu à peu, dissipé par l’amour que lui témoignait l’ancienne espionne.

  • Cela me rassure, en quelque sorte, reprit Philippa. Si tu n’éprouvais pas de mal à surmonter une telle épreuve, j’aurais craint qu’ils ne t’aient brisée…
  • C’est peut-être le cas… murmura Triss.
  • Si c’était le cas, tu ne serais pas sortie de ton coma. Tu as subi bien plus de souffrance cette nuit-là que la majorité des personnes en ce monde auraient pu supporter pour toute une vie. J’ai déjà senti le fouet magique des contremaitres sur mes épaules, et je connais la douleur qu’il provoque. J’en ai vu devenir fous, supplier qu’on les achève, ou finir estropiés en n’étant plus que l’ombre d’eux-mêmes. Mais toi, tu n’as pas perdu ta volonté. Avoir la force de rester debout malgré la tempête est déjà incroyable en soi, c’est vrai. Mais avoir le courage de se redresser quand le monde nous a jeté à terre, ça c’est extraordinaire. Et toi, Triss, tu es exceptionnelle...

La jeune fille laissa s’évacuer toute la rancœur, la colère, les peurs et la haine qui l’habitaient. Son esprit lui sembla alors plus léger, comme apaisé. Elle avait été stupide de se plaindre, alors qu’en face d’elle se trouvait quelqu’un qui avait connu autant de malheur, sinon bien pire que ce qu’elle avait subi… et ce pas seulement pour une seule nuit, mais pendant plusieurs années sans répit. Philippa pourtant n’avait pas laissé ses malheurs la briser. Alors Triss ne laisserait pas non plus les siens contrôler son destin.

La jeune fille s’écarta de Philippa, revigorée. Elle ne voulait pas céder à l’abattement, et surtout elle ne laisserait pas les actes d’Evander, d’Opra et de leurs camarades briser sa volonté. Triss serait plus forte.

  • Merci, Philippa, murmura-t-elle en lui serrant les mains avec force. Merci… d’être là.
  • Toujours, assura Philippa, avec un sourire.

Elle fut soudain prise d’une quinte de toux et se détourna, pliée en deux.

  • Ça va ? s’inquiéta Triss.

Mais Philippa se redressa presque aussitôt en inspirant un grand coup. Elle secoua la tête en se passant la main sur ses lèvres, comme pour se débarrasser d’un goût infect.

  • Ce n’est rien, la rassura l’ancienne espionne en retrouvant un visage chaleureux. Sûrement les cendres qui m’irritent la gorge. Rentrons, d’accord ? Plus vite nous quitterons ce cratère, mieux ça ira.

Triss hocha la tête, rassurée. Tout en gardant la main de Philippa, elle l’entraina vers le tunnel avec un léger sourire.

  • Alors, ne trainons pas ! lança-t-elle d’une voix plus joyeuse.

Comme elle détournait la tête, elle ne vit pas le visage de Philippa s’assombrir, tandis qu’elle essuyait la trace de sang sur sa main. C’est alors que le rugissement enragé de Voldra retentit soudain dans le ciel, son cri se répercutant en écho entre les parois de la Montagne Décapitée.

Les deux vampires se figèrent. Cela ne pouvait signifier qu’une chose ;

Danger.

***

  • Je sais que je l’ai déjà dit…
  • Au moins trente fois, devin…
  • … Mais je déteste vraiment la montagne ! acheva Jonas en se frayant un passage tant bien que mal entre les roches escarpées qui garnissaient les alentour de la Montagne Décapitée.

Sheamon retint une réplique agacée, ne souhaitant pas vexer son compagnon alors qu’ils venaient tout juste de retrouver un certain niveau d’entente. Mais il avait atteint sa limite à l’entendre se plaindre continuellement… à tel point qu’il en venait presque à regretter son silence au début de leur trajet.

  • Un peu de patience… marmonna Sheamon en grimpant sur un rocher de granit avant de baisser la tête pour éviter d’en cogner un autre.
  • On aurait dû voler, bon sang ! Je n’ai jamais autant regretté d’être né avec des jambes !
  • Pour la centième fois, je ne tiens pas plus que cela à être attaqué par les prédateurs, ou repéré par qui que ce soit. On ne sait pas si des éclaireurs de Forlwey ne se trouvent pas déjà dans les parages. Marcher est plus discret.

C’est à ce moment précis que le rugissement de Voldra fit trembler le sol, glaçant le sang de Sheamon. Ce n’était pas le dragon qui l’inquiétait… mais la raison de son rugissement qui n’annonçait pas de bonnes nouvelles.

Le visage de Triss apparut aussitôt dans son esprit.

Oubliant toute prudence, Sheamon se mit à courir, escaladant les rochers aussi vite qu’il le pouvait, ignorant les cris de Jonas qui lui intimaient de l’attendre. Il aperçut alors pendant quelques secondes entre les escarpements au loin, la tête triangulaire du dragon qui crachait des flammes menaçantes, puis une ombre le survola. Relevant la tête, le renégat vit Jonas passer en volant au-dessus de lui, l’invitant à le rejoindre d’un signe de la main. Sheamon n’hésita pas. Il décrocha son arbalète de sa ceinture et fit apparaitre son sabre dans sa main droite, avant de déployer ses ailes à son tour pour s’élancer dans les airs d’une puissante impulsion. Si l’ennemi avait déjà lancé l’assaut, la discrétion n’était plus de mise.

Battant des ailes pour s’élever encore plus haut, Sheamon jeta un rapide coup d’œil en dessous de lui pour scruter les corniches de la montagne, s’attendant à voir surgir à tout moment un prédateur qui profiterait d’un moment de faiblesse pour attaquer, mais aucun animal ne se montra. La proximité du dragon les tenait probablement à distance.

Sheamon repéra facilement ce dernier, dressé tel une colossale statue devant la faille menant à l’entrée du refuge. Face à lui, répartis en arc de cercle organisé, une ligne non pas de shinobis comme il s’y attendait, mais de nirgaëns équipés de lourds boucliers formait un mur protecteur pour permettre aux archers massés derrière de tirer en sécurité. Ces soldats devaient être remarquablement disciplinés pour être capables de tenir les rangs face à l’apparition d’une bête aussi mythique et puissante qu’un dragon... Bien des braves auraient pris leurs jambes à leur cou.

Il y avait également quelques silhouettes plus petites à l’allure humaine, des hommes et des femmes enveloppés dans de longs manteaux de voyage sales et brandissant des épées argentées, que Sheamon se rappelait avoir déjà vu quelque part. C’est alors qu’il aperçut loin devant la première ligne, à une vingtaine de mètres à peine de Voldra, un autre groupe plus hétéroclite mais encore plus familier. Le renégat comprit alors à qui il avait à faire…

…Et maudit une fois de plus sa mauvaise fortune.

Tout à gauche se tenait un nirgaën mi-homme mi-loup, plus grand que ses congénères. A ses côtés se trouvait Meira Lynn avec une lame dans chaque mains, ses quatre derniers sabres dansant dans les airs au-dessus d’elle. Puis venait Liam, tenant en respect Voldra avec Excalibur Mars, et enfin la lamia (Syana, il lui semblait se souvenir) qui avait prétendu être son assistante. Pour le moment, les deux camps s’observaient, le dragon semblant prendre plaisir à faire durer la confrontation… Néanmoins le renégat sentait que son impatience prendrait bientôt le dessus.

Sheamon rejoignit rapidement Jonas dans les airs.

  • Ce ne sont pas les sbires des Nocturii ! lui lança-t-il.
  • Je sais, j’ai reconnu Syana et son maitre… acquiesça le devin. Cependant si on ne fait rien, ils ne vont pas tarder à se battre. Voldra n’attend que ça !

Le renégat faillit le stopper. Si Liam et Meira Lynn étaient venus ici ensemble, cela voulait dire qu’ils avaient conclu une alliance qui ne pouvait avoir qu’un seul but : le neutraliser et récupérer Triss. Auquel cas le combat serait inévitable quoi qu’il arrive, et l’aide du dragon ne serait pas de trop pour égaliser ses chances face à cette alliance imprévue…

C’est alors que Voldra arqua son long cou, tandis que sa gueule luisait comme un volcan infernal. Il s’apprêtait à cracher ses flammes. Sheamon vit les soldats se raidir aussitôt sans pour autant rompre les rangs, tandis que Meira Lynn matérialisait une puissante barrière bleue entre eux et le monstre.

  • On discutera après ! reprit Jonas en amorçant la descente. Il faut que tu captes leur attention, Sheamon !

Sheamon obtempéra et suivit le sillage du devin, estimant que s’ils pouvaient éviter l’affrontement, cela valait le coup d’être tenté. Il leva alors son arbalète et pressa la détente. Un carreau fila droit devant eux avant d’exploser entre les guerriers et le dragon. Surpris, ce dernier ferma ses mâchoires titanesques, éteignant les flammes qui s’apprêtaient à jaillir de son corps. Une mince fumée noire sortit de sa gueule.

Il y eut deux secondes de flottement. Tous les regards se tournèrent alors vers la direction d’où provenait le carreau, puis sur Jonas et Sheamon qui atterrirent enfin face aux deux camps prêts à s’entredéchirer…

Le renégat observa calmement chacun des belligérants. Voldra avait l’air singulièrement contrarié d’être interrompu, le nirgaën à tête de loup l’observait avec méfiance comme beaucoup de ses congénères, et les anges affichaient leur mépris à l’instar de leur capitaine Meira Lynn qui le considérait avec un dégoût hautain. Il y avait aussi la colère qu’il lisait sur le visage de la lamia… et la haine, maitrisée mais profonde, de Liam.

Sheamon émit un rictus qui ne passa pas inaperçu pour Jonas.

  • Pourquoi souris-tu ? lui demanda le devin avec inquiétude.
  • C’est assez drôle, non ? répondit le renégat. Je viens de me rendre compte que ceux qui sont là veulent tous la même chose : prendre ma tête.

A suivre...

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