Chapitre 6 : Jonas Castle ou Perceval Tower ? 4/4

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  • Vingt-quatre heures et demie, précisa Liam. Et ce n’est pas une véritable forteresse, plutôt un donjon fortifié…
  • Ne jouez pas les rabat-joie, Maitre ! Nous avons accompli un véritable exploit !
  • Le véritable exploit sera de survivre encore une journée de plus, lâcha Meira Lynn, refroidissant aussitôt l’humeur de la lamia. Si nous sommes encore en vie après la bataille, nous pourrons dire que nous avons accompli l’impossible.

Liam, Gralgir-Khan et même Philippa manifestèrent leur approbation en hochant gravement la tête.

  • Vous aimez bien gâcher l’ambiance, n’est-ce pas ? grommela Triss.

L’ange n’eut pas le temps de répondre qu’une voix féminine retentit derrière eux :

  • C’est vraiment… impressionnant.

Surprise, Triss se retourna vers Naru, qui berçait doucement Ryku dans ses bras tandis que le chat ronronnait de plaisir.

  • Tu es remontée ? s’étonna Triss. Mais… depuis quand ?
  • On m’a prévenu que la construction était achevée, et comme j’en avais assez d’être sous terre, j’ai décidé de sortir pour voir à quoi ressemblait cette fameuse forteresse, expliqua la sorcière. C’est stupéfiant que vous ayez réussi à construire un tel édifice en à peine une journée…
  • Exactement ! renchérit Syana, triomphante. Enfin quelqu’un qui reconnait notre exploit à sa juste valeur ! Franchement, qui aurait pu faire mieux, hein ?
  • Cela me fait penser à l’empire romain, l’une des civilisations humaines les plus puissantes qui aient jamais existé, continua Naru. On dit que lorsqu’il fallait établir un camp, les légions romaines étaient capables de monter une véritable forteresse en quelques heures seulement.

Le sourire de Syana se figea. Dépitée, elle finit par croiser les bras pour se murer dans un silence obstiné.

  • J’ai appris ça aussi, intervint Triss, qui avait des connaissances sur l’Histoire humaine grâce à l’éducation de son oncle.

Ce dernier l’avait incitée à s’intéresser tout particulièrement à l’Histoire de l’Italie, puisqu’il s’agissait du pays où ils vivaient, et l’époque romaine l’avait fascinée.

  • Mais les légions comptaient aussi plusieurs milliers d’hommes… ajouta-t-elle.

La jeune fille s’aperçut alors que Jonas était monté au sommet du donjon pour dominer la foule qui s’était massée dans l’enceinte et sur les remparts.

  • Que fait-il ? s’alarma-t-elle, avec une sombre idée de ce que le devin prévoyait.
  • Un discours, répondit Liam, confirmant ses craintes. Et il a l’air de l’avoir préparé d’avance…
  • Oh non… murmura Syana en palissant, tandis que Meira serrait la mâchoire, résignée.

Comme s’il avait senti le danger, Ryku se dégagea doucement des bras de Naru et sauta au sol, avant de se faufiler dans la foule. Par curiosité, Triss le suivit jusqu’à le perdre de vue, et ses pensées se tournèrent alors vers Sheamon. Si la jeune fille l’avait aperçu plusieurs fois au cours de cette longue journée, il n’avait pas fait mine de venir la voir, ce qui était étonnant.

Elle chercha le renégat du regard et finit par le retrouver dans l’ombre, adossé à la muraille fraichement construite. Il arborait une expression sombre et lointaine, comme s’il était perdu dans ses pensées. Ryku jaillit soudain et sauta sur son épaule pour se frotter affectueusement à sa joue, mais son maitre ne parut même pas le remarquer. Triss éprouva l’envie d’aller le rejoindre, toutefois son instinct lui soufflait que le renégat préférait être seul pour le moment. Elle irait le voir plus tard.

  • Au fait… murmura-t-elle à l’oreille de Naru pour que personne d’autre ne l’entende. As-tu avancé concernant le décryptage du Monolitik ?

Elle vit l’expression de Naru se crisper quelque peu. C’est sur le même ton, quoique plus hésitant, que la sorcière lui répondit :

  • j’ai fait quelques progrès, oui… peut-être pas autant que je l’espérais, mais j’avance petit à petit sur la manipulation du Monolitik. J’ai tenté de lui donner un peu d’énergie moi-même, mais cela n’a pas vraiment eu d’effet tant son appétit est immense. Au moins grâce à cette expérience, j’ai une idée générale de comment il marche… en théorie.
  • Votre attention ! réclama soudain Jonas en haussant le ton pour se faire entendre dans la cacophonie de voix ambiante. Mes amis, je vous prie de m’écouter deux minutes… C’est votre général qui vous parle !

Mais sa voix n’était pas assez puissante pour couvrir le vacarme de la foule. C’est alors que Voldra poussa un rugissement qui fit trembler la montagne, réduisant en un instant tout le monde au silence. Alors que tous les regards se tournaient vers le dragon avec effroi, persuadés qu’il allait s’attaquer à eux… Voldra, impassible, inclina sa lourde tête en direction de Jonas pour l’inviter à continuer son récit.

-Merci Voldra, reprit le devin avant de s’éclaircir à nouveau la voix pour reprendre. Tout d’abord, mes chers camarades, je tiens à vous féliciter. Aujourd’hui déjà, nous venons de remporter une grande bataille dans laquelle nous n’avons certes pas versé de sang, mais investi des efforts immenses, nés de notre volonté de survivre. Chacun d’entre vous, à votre manière, avez participé à cette tâche qui paraissait impossible… Et nous l’avons fait ! Quand l’ennemi nous attaquera, il s’attendra à donner la chasse à des proies effrayées se terrant dans les tunnels comme des rats… mais il aura la douloureuse surprise de devoir affronter une défense impénétrable sur laquelle se briseront ses attaques ! Et les bardes chanteront un jour la légende des fiers guerriers de Perceval Castle !

Triss se frappa le front, à la fois désespérée et stupéfaite par l’audace du devin. Néanmoins si autour d’elle son groupe affichait une expression pincée et résignée, ils avaient bien l’air d’être les seuls à ne pas apprécier le nom donné à la forteresse. Car lorsque Jonas ponctua sa dernière phrase en levant le poing vers le ciel, son geste fut aussitôt suivi par les acclamations triomphantes du reste de l’auditoire.

Après avoir laissé la foule célébrer un moment, c’est sur un ton plus mesuré que le devin reprit :

  • Néanmoins, n’oublions pas que même si nous avons accompli l’impossible aujourd’hui, il nous faudra le refaire demain… Car ce n’était que le début, et le pire reste à venir. Notre ennemi est fort, nos chances de victoire sont faibles… Nous savons tous à quel point notre situation est terrible. Vous avez peur, naturellement. La plupart d’entre vous ne se sont jamais battus, et la perspective de voir couler le sang ou de mourir les paralyse d’effroi. Certains se disent même qu’ils ne tiendront pas quand l’heure sera venue… qu’ils jetteront leurs armes, s’enfuiront, ou s’abaisseront à supplier l’adversaire pour avoir la vie sauve.

Jonas promena son regard d’acier sur chacun d’eux, dans un silence désormais total.

  • Sachez qu’aucun d’entre vous n’abandonnera. Oui, vous aurez peur… peur au point que vous penserez en mourir. Oui, beaucoup d’entre vous ne sont pas des soldats et n’avaient jusqu’à maintenant jamais tenu une arme… Et enfin oui, nous serons nombreux à mourir. C’est inévitable, mes amis. Mais vous n’avez pas baissé les bras aujourd’hui parce que vous aviez la volonté de survivre. Et lorsque le moment sera venu, c’est cette volonté qui vous fera cesser de trembler pour vous tenir droits et défendre votre position. Chacun d’entre vous assumera son rôle et fera regretter à nos ennemis d’être venu nous défier. Croyez-moi, je suis fier de vous avoir à mes côtés pour ce combat !

Tout en prononçant ces paroles, le regard de Jonas parcourut la foule avec un sourire de fierté sur les lèvres. Puis il les congédia d’un geste de la main.

  • Allez dormir, maintenant, ajouta-t-il. Reposez-vous, si vous le pouvez. Vous aurez besoin de toutes vos forces quand le moment sera venu. Ne perdez pas votre présent à redouter l’avenir, car Il viendra bien assez tôt…

Sur ces mots, Jonas descendit des créneaux. Après un moment de silence respectueux, la troupe se dispersa, certains guidés par Malny vers l’accès au repaire des sorcières. C’était en effet dans leurs anciens dortoirs qu’avaient été installés la plupart des démons survivants. Naru les avait garantis sans danger, allant même jusqu’à y étendre un sortilège de protection pour rassurer les plus craintifs. Le reste des défenseurs se contenteraient de dormir contre les remparts enveloppés dans des couvertures, dans le tunnel près de la plateforme d’entrée ou derrière les portes protégeant le refuge, selon le poste auquel ils seraient affectés. Des sentinelles, que Gralgir-Khan sélectionnait déjà, seraient également dispersés à l’extérieur de la Montagne pour parer à tout évènement imprévu. Mais comme le devin savait précisément à quel moment l’ennemi arriverait, il y avait peu de chances que les rebelles fussent pris au dépourvu… Toutefois Jonas avait approuvé en ajoutant que deux précautions valait mieux qu’une.

Triss suivit du regard ce dernier qui traversait la foule, inclinant la tête devant ceux qui le saluaient avec respect avant d’entrer dans le donjon en refermant la porte. Qu’allait-il y faire ?

  • Je pensais qu’il aurait un discours un peu plus… entrainant, lâcha alors Syana, la tirant de sa rêverie.
  • On est d’accord, approuva vigoureusement Triss en ajoutant d’un ton incrédule. Perceval Castle… Vraiment ?
  • Je ne parlais pas de ça, plutôt du sens de son discours. J’ai presque eu l’impression qu’il cherchait à tuer le moral de nos troupes.
  • C’était un bon discours, au contraire, jugea Meira, à la surprise de Triss. Il a rappelé à chacun que malgré tout ce que nous avons accompli ce soir, ce qui reste à venir sera bien plus dur… et il a parfaitement raison. La moitié de nos forces est constituée de civils qui n’ont jamais participé à un véritable combat. J’ai déjà vu un nombre incalculable de bonnes recrues, pourtant extrêmement prometteuses, mourir dès leur première mission… parce qu’elles n’avaient aucune idée de ce que pouvait être une vraie bataille où notre propre vie est en jeu et où aucune règle ne nous protège. Le fait de s’être entrainés au combat a fait gagner aux novices une certaine assurance, qui leur sera nécessaire pour espérer survivre sur le champ de bataille. Mais chez certains, cette assurance risque de se transformer en arrogance qui pourrait leur être fatal. Ajoutez à cela l’ignorance, et ils seront les premiers à tomber ou à craquer. C’est ce que le devin voulait éviter. Pour ne pas flancher, ils doivent savoir à quoi s’attendre.
  • Mais en même temps, il a touché leurs peurs les plus profondes et les a rassurés en leur affirmant qu’ils tiendraient leurs postes, reprit Liam en approuvant d’un signe de tête. Surtout, il leur a fait comprendre qu’il était fier d’eux. C’est très important pour les soldats de savoir que leur chef les respecte : cela améliore leur moral et accroit leur loyauté. Le devin l’a parfaitement compris. Je dois dire qu’il ne cesse de me surprendre... Il accomplit pour l’instant un excellent travail de stratège.
  • En gros, il est important que les soldats soient à la fois braves et rassurés, tout en étant prudents et obéissants, comprit Naru. C’est une question d’équilibre, donc...
  • Tout est une question d’équilibre, sorcière, laissa tomber Philippa. A moins que tu ne veuilles juste des soldats qui obéissent au doigt et à l’œil comme les shinobis. L’avantage est qu’ils ne sont sujets ni à la peur ni à la colère. Ils ne se rebelleront pas plus qu’ils ne t’abandonneront.
  • L’armée dont rêve tout dictateur, j’imagine ! ironisa Triss d’un ton pince sans-rire.

Sa remarque, elle dont la mère était une favorite pour le titre du plus grand tyran du monde, provoqua un silence gênant jusqu’à ce que Liam se décidât à parler de nouveau.

  • Je vais essayer de trouver quelque chose à manger avant que mon tour de garde ne vienne, annonça-t-il en remettant son manteau d’exorciste. Vous feriez bien d’en faire autant et d’écouter les conseils du devin. Ce n’est plus qu’une question d’heures, maintenant...

Sur ses paroles quelques peu funestes, Liam les salua d’un signe de tête avant de se diriger vers le feu qui avait été allumé près du donjon. Sur ce dernier mijotait une énorme marmite de bouillon à l’allure insipide. Des commis le répartissaient dans des bols en y ajoutant des morceaux de pain noir, avant de les servir aux personnes attendant silencieusement leur tour. Syana, après un sourire à l’intention de Triss et de Naru, partit à la suite de son maitre.

  • Il n’a pas tort, admit Naru avant de se tourner vers Philippa et Triss. On m’a déjà apporté mon repas plus tôt, alors je n’ai pas faim… mais je vais bientôt devoir me remettre à déchiffrer le fonctionnement du Monolitik. J’ai préparé un peu d’élixir pour vous, Philippa, ajouta-t-elle en sortant une fiole de sa sacoche. Mais il me manque encore un peu de ton sang pour le compléter, Triss…

Cette dernière, qui se sentait épuisée, s’aperçut avec surprise et un brin de dégoût qu’elle avait faim à son tour… L’appel du sang lui tenaillait l’estomac et faisait monter en elle une soif qu’aucune boisson ou glace ne saurait atténuer.

  • Je… je crois que je vais avoir besoin de reprendre des forces aussi, avoua-t-elle un peu gênée.

Normalement, c’était Sheamon qui lui donnait son sang quand elle en avait besoin, mais l’exorciste n’était nulle part… L’Horologium à son poignet indiquait le nord et le symbole de deux engrenages, qui représentaient sûrement la concentration ou le travail… cela devait signifier que Sheamon avait quitté la forteresse pour s’occuper de quelque chose qui semblait important. Triss était gênée. Elle avait honte de parler de son alimentation à haute voix, car cela rappelait toujours à ses interlocuteurs à quel point elle était différente d’eux… et qu’une sombre bête assoiffée de sang sommeillait toujours en elle.

  • Pas de problème, déclara Philippa en dégainant son couteau avant d’en appliquer la lame contre son poignet.

Triss et Naru l’arrêtèrent avant qu’elle ne s’entaillât la peau.

  • Tu es trop faible pour supporter ça ! lui rappela Triss avec agacement.
  • Stupide ! rétorqua l’ancienne espionne en dégageant sont poignet, piquée au vif. J’ai connu bien pire que ça !
  • Ce n’est pas une raison ! répliqua Naru avec colère avant de fouiller dans sa trousse pour en ressortir une fiole vide et une seringue en verre. Bon sang, pensez un peu à mes efforts pour vous garder en vie !

Elle se tourna vers Triss, le regard résolu.

  • C’est moi qui vais t’en donner, Triss ! affirma-t-elle, même si elle avait l’air de pâlir à vue d’œil.

Touchée, Triss ne sut que dire. Naru, la jeune fille le savait fort bien, détestait se battre et faire couler le sang… Mais elle était pourtant prête à lui offrir le sien malgré l’effort évident que cela lui coûtait. Bien que la soif de sang lui labourât le ventre et lui asséchât la gorge, Triss refusa :

  • En fait, je vais bien… mentit-elle. Je vais attendre encore un peu avant de…
  • Ne dis pas de bêtises, Triss, l’interrompit Philippa avec agacement. Cela se voit que tu as soif ! Prends mon sang et…
  • On vous a déjà dit que c’était hors de question ! s’opposa Naru avant de tourner à nouveau la tête vers la jeune fille. Ecoute, Triss, j’apprécie beaucoup ta sollici…
  • Tu n’as qu’à prendre le mien, offrit alors une voix féminine derrière Triss.

La jeune fille se tourna avec surprise vers à Meira Lynn, qu’elle avait complètement oublié. Que faisait-elle ici ? Pourquoi n’était-elle pas partie rejoindre ses soldats ? Et surtout, depuis combien de temps les écoutait-elle ?

Triss sentit derrière elle Philippa se tendre et glisser sa main vers son poignard. Triss lui avait raconté leur rencontre à Nice et les ordres que l’ange avait reçu de l’Eden : la capturer ou la tuer pour qu’elle ne tombe pas entre les mains des Nocturii. Bien évidemment, Philippa ne voyait donc pas Meira Lynn d’un bon œil…

  • Ce n’est pas néce… commença Triss.

Mais Meira la devança en tendant le bras vers Naru, qui se raidit immédiatement et ferma les yeux comme si sa dernière heure était venue… Avec un soupir agacé, la guerrière attrapa la seringue de la sorcière, et se la planta dans le creux du coude sans plus de cérémonie, sous les yeux stupéfaits de Naru et des deux vampires. La seringue se remplit lentement, tandis que Meira conservait un visage de marbre. Une fois celle-ci pleine, la capitaine l’ôta simplement et la tendit à la sorcière en compressant la piqure. Interloquée, Naru consulta Triss du regard. Voyant toutefois que la jeune fille ne réagissait pas, elle récupéra la seringue en remerciant Meira Lynn d’un signe de tête, avant d’en transférer avec précaution le contenu dans sa fiole.

  • Vous n’auriez pas dû, lâcha finalement Triss, à la fois méfiante et curieuse de ce généreux mais surprenant geste.

Car malgré le fait qu’elles avaient travaillé ensemble à la construction de la forteresse, Meira Lynn restait l’ennemi de Sheamon… et même si elle prétendait vouloir la sauver, ses motivations à son égard n’étaient pas très claires non plus. Triss n’était donc pas certaine de pouvoir lui accorder sa pleine confiance, même si elles devaient combattre ensemble.

  • Ce n’est pas cela qui va me tuer, répliqua l’ange. Chacun de nous aura sa part de sang à verser d’ici quelques heures. Si cela peut te servir à aller mieux, c’est un sacrifice auquel je consens volontiers...

Naru tendit la fiole à Triss, qui la prit d’une main hésitante… Elle ne comprenait pas vraiment ce que voulait la capitaine des anges et ne voulait pas que cette dernière croit l’amadouer aussi facilement.

Triss jeta un coup d’œil à Philippa et Naru. Cette dernière inclina imperceptiblement la tête pour lui indiquer qu’il n’y avait aucun danger, tandis que Philippa avait l’air clairement contre. Mais réalisant qu’il serait à la fois stupide et insultant envers Meira Lynn de refuser son sang maintenant qu’elle le lui avait offert, Triss porta la fiole à ses lèvres et avala d’un trait le liquide tiède et cuivré. Le sang de Meira Lynn lui rafraichit délicieusement la gorge, tandis qu’elle sentait sa fatigue se dissiper et ses muscles se détendre. Devant le bien-être que cela lui procurait, la jeune fille oublia le dégoût et la gêne que lui inspirait ce geste qu’elle haïssait. Revigorée, Triss s’essuya les lèvres.

  • Merci beaucoup, capitaine Lynn, lui dit-elle sincèrement.

L’ange esquissa un sourire.

  • Je t’en prie, Triss Nocturii, répondit-elle d’une voix tranquille. Nous sommes dans le même camp, après tout…
  • Pour l’instant ! rétorqua Philippa, ne faisant aucun mystère de son hostilité pour l’ange.

Naru tressaillit, tandis que Triss intima d’un regard insistant à l’espionne de se taire. Le moment n’était absolument pas propice à un règlement de comptes, alors qu’une certaine unité venait à peine de s’installer dans leur groupe ! Heureusement, la capitaine choisit d’ignorer la remarque avant de s’adresser de nouveau à Triss :

  • J’aimerais te parler, si tu le veux bien… requit-elle d’une voix lente, avant d’ajouter en coulant un regard suspicieux vers Philippa et Naru. En privé, si possible…

Triss haussa le sourcil, intriguée. D’abord, Jonas, ensuite Liam, et maintenant Meira Lynn… La journée était décidément pleine de surprises ! Mais que pouvait bien lui vouloir l’ange, cette fois-ci ?

  • D’accord, accepta Triss.
  • Hors de ques… tenta de répliquer Philippa, interrompue par Naru qui s’interposa immédiatement.
  • Parfait ! s’exclama la sorcière en cherchant à entrainer l’espionne avec elle vers le donjon, sans parvenir à faire bouger celle-ci d’un pouce. On se retrouve en bas, Triss ! Nous avons des choses à régler de notre côté…
  • Lâche-moi, sorcière ! s’agaça Philippa. Je n’irai nulle part tant que…
  • Va avec Naru, Philippa, lui demanda Triss en lui adressant un sourire rassurant. Je n’en aurai pas pour longtemps…

Le regard méfiant de Philippa alla de la jeune fille à l’ange, prêt à ignorer la remarque de Triss… mais elle poussa finalement un soupir contrarié.

  • J’irais te chercher si je ne te vois pas revenir, lâcha-t-elle.

Elle se laissa alors entrainer par Naru vers le donjon, tout en jetant à Meira des regards méfiants. L’espionne craignait sans doute de voir la jeune Nocturii se jeter tête baissée dans de nouveaux ennuis… et Triss devait admettre que ses craintes n’étaient pas sans fondements. Quels que fussent ses choix, la jeune fille finissait toujours par attirer les problèmes comme le sucre attise la convoitise des guêpes…

  • Tes camarades te sont très attachées, remarqua Meira Lynn en les suivant du regard.
  • Ce sont bien plus que de simples camarades, répondit Triss d’une voix un peu plus dure qu’elle ne l’aurait souhaité. De quoi vouliez-vous parler ?

Meira Lynn désigna alors l’escalier en bois qui menait sur les remparts.

  • Allons dans un endroit plus tranquille, d’accord ?

Sans attendre sa réponse, l’ange se dirigea vers l’escalier. Triss la suivit, non sans effleurer la pièce écarlate toujours attachée à sa ceinture…

A suivre...

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