Premières investigations
Gaillac et Toulouse, lundi 28 janvier
L’adjudant Keller était occupé à interroger les fichiers judiciaires lorsque Laurent Ducros se présenta devant lui.
« Ducros, je voudrais que tu ailles faire un tour à Toulouse. À la fourrière municipale d’abord puis ensuite rue Monplaisir, vers le numéro 11. On a retrouvé la voiture du couple signalé mercredi dernier. Des riverains de la rue l’on signalée car elle était mal garée. Les services de la ville l’ont faite enlever le lundi 14, il y a deux semaines, personne ne s’est manifesté depuis. La voiture est une Renault Arkana noire. Prends le jeune Marchand avec toi, ça lui fera prendre l’air. Allez voir si vous trouvez quelque chose qui pourrait nous aider à localiser le couple Martinez et posez quelques questions aux personnes qui ont signalé le véhicule ainsi qu’aux voisins, si nécessaire. D’après l’immatriculation, le véhicule est très récent, moins d’un an. On n’abandonne pas une voiture neuve comme ça, sans une bonne raison. »
Une heure plus tard, le maréchal des logis stoppait la voiture de service devant les bureaux de la fourrière, Avenue des États-Unis. Les deux gendarmes se présentèrent au guichet d’accueil.
« Bonjour Messieurs, que puis-je faire pour vous ?
— Nous nous intéressons à un véhicule Renault Arkana qui vous a été amené lundi 14, il y a deux semaines.
— Vous avez l’immatriculation, ça ira plus vite pour les recherches.
— Oui, la voici, répondit Ducros en tendant un post-it.
— Voilà, je l’ai. En effet, elle a été remorquée ici le 14 en fin d’après-midi.
— Pouvez-vous nous dire qui a demandé son enlèvement ? Nous agissons dans le cadre d’une enquête de police judiciaire.
— Attendez, je regarde. C’est Monsieur François Lussac, domicilié au 11 rue Monplaisir, la Renault était en partie devant son garage et l’empêchait de sortir sa voiture. Il a fait un signalement sur le site Allo-Toulouse. Regardez vous-mêmes ! »
La jeune femme fit pivoter son écran. Le signalement était illustré de deux photos montrant clairement le véhicule et la gêne occasionnée.
« Personne ne s’est manifesté depuis cette date ? demanda Ducros.
— Non, aucune demande d’information, ni par téléphone, ni par mail.
— Merci, pouvez-vous nous accompagner jusqu’au véhicule, je vous prie ?
— Je ne peux pas quitter l’accueil, mais je vais appeler quelqu’un. »
Cinq minutes plus tard, Ducros et son collègue se retrouvèrent devant la Renault. Le maréchal des logis demanda à l’homme qui les avait accompagnés s’il pouvait ouvrir le véhicule.
« Normalement, non, cela nous est interdit, répondit le fonctionnaire municipal.
— Comme je l’ai dit à votre collègue, nous intervenons dans le cadre d’une procédure judiciaire et nous venons de Gaillac, nous pouvons demander une commission rogatoire, mais ce sera juste une perte de temps.
— Oui, je comprends fit l’homme, visiblement ennuyé. Vous savez que ces véhicules modernes nécessitent une clé électronique.
— Je suis sûr que vous disposez d’équipements permettant de s’en passer.
— Je dois en référer à mon chef de service, comprenez-moi !
— Je vous en prie, répondit le gendarme, appelez-le. »
Un homme vêtu d’un costume fatigué arriva rapidement, porteur d’une petite mallette.
« Pourquoi cette voiture vous intéresse-t-elle ? demanda-t-il.
— On nous a signalé la disparition des propriétaires il y a quelques jours, nous souhaitons vérifier si nous pouvons trouver dans la voiture des éléments pouvant nous aider à les localiser.
— Très bien, je vais tenter de la déverrouiller, je ne vous promets rien.
— Essayez toujours ! »
La Renault s’ouvrit à la troisième tentative.
« Restez ici, demanda le gendarme, vous serez témoin de notre fouille. »
Ducros et Marchand constatèrent rapidement que le véhicule ne présentait pas de signe de préparatifs pour un long voyage. La malle arrière était vide, aucun objet sur la banquette ni dans les vide-poches de portières. Le jeune gendarme ouvrit la boîte à gants. Il y trouva le manuel d’entretien du véhicule, dans son emballage d’origine, une pochette avec la carte grise et le certificat d’assurance, au nom et à l’adresse des Martinez à Lagrave.
« Regarde ! dit Marchand en tendant un petit feuillet à son supérieur, il y a une adresse, 9 rue Monplaisir à Toulouse.
— C’est là que le véhicule a été enlevé. Les Martinez devaient donc se rendre à cette adresse. On va aller voir. »
Ducros fit signe à l’employé de refermer le véhicule.
« Vous nous le gardez précieusement, il se peut que nous ayons besoin d’analyses complémentaires. D’ici là, on ne touche pas à cette voiture. Vous savez où se trouve la rue Monplaisir ?
— Oui, c’est une petit rue entre le canal du midi et le jardin des plantes. Près du Boulingrin.
— Très bien, on y va, merci pour votre coopération, vous nous avez fait gagner un temps précieux. »
La rue Monplaisir n’est pas très longue. Les deux gendarmes n’eurent pas de mal à localiser le 9. C’était un petit immeuble de briques roses, dans le style typique de la ville. Autour de la porte d’entrée, plusieurs plaques professionnelles annonçaient deux médecins, un cabinet d’avocat et un expert-comptable. Quatre appartements complétaient les locaux.
« Tiens, il y a un boitier à clés, remarqua Ducros, l’un des logements doit être loué par Airbnb ou un truc comme ça.
— On peut commencer par les professionnels, suggéra Marchand.
— Bonne idée, je te laisse les avocats et le comptable, je me charge des toubibs. »
Quelques minutes plus tard, les deux hommes se retrouvèrent pour échanger leurs résultats.
« De mon côté, commença Marchand, personne ne connait de Martinez et de surcroit, les bureaux sont fermés tout le week-end.
— Pas mieux du côté des médecins, j’ai eu un peu de mal à leur faire ouvrir leurs carnets de rendez-vous, mais pas de Martinez autour de la période qui nous intéresse.
— On va essayer les appartements alors. »
Au deuxième étage, personne ne répondit au coup de sonnette à la porte de gauche, mais la porte de droite s’ouvrit prudemment. Voyant les uniformes, l’occupant, un homme âgé eut un mouvement de recul.
« Rassurez-vous Monsieur, nous sommes juste là pour quelques questions. Vous habitez ici ?
— Oui, depuis plus de trente ans, je suis propriétaire.
— Vous connaissez donc les occupants des autres appartements, en face et au-dessus.
— Oui, enfin, sauf l’appartement au-dessus de chez moi. En face, c’est Monsieur et Madame White, un couple d’anglais qui sont installés ici depuis deux ou trois ans. Ils sont très gentils et serviables, ils doivent être au travail à cette heure-ci. Au troisième, il y a Madame Pujol, elle est veuve, elle habite l’immeuble depuis presque aussi longtemps que moi.
— Et le dernier ? demanda Ducros.
— C’est un truc pour touristes de passage, qui restent une ou deux nuits. Je crois qu’il y a la clé dans une boite à code, en bas.
— Oui, en effet, nous l’avons vue.
— Vous connaissez le propriétaire ?
— Non, je ne l’ai jamais vu, ça doit faire un an que c’est loué comme ça. Je n’aime pas trop ça, ces gens qui vont et viennent.
— Il y a deux semaines, le week-end, vous avez remarqué quelque chose d’anormal ?
— Je ne me souviens pas bien, laissez-moi réfléchir ! demanda le vieil homme. Ah oui, en effet, il a dû y avoir une sorte de fête. J’ai entendu pas mal de bruit dans l’escalier, assez tard. Il y a même quelqu’un qui a sonné chez moi, il s’était trompé d’étage. Ce n’était pas vraiment bruyant, mais j’ai bien entendu quand même les bruits de pas sur le plancher, les chaises qu’on traine, vous voyez ? Normalement, c’est interdit de faire des fêtes dans cet appartement, mais de nos jours, les gens ne respectent plus rien.
— Vous avez raison, nous allons nous renseigner sur cette fête. Vous êtes sorti dimanche ou lundi matin ?
— Oui, bien sûr, comme tous les jours, je suis allé chercher mon pain et le journal.
— Avez-vous remarqué une voiture mal garée en bas de chez vous ?
— Attendez, devant l’immeuble, non, mais devant le garage du voisin, il y avait une voiture noire.
— C’était dimanche ou lundi ?
— En fait, je crois bien qu’elle n’avait pas bougé, elle était toujours là le lundi. Même que je me suis dit que Monsieur Lussac allait à voir du mal à sortir sa voiture du garage.
— Merci beaucoup, dit le gendarme, Madame Pujol, vous savez si elle là en ce moment ?
— Non, je ne crois pas, elle m’a dit qu’elle partait une semaine chez sa fille, à Bordeaux.
— Ce n’est pas grave, nous la recontacterons plus tard. Excusez-nous pour le dérangement.
— C’est pourquoi toutes ces questions, c’est à cause de cette voiture ?
— Nous ne pouvons pas en dire plus, vous nous avez bien aidés. »
Sur le chemin du retour, les deux gendarmes échangèrent leurs impressions.
« Tu penses la même chose que moi ? Il faudrait savoir qui a loué cet appartement il y a deux semaines.
— C’est ça, on va en parler à l’adjudant, mais je pense qu’il nous faudra l’avis du procureur, on était déjà limite aujourd’hui. Si le gars de la fourrière avait fait du zèle, je n’aurais pas pu l’obliger à ouvrir la voiture ! »
Annotations
Versions