Une sollicitation
Gaillac, jeudi 31 janvier
Retrouver le nom du propriétaire n’avait pas été trop compliqué, mais il avait fallu à Keller franchir les différentes étapes du parcours administratif, tant du côté du Cadastre que de celui des Finances. Il disposait maintenant d’un nom, Serge Duvigeon, avocat inscrit au barreau de Toulouse. Après deux tentatives infructueuses, l’adjudant réussit enfin à lui parler.
« Bonjour, Adjudant Keller, Gendarmerie de Gaillac. Je vous prie d’excuser mon appel à l’heure du déjeuner, mais les précédents, aux heures de bureau sont restés sans réponse.
— En effet, j’ai remarqué votre numéro et vos messages, mais je n’ai pas trouvé le temps de vous rappeler. Je n’ai que quelques minutes à vous consacrer, j’ai une audience au Palais à 14 heures.
— Je ne serai pas long, juste quelques vérifications. Vous êtes bien propriétaire d’un appartement situé au 9 de la rue Montplaisir à Toulouse ?
— Oui, je vous le confirme. J’ai hérité de cet appartement il y a un peu plus de trois ans, au décès de mon oncle qui n’avait pas d’enfants.
— Pouvez-vous me dire quelle est son affectation aujourd’hui ?
— Oui, bien sûr, mais vous devez déjà le savoir. Il est loué pour de courts séjours à des touristes qui résident dans notre ville.
— Avez-vous loué cet appartement le week-end du 14 et 15 janvier ?
— Je ne peux pas vous le dire à ce jour. J’ai confié la gestion à un organisme spécialisé qui m’envoie des relevés mensuels et qui me verse les revenus correspondants. Je n’ai pas encore les données de janvier.
— Est-ce que cette centrale vous communique les identités des locataires ?
— Non, je reçois juste un document avec le nombre du nuitées et le montant perçu.
— Mais, le cas échéant, vous serait-il possible de l’obtenir ?
— Oui, probablement, mais vous savez que vous pouvez utiliser une identité fictive pour faire une réservation, il n’y a pas de contrôle.
— En effet, répondit l’adjudant qui avait fait l’expérience lui-même quelques jours plus tôt, mais il faut tout de même produire une carte de crédit, bien réelle cette fois.
— Je n’ai pas connaissance des informations bancaires des locataires.
— Savez-vous si cet appartement est parfois le cadre de soirées festives ?
— Là encore, c’est une information que je ne peux pas connaitre. Le règlement est très explicite sur le sujet, ce type d’utilisation est rigoureusement interdit. Pourquoi me posez-vous cette question ?
— Nous avons mené une enquête de voisinage dans l’immeuble et certains éléments nous permettent de penser que votre appartement a été le lieu d’une telle réunion le 14 janvier.
— Je n’étais pas au courant. Je comprends que les occupants des logements voisins aient pu se plaindre, mais pourquoi auprès de vous ? Gaillac, ce n’est pas à côté !
— En effet, ce n’est pas une plainte des voisins qui justifie ces questions, mais une investigation judiciaire, sur réquisition du parquet d’Albi. Je ne peux vous en dire plus à ce stade, toutefois je vous serais très reconnaissant de bien vouloir obtenir l’information concernant votre locataire du 14. Vous savez aussi bien que moi que ces plateformes ne sont pas implantées sur notre territoire et que toute demande de ma part sera longue et pénible. Vous pouvez nous faire gagner un temps précieux.
— Oui, bien sûr, je ferai le nécessaire dès ce soir.
— Parfait, je vais vous envoyer un courriel pour vous rappeler l’essentiel de notre conversation, j’attends votre réponse au plus vite. »
En raccrochant, Marc Keller se dit que finalement les choses auraient pu être moins faciles. Il n’était toutefois pas naïf, le nom qu’il espérait obtenir ne le mènerait peut-être pas très loin, mais les enquêtes de police étaient généralement constituées d’éléments infimes qui mis bout à bout permettaient de remonter le cours des évènements.
Annotations
Versions