Une impasse

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Gaillac, mardi 4 février

Marc Keller avait laissé de côté son enquête sur le couple disparu le temps du week-end. Il avait pris une journée de congé, pour une escapade parisienne, à l’occasion du premier match du tournoi. L’adjudant était un grand fan de rugby, sport qu’il avait pratiqué dans sa jeunesse avec assiduité. Malgré son modeste classement, il était un supporter engagé de l’UAG Rugby Gaillac, club dans lequel son fils, comme lui-même vingt ans auparavant, évoluait au poste de numéro 10.

Après trois jours d’absence, son bureau et sa boite de messages étaient encombrés de nombreux rapports et messages auquel il consacra la majeure partie de son lundi. Ce n’est que dans la matinée du mardi qu’il reçut un courriel de l’avocat toulousain. Duvigeon avait tenu son engagement. Figurait dans son message le nom de la personne qui avait effectué la réservation de l’appartement de la rue Montplaisir, ainsi qu’un numéro de téléphone. L’avocat poussait même le zèle jusqu’à fournir les coordonnées de Carmes FM. Le texte précisait qu’il ne s’agissait pas d’une station de radio, mais de la société en charge de l’entretien du logement. Peut-être auraient-ils remarqué quelque chose, précisait le rédacteur.

Keller rédigea immédiatement une réponse, remerciant Duvigeon pour sa diligence puis il appela son adjoint, Laurent Ducros.

« Le propriétaire de l’appartement de la rue Monplaisir m’a envoyé le nom de la personne qui l’a loué le 14 janvier. Il s’agit d’un certain William Chastaing. Je vais faire quelques recherches à son sujet et le contacter.

— Et moi, qu’est-ce que je peux faire ?

— Tiens, je voudrais que tu voies du côté de cette société, Carmes FM. FM ce n’est pas une radio, mais les initiales de Facilities Management, visiblement une sorte de conciergerie pour les locations saisonnières. Appelle-les et s’il faut, va faire un saut chez eux pour parler à la personne qui a fait le ménage le 16 janvier. Essaie de savoir s’ils ont remarqué quelque chose d’anormal, des objets oubliés, enfin tout ce qui pourrait nous aider à savoir ce qui s’est passé dans cet appartement.

— Je m’y mets tout de suite, je n’ai rien d’autre en ce moment. »

Ducros parti, l’adjudant se mit à son clavier. Sa première recherche, limitée à la ville de Toulouse, ne lui apporta rien. Bien sûr, ce Chastaing pouvait bien venir de n’importe où, mais l’instinct de Keller le laissait penser que les participants à cette soirée devaient être domiciliés dans la région, que ce n’étaient pas de simples touristes, surtout à cette période de l’année. Il élargit la recherche au département et l’ordinateur lui proposa trois occurrences. La première correspondait à un agriculteur de 75 ans, domicilié près de Saint Gaudens. Pas totalement impossible, mais peu probable, se dit l’adjudant. La seconde était un adolescent, à peine 17 ans, identifié au travers de son compte Instagram. Le dernier nom correspondait à un dentiste exerçant à Drémil-Lafage. Keller ouvrit un onglet Maps. Quinze kilomètres de Toulouse, c’est plausible, pensa-t-il.

« Cabinet du docteur Chastaing, je suis actuellement indisponible, merci de laisser un message. Pour une prise de rendez-vous, merci d’utiliser l’application Doctolib. »

L’adjudant décida de tenter sa chance et laissa ses coordonnées, sans donner plus de détails. Le dentiste le rappela à l’heure du déjeuner.

« William Chastaing, vous m’avez demandé de vous rappeler. En quoi puis-je vous être utile ?

— Adjudant Keller, de la gendarmerie de Gaillac. J’aimerais que vous me donniez quelques informations sur une location que vous avez effectuée pour le week-end du 14 janvier.

— Vous voulez parler de l’appartement au Busca ?

— Le 9 rue Monplaisir, à Toulouse.

— Oui, c’est bien ça. Que voulez-vous savoir ?

— Et bien, commença le gendarme, j’aimerais déjà comprendre pourquoi une personne qui réside à quinze kilomètres de Toulouse a besoin de louer un appartement en ville pour le week-end.

— Mais il n’y a rien de mystérieux là-dedans, nous avions quelques amis de passage dans la région et nous souhaitions nous retrouver pour un diner amical. Comme certains d’entre eux avaient besoin de se loger à Toulouse, et que nous n’aimons pas nous retrouver au restaurant, j’ai loué cet appartement.

— Vous ne pouviez pas les recevoir chez vous ?

— Non, en fait, je vis une période un peu délicate avec mon épouse, et elle n’était pas présente. Vous me comprenez ?

— Vous connaissiez tous les participants ? Combien étiez-vous ?

— Nous étions dix en tout.

— Pouvez-vous me communiquer les noms de ces personnes ?

— C’est assez gênant pour moi. En fait, plusieurs de ces personnes n’étaient pas avec leur conjoint légitime. Si ça se savait, cela pourrait leur créer des difficultés. Pourquoi avez-vous besoin de ces informations ?

— Je vous ai contacté dans le cadre d’une procédure judiciaire. Il se pourrait que certaines personnes ayant participé à cette soirée ne soient pas rentrées à leur domicile.

— Les gens sont libres de faire ce qu’ils veulent de leur temps, non ?

— Oui, en effet, mais là, ça fait plus de deux semaines et personne ne les a revus.

— J’étais venu avec une amie, et je suis reparti assez tôt, nous étions les premiers à quitter l’appartement. J’ai fini la nuit chez elle. Je ne sais pas ce que les autres ont fait ensuite.

— Alors, ces noms ? insista Keller.

— Je suis désolé, mais je vais consulter mon avocat avant de vous répondre. »

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