Rencontre virtuelle
Ramonville, vendredi 7 février
Thomas était devenu un utilisateur assidu de la messagerie du Réseau Rose. Il était rare qu’il ne se connecte pas au moins une fois par jour, le plus souvent en fin de journée, avant le retour de Marie. Il avait noué des contacts virtuels avec quelques couples, en plus de Lleonard & Camille. Petit à petit, Thomas découvrait les codes et pratiques des nuits libertines. Il avait recueilli des avis sur plusieurs établissements de la région, il avait entendu parlé des étés torrides au Cap d’Agde, mais il avait du mal à percer le mystère des soirées privées. Avoir accès au Réseau ne semblait pas être un sésame suffisant pour pénétrer ce dernier cercle. Seul Léonard avait accepté d’évoquer le sujet avec lui, et encore, sans entrer dans les détails, suggérant qu’il était préférable pour eux de privilégier les soirées en club.
Trois semaines s’étaient écoulées depuis leur première expérience au Pink. Le moment était sans doute venu d’inaugurer la nouvelle tenue de Marie. De ses conversations, le jeune homme avait retenu le nom d’un établissement un peu à l’extérieur de la ville, le Private. Une recherche rapide lui permit de le localiser et d’accéder au pages web du club. Une vingtaine de kilomètres au nord de Toulouse, accessible par l’autoroute, ce n’était pas un obstacle. Thomas décida de laisser un message à leurs nouveaux amis, en espérant qu’ils pourraient être disponibles pour les retrouver le lendemain ou le samedi suivant. Lorsque Marie rentra de Colomiers, la réponse n’était pas encore parvenue. Thomas referma son ordinateur et alla retrouver sa compagne.
« Comment s’est passée ta journée ?
— La journée, très bien, mais c’est le retour qui a été galère. Un accident sur la rocade, au niveau d’Empalot. Ce n’était même pas de notre côté, mais tu sais comment sont les gens, il leur faut ralentir pour regarder !
— C’est sûr, je n’ai pas ce genre de plaisir en télétravail, répondit Thomas.
— C’est bon, la semaine est finie, sers-moi plutôt quelque chose à boire !
— Bière, vin ou plus sérieux ?
— On a du vin blanc ?
— Oui, bien sûr, il y a une bouteille de Minervois au frigo.
— Je vais me changer. »
Pendant que Marie se dirigeait vers la chambre, Thomas servit deux verres et les apporta dans le salon. La journée avait été ensoleillée, mais fraiche, une belle journée d’hiver. Il avait allumé un feu dans la cheminée, un peu plus tôt. Le bois diffusait maintenant une douce chaleur. La jeune femme revint bientôt en tenue décontractée.
« Il y a vraiment des jours où je t’envie, j’en ai assez de faire la route cinq jours par semaine.
— Tu ne veux pas changer de branche, tu pourrais te faire muter à Labège, non ?
— C’est Defence & Space ! Ça ne me tente pas trop, je préfère les avions.
— Bon, c’est à toi de voir ! En attendant, je me disais qu’on pourrait peut-être sortir demain ou samedi prochain. J’aimerais bien te voir dans ta nouvelle robe !
— Pourquoi pas, tu voudrais retourner au même endroit ?
— Pas forcément, j’ai eu de bons échos sur un autre club, le Private.
— C’est des collègues qui t’ont suggéré l’adresse ? répondit Marie en riant.
— Tu crois qu’on peut aborder ce genre de sujet en visio ? Non, c’est sur le Réseau Rose.
— Tu es devenu accro ? J’ai l’impression que tu y passes pas mal de temps.
— C’est pas plus mal que TikTok ou Insta ! protesta Thomas.
— Je te fait marcher !
— J’ai laissé un message à Léonard et Camille, tu te souviens ?
— Oui, bien sûr, et alors ?
— Je n’ai pas encore eu de réponse, je regarderai plus tard.
— Pourquoi pas ensemble ? Moi aussi, j’ai mon mot à dire, non ?
— Oui, tu as raison. On essaiera après le diner. »
Le repas terminé et la cuisine rangée, les deux jeunes gens se retrouvèrent sur le canapé, l’ordinateur sur les genoux de Thomas, Marie lovée contre son épaule. Thomas lança la connexion. L’icone de messagerie clignotait au coin de l’écran. Il cliqua dessus.
« On a une réponse, dit-il.
— Qu’est-ce qu’ils disent ? demanda Marie.
— Nous serions heureux de vous revoir, mais ce n’est pas possible pour nous demain. Samedi 15, ça vous irait ? lut le jeune homme. C’est signé Camille. Qu’est-ce que je réponds ?
— Samedi prochain, on n’a rien de prévu il me semble, ce sera un peu la Saint Valentin ! Dis-lui que c’est d’accord. »
Thomas écrivit quelques mots et envoya le message. La réponse ne tarda pas à arriver.
« Super, j’ai très envie de vous revoir. Vous avez déjà prévu un endroit ?
— On avait envisagé le Private, vous connaissez ?
— Oui, bien sûr, nous y allons assez souvent. C’est un endroit sympa. Léonard n’est pas rentré, mais je suis sûr qu’il sera d’accord. Est-ce que vous avez eu le temps d’aller faire du shopping ?
— Oui, répondit Thomas, nous avons acheté une robe très sexy pour Marie.
— Ah, j’ai hâte de découvrir ça. Je dois vous laisser, on vous confirme très vite pour le 15. »
La connexion fut coupée avant que Thomas puisse réagir.
« Et bien voilà, c’était rapide !
— Tiens, regarde, dit Marie. Tu as un autre message.
— Ce n’est pas un message, c’est une invitation pour le chat.
— C’est qui ?
— Aucune idée, Epicuriens82, je ne connais pas.
— Qu’est-ce qu’ils disent ? »
Thomas cliqua sur le symbole clignotant. Une nouvelle fenêtre de dialogue s’ouvrit. Un simple mot : Bonsoir. La vignette du profil représentait un couple au sourire avenant. Thomas répondit tout aussi simplement.
« Vous avez envie de faire connaissance ? C’est Sandra et Loïc, ici. »
Thomas consulta sa compagne avant de répondre.
« Vas-y, répond !
— Qu’est-ce que je dis ?
— La même chose. Tom et Mary. »
Après quelques échanges de banalités, leur interlocuteur proposa de basculer en mode visio.
« Tu crois qu’on peut faire ça ? demanda Thomas.
— Qu’est-ce que tu veux qu’il se produise ? Si ça ne nous plait pas on coupe. C’est comme un FaceTime. Tu y passes des heures pour le travail. »
Une petite image était apparue dans l’angle de la fenêtre, représentant une caméra. Thomas valida la connexion. La fenêtre s’agrandit, leur permettant de découvrir leurs interlocuteurs. Sandra, la femme, ne portait qu’un peignoir de satin noir, largement ouvert sur sa poitrine. Loïc était torse nu.
« Ça vous dit de passer un petit moment avec nous ? demanda l’homme. »
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