Mise en garde
Albi, lundi 17 février
Marc Keller avait été occupé une bonne partie de la matinée à faire le point avec ses adjoints sur les différentes affaires en cours, les couples disparus étant au centre de leurs préoccupations. L’adjudant avait été un peu déçu de ne rien apprendre de la voiture abandonnée. Il avait demandé à Ducros de consacrer du temps à l’examen des relevés bancaires et des fadettes du couple Delcasse. Localiser l’endroit où ils avaient eu leur dernier rendez-vous passait en priorité. En fin de matinée, il avait reçu un appel de Laura Marques. Le procureur souhaitait le rencontrer avant de contacter son supérieur à Toulouse.
Le rendez-vous étant fixé à 14 heures, Marc proposa à la substitute de la retrouver pour un déjeuner rapide. Le gendarme profita de l’opportunité pour informer la magistrate des maigres résultats de la visite à la fourrière.
« Les seuls éléments intéressants sont la trousse de maquillage et les vêtements de ville retrouvés dans la voiture, exposa Keller.
— Si on reste sur l’idée qu’ils se rendaient à une soirée libertine, elle se sera changée et maquillée dans la voiture. C’est cohérent, même si ça ne nous apprend rien.
— C’est tout de même une confirmation du lien entre les deux dossiers, non ? insista le gendarme.
— Oui, c’est certain, il y a de fortes similitudes. Espérons que ce sera suffisant pour le Procureur Général. Vous avez trouvé des éléments dans les ordinateurs ?
— Ceux du couple Delcasse n’ont été pris en charge que ce matin. Je n’ai pas eu de nouvelles de celui des Martinez, je vais passer voir les techniciens en rentrant.
— On ne peut pas remettre la pression sur le dentiste ? suggéra Marques.
— Je peux le convoquer à nouveau, mais je n’ai pas d’éléments à charge, il n’est pas illégal d’organiser une soirée entre couples. Je ne peux pas le contraindre à me donner son mot de passe ! De toute façon, je suis sûr que les collègues vont réussir à le craquer. Pour le moment, cette affaire n’est pas prioritaire.
— On va essayer de la faire remonter un peu dans la pile, conclut la substitute. Allez, c’est l’heure ! mon patron n’aime pas attendre. »
À l’heure exacte, le Procureur les fit entrer dans son bureau. Keller l’avait déjà rencontré à plusieurs reprises, sans avoir jamais eu à travailler directement sous ces ordres. Pierre Vanderberghe était assez jeune, nommé à ce poste depuis moins d’un an, nul doute que ce n’était pour lui qu’un tremplin vers des juridictions plus prestigieuses. Il écouta avec attention sa subordonnée et le gendarme lui exposer la situation et justifier leur requête de regrouper les deux dossiers.
« En effet, les deux affaires ont beaucoup d’éléments en commun, reconnut le magistrat, toutefois, je tiens à vous avertir, les disparitions ont de toute évidence eu leur origine à Toulouse. Le Procureur Général pourrait vouloir confier la suite au SRPJ[1] ou à la section de recherche de la Gendarmerie.
— C’est tout de même nous qui avons reçu le premier signalement et établi le lien avec les Delcasse, insista Keller.
— Je vous comprends, et je suis d’accord avec vous, je vais plaider votre cause, cette histoire m’intéresse également, je voulais juste que preniez en compte cette possibilité. »
L’adjudant ressentit une certaine frustration, mais au fond de lui-même, il comprenait le raisonnement de Vanderberghe.
« Ça vaut la peine d’essayer, nous verrons bien, répondit Marc.
— Je suis d’accord, ajouta Laura Marques, on a peut-être levé quelque chose de très gros. Toulouse pourra toujours reprendre le dossier plus tard, si ça nous dépasse !
— Très bien, dans ce cas je vais faire le nécessaire, conclut le procureur, je vous préviendrai dès que j’aurai eu la réponse. »
Marc et Laura se retrouvèrent autour de la machine à café.
« Il a raison, tu sais, tu n’as que Ducros et Marchand, c’est sans doute un peu juste pour traiter une affaire comme celle-là !
— Oui, reconnut Keller, mais c’est quand même rageant de laisser filer un truc comme ça et devoir retourner aux vols à la roulotte.
— Tu n’es pas encore dessaisi, Venderberghe ne faisait que nous avertir d’un risque. N’en fais pas quelque chose de personnel. Pour le moment, rien ne change. Tu ne voulais pas aller voir tes collègues informaticiens ? »
[1] SRPJ : Service Régional de Police Judiciaire
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