Préambule
Tous les matins, Jeanne Fleur, quatre-vingt-huit ans, accomplit le même exploit : sans sortir de chez elle, sans canne ni épuisette, ni tour de magie ni pied marin, ni même maison sur pilotis, Jeanne s'en va-t-en pêche. Et chaque jour, par tous les temps, en toute saison, elle réitère avec émoi ce coup d'éclat.
Au sec et aux aurores, cette mamie d'eau douce à la peau sillonnée par la perte d'êtres chers gagne d'un pas plus léger que chaloupé le rivage de son salon. Dans sa caverne, point de malles dégoulinantes de pièces d'or, d'étoffes rares ou de joyaux multicolores, mais une quantité incroyable de petites boîtes dissemblables, décorées par ses soins.
Tel un ballet savamment orchestré, chacun de ses gestes est précis, cadencé. Prestement, Jeanne, la prodigieuse pêcheuse, saisit un écrin, l'ouvre, y plonge une main, puis - triomphante - la ressort avec un trésor. Son trésor. Un morceau de parchemin entouré d'un ruban de satin.
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