Chapitre 1 - L'Errance Lumineuse

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Aidée

Les rails de métal frottaient sous mes semelles, résonnant dans le tunnel vide. La vapeur de la rame voilait les néons, projetant des halos blafards sur mes toiles roulées. Ce matin, à Londres, tout était gris – et mon cœur aussi.

Je me faufilai dans l’antre abandonné où j’avais installé mon atelier ambulant. Les murs couverts d’affiches déchirées, de pochoirs rouges et d’éclaboussures de peinture me rappelaient pourquoi j’étais ici : pour créer sans concession.

Mon téléphone vibra. Un message d’un galeriste que j’avais poliment ignoré : « Dernière chance pour l’expo. Gros contrat. On discute ? » Un sourire amer étira mes lèvres : vendre mon âme pour accrocher sur un mur aseptisé ? Très peu pour moi. Je supprimai le message d’un geste sec.

J’installai mon chevalet sur une dalle fissurée, sortis mes tubes de peinture noire et cobalt. Chaque geste était rituel : ouvrir le capuchon, sentir la pâte grasse sous mes doigts, choisir le pinceau qui conviendrait. Je laissai mes pensées vagabonder, traquant l’idée qui brûlait mes nuits.

Un grésillement soudain me fit lever les yeux : une vieille radio crachotait encore, oubliée sur un tabouret. Je tournai le bouton, captant des bribes d’information : « …attaque nocturne… fuite des données… surveillance accrue… ». Mon cœur se serra : dans ce brouillard sonore se reflétait l’écho de mes combats, mes révoltes contre un monde qui ne veut pas entendre les artistes.

Je peignis un trait irrégulier, comme une cicatrice, puis le prolongeai en spirale, capturant ma colère silencieuse. Les éclats de peinture volaient, éclaboussant le sol, les murs, mes bottines. J’aimais cette violence contrôlée, ce contraste entre maîtrise et chaos.

Les mots de la radio résonnaient en moi : « …don’t comply… resist… truth in chaos… ». Je notai mentalement ces phrases tronquées, convaincue qu’elles trouveraient leur place dans ma toile.

Un second message du galeriste : « Pense-y. Je peux faire de toi la nouvelle sensation londonienne. » Je verrouillai l’écran. La reconnaissance ? Hors de question si elle signifiait trahir mes valeurs.

Je déposai le pinceau, essuyai mes doigts sur un vieux chiffon et m’accrochais à l’élastique de mon carnet. J’ouvris une page vierge et commençai à griffonner des mots, une sorte de poème en fragments :

« Quand les ombres parlent, j’écoute.
Quand le monde se tait, je crie.
Dans chaque éclat, une forme.
Dans chaque silence, une vie. »

Je levai les yeux vers la ligne noire que je venais d’entamer, hésitai un instant. Puis, d’un geste décidé, j’y ajoutai un point rouge, minuscule, vif, comme un appel dans la nuit.

La radio couvrit mes pensées : « …freedom or control… choose… ». Je fermai les yeux, inspirai profondément. Mon art devait incarner ce choix.

Les néons vacillèrent, projetant une lumière stroboscopique sur ma création naissante. Mon esprit s’emballa : excitation, peur, détermination. Je sus, à cet instant précis, que j’étais au seuil de quelque chose de plus grand que moi.

Les rails gémirent à nouveau ; un train passerait bientôt. J’enroulai mes toiles, glissai mon carnet sous le bras et quittai le tunnel, la poitrine lourde de promesses et de révolte, prête à laisser mon empreinte sur la ville.

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