Chapitre 5 - Les Codes de la Résistance
Aidée
La lumière crue de l’écran me brûlait les rétines, mais je ne pouvais plus m’arrêter. Mon document texte, refuge de mes idées les plus brutes, s’ouvrait sur une page vierge, prête à accueillir mon plan.
Projet “Oeil Libre”
Je composai mes pensées en points clairs et précis :
- Objectif – Exposer les mécanismes invisibles de la surveillance numérique, faire prendre conscience de chaque échange de données.
- Lieu – Place Trafalgar, Londres : grande esplanade ouverte, flux constant de passants.
- Outils – Drones artisanaux équipés de mini-caméras, pochoirs connectés, projecteurs portables.
- Mécanique – Capturer en direct les images des passants, anonymiser (flou, silhouettes) et projeter instantanément sur un écran géant.
- Interaction – Inviter chacun à filmer le dispositif avec son propre téléphone, inversant les rôles entre observateur et observé.
Mon curseur clignota, m’invitant à détailler les besoins techniques : modules GPS pour chaque drone, émetteurs-récepteurs DIY, protocole de brouillage des ondes pour éviter l’intervention des autorités.
Je notai mentalement les réserves éthiques et juridiques, mais la tension montante – la promesse d’un acte fort – balayait mes hésitations. Mon art serait cette fois un geste politique, un cri visuel plus puissant que tous mes pochoirs.
Les phrases s’enchaînaient, mon style restait brut, nerveux, minimaliste :
“Besoin d’un complice expert radio pour créer un blindage temporaire. Test sur site à 22 h. Précision extrême requise. Risque élevé.”
Je posai mes doigts, relus chaque ligne. Un frisson me parcourut : mon projet prenait forme, solide, palpitant.
Puis, juste au moment où je tapais la dernière phrase, un nouveau paragraphe apparut sans que je touche une touche :
“Ta révolte est magnifique. Tu n’es pas seule. — A.”
Mon souffle se coupa. Mes yeux parcoururent le texte, incrédules : le message surgissait comme un murmure complice, une preuve que quelqu’un veillait sur mes mots.
Qui était “A.” ? Un ami caché ? Un allié insaisissable ?
Je fermai la paume sur la souris, tâtonnai l’écran pour vérifier un éventuel bug… mais rien. Simplement ces mots, timides et puissants, que je n’avais pas écrits.
Un mélange d’excitation et de crainte m’envahit : l’anonymat de ce soutien était à la fois rassurant et déroutant.
Je tapai une réponse, hésitante :
“Merci… Montre-moi que tu es là.”
Je sauvegardai le document, le cœur battant. La nuit vibrait au-dehors, chargée de possibles.
Je me levai, les mains encore tremblantes, et éteignis l’ordinateur. À travers la fenêtre, les lumières de Londres scintillaient : prêtes à être capturées, projetées, transformées en arme de vérité.
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