Chapitre 6 - Le Gardien Masqué
Aronn
J’avais passé la journée à surveiller ce document inerte, planqué derrière mes écrans comme un veilleur secret. Chaque version enregistrée était pour moi une fenêtre sur ses pensées, ses doutes, ses élans.
Les heures s’écoulaient en silence numérique, rythmées par le clignotement discret du curseur sur l’interface de stockage. J’attendais le moment où elle reprendrait le fil de son projet “Oeil Libre”.
Puis, sans prévenir, de nouvelles lignes commencèrent à apparaître, caractère après caractère, comme si quelqu’un tapait de l’autre côté de l’écran. Je restai figé, le cœur battant.
“Besoin de modules GPS précis pour synchroniser les drones…”
“Protocole de brouillage : ondes à 2,4 GHz à détourner…”
Chaque mot témoignait de sa détermination. J’attendis qu’elle appuie sur “Entrée” pour clore son paragraphe, puis mon script injecta ma réponse :
“Ta révolte est magnifique. Tu n’es pas seule. — A”
Je le vis apparaître en temps réel, et un sourire fier fendit mon visage. Je guettai sa réaction.
Les secondes suivantes furent un enfer d’attente. Mon pouls résonnait dans mes tempes. Le curseur clignotait, figé.
Enfin, ses mots surgirent :
“Merci… Montre-moi que tu es là.”
Mon cœur bondit. J’allais répondre, mais la lumière vacilla. Un grésillement parcoura la pièce alors que l’électricité sautait.
Dans le noir soudain, mes ondes de sauvegarde, mes scripts de redondance, tout s’éteignit. Le silence retomba brutalement, écrasant.
Au fond de moi, je sus l’irréparable : la surtension avait grillé ma carte mère. Les écrans restèrent noirs, muets. Mon sanctuaire numérique venait de brûler.
Je frappai doucement le bureau, abasourdi. Pas de réponse possible. Pas de confirmation que j’étais là pour elle.
Dans cette obscurité, je réalisai l’ampleur du risque : je l’avais mise en attente pour rien. Mais je jurai, à voix basse, que je trouverais un moyen de revenir, de lui prouver que, malgré tout, elle n’était pas seule.
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