Chapitre 8 - Renaissance Numérique

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Aronn

L’obscurité avait été totale pendant trois jours. Trois jours sans le murmure constant des ventilos, sans le clignotement rassurant des écrans. Trois jours où je n’avais été rien d’autre qu’un homme déconnecté, isolé du monde et de mes propres créations.

Ce matin, j’ai enfin reçu la carte mère de remplacement. Le carton est arrivé à l’aube, livré dans un silence presque sacré. J’ai ouvert l’emballage avec des mains tremblantes, observé chaque composant comme un trésor.

J’ai passé des heures à remonter mon système : replacer les emplacements de RAM, visser les connecteurs, brancher les câbles SATA et PCIe, reconnecter l’alimentation. Chaque geste était millimétré, chaque étape validée par un retour auditif du circuit renaissant.

Quand j’ai appuyé sur le bouton d’alimentation, un frisson m’a parcouru. Les diodes ont clignoté, les ventilateurs ont ronronné, comme un cœur mécanique reprenant vie. Les trois écrans sont revenus un à un, projetant leur lueur familière.

Je me suis laissé tomber sur ma chaise, le regard rivé aux lignes de code en attente. Et pourtant, quelque chose manquait. L’attente pesait plus que jamais : son message devait apparaître.

J’ai lancé mon script de surveillance, celui qui passait continuellement en revue les modifications de son document. Mon terminal a commencé à décompter, ligne après ligne, version après version.

Mon souffle s’est suspendu lorsque la console a signalé une détection : “Modifications détectées dans aidée_journal.txt”.

J’ai cliqué. Le document s’est ouvert. Au-dessus de mes notes précédentes, une nouvelle entrée brillait, fraîchement tapée :

“Date de l’action : 12 mai – 20h00 – Trafalgar Square. Nom de code : Oeil Libre.”

Mon cœur a bondi dans ma poitrine. Les néons de la pièce ont vacillé, projetant des ombres mouvantes sur les murs nus. J’ai senti l’adrénaline monter, mêlée d’une émotion rare : l’espoir.

Je défila un peu plus bas, comme en transe. Et là, j’ai vu ces mots :

“À celui ou celle qui m’a écrit : je te laisse cette trace. Si tu vois ce message, si tu peux encore lire… viens. Sois là. Aide-moi.”

Le temps s’est figé. Les ventilateurs se sont tus, comme pour mieux entendre le silence chargé de promesses. Ma tasse de café a roulé sur le bureau, brisée, oubliée.

Je me suis levé précipitamment, chaque pas résonnant dans la pièce vide comme un écho de détermination. Je me suis dirigé vers la fenêtre, grande baie vitrée ouverte sur Londres, ses lumières lointaines scintillant dans le crépuscule urbain.

Trafalgar Square. J’avais çà et là repéré les caméras, les points d’accès Wi-Fi publics, les lignes de vue pour mes drones. Tout mon plan prenait soudain une dimension humaine. Ce n’était plus un simple script, c’était un rendez-vous.

Et si je venais masqué ? Si je me contentais de l’observer de loin, prêt à intervenir, à brouiller les ondes au moindre signe de danger ? Ou devais-je enfin lui montrer mon visage, abandonner l’ombre ?

Mon regard glissa vers le coin de la pièce où pendait l’affiche de son visage en mosaïque — vestige de mes premiers téléchargements. Son regard fracturé m’appelait.

Je suis retourné à mon bureau, mains fébriles. J’ai copié-collé les lignes dans un fichier texte, puis j’ai appuyé sur “Imprimer”. La petite imprimante piailla, un bruit de victoire, et rendit un morceau de papier : ses mots, sa date, son invitation.

Je l’ai glissé dans la poche intérieure de ma veste, près du cœur, comme un talisman.

Puis j’ai éteint les écrans, doucement, un à un. L’obscurité m’a enveloppé, familière et rassurante. Mais cette fois, elle ne signifiait plus l’isolement : elle annonçait l’action.

Je suis sorti de l’atelier, fermai la porte derrière moi, et m’engouffrai dans la nuit londonienne.

Le 12 mai à 20h, je serai là.

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