L'animal, aussi étrange qu'il puisse paraître, intrigua cette jeune aventurière. Ébahie par cette créature fantastique qui se tenait juste devant elle, elle plissa les yeux tout en la contournant afin de l'étudier de plus près. La bête, bien plus potelée que tous les chats qu'elle avait eu l'occasion de voir dans le village, tout près de son école, paraissait la suivre du regard, tout aussi intrigué qu'elle par sa présence en ses lieux. Alors qu'il lui sembla être de bonne compagnie, elle osa poser ses petits doigts sur son pelage aux reflets cuivrés qui châtoyait à la lueur de l'astre solaire. Hanaé fut agréablement surprise de la douceur de l'animal si bien qu'elle continua à le gratifier de quelques caresses, oubliant tout simplement la raison de son passagei ici.

C'est en observant la créature de plus près, qu'elle crut apercevoir ses babines retroussées en signe d'un sourire presque humanisé. Elle émit alors un léger sourire en pensant au chat du Cheshire qui avait bercé certaines de ses soirées au coin de l'âtre rougeoyant, en compagnie de ses parents. Elle songea alors à cette incroyable similitude et se demanda soudainement si elle n'avait pas atterri dans un monde enchanté, tout comme Alice. La probabilité que sa mère se soit retrouvée projetée dans ce monde merveilleux s'imposa à elle.

Cette ultime pensée suffit à la sortir de sa contemplation pour se focaliser sur le plus important, retrouver sa maman. Elle délaissa l'animal et attrapa la boussole qui gisait sur le sol, reflétant les lueurs enchanteresses du soleil dans un ballet de teintes irisées sans pareilles. Les couleurs semblaient s'être décuplées dans cet univers la plongeant dans un ravissement sans nom. Elle pointa l'objet dans l'une des directions, tentant de trouver les territoires de l'est, là où Sélène lui avait conté que la Pivoine étoilée s'y épanouissait. Si elle voulait revoir de nouveau sa mère, elle n'avait pas d'autres choix, elle devait suivre les conseils qu'elle lui offrait chaque nuit avant de s'endormir.

Cependant, la boussole ne semblait pas répondre à ses attentes. L'aiguille tournoyait dans tous les sens, comme si elle ne reconnaissait aucun des points cardinaux.

Chagrinée, elle se renfrogna tout en donnant un coup de pied sur le tapis verdoyant. Une réaction qui fit instantanément vibrer toute la canopée environnante. Avec stupeur, elle observa chênes et hêtres onduler sur le sol mouvant et quelques animaux s'échapper de leur terrier pour constater ce tremblement de terre aussi surprenant qu'époustoufflant. Secouée de toute part, Hanaé se heurta à l'un des troncs d'arbres et retomba lourdement sur le sol. Le chat lui-même semblait avoir déserté les lieux la laissant seule face à cette flore impétueuse.

• Qui ose troubler le silence de la Forêt des secrets ? hurlèrent des voix sinistres de part et d'autre.

Le monde végétal parut s'animer pour répondre au poids de sa jambe lorsqu'elle avait heurté le sol de ce bois enchanté. Si elle émettait quelques doutes, elle confirma qu'elle s'était engouffrée dans le conte préféré de Sélène, une histoire bien réelle qu'elle pouvait désormais toucher. Son coeur s'emplit d'un nouvel élan d'espoir qui lui arracha un sourire infini malgré l'agitation qui battait son plein tout autour d'elle.

Agrippée aux herbes délicieusement touffues, elle sentit une présence étrangère lui caresser le bras avant de constater qu'il ne s'agissait que du chat rencontré quelques minutes plus tôt. Il s'assit devant elle, imperturbable, probablement habitué à ce phénomène hors du commun. Puis, il la fixa d'un air circonspect avant de se redresser sur ses pattes arrières et d'annoncer à la hâte :

• On doit filer au plus vite avant que la forêt ne nous engloutisse. Suis-moi, jeune fille.

Sa voix était grave et rocailleuse, comme celle de son père, ce qui la rassura immédiatement. Aussi, elle se releva et suivit l'animal mystique qui circulait entre les troncs d'arbres avec une agilité féline.

Elle sautillait entre les racines entremélées et les vallons abrupts tout en gardant un oeil sur le chat qui la devançait et qui s'imposait comme son unique porte de sortie dans cet univers hostile.

Au bout de leur échappée, un halo surluminescent les enveloppa d'une chaleur incommensurable ; ils avaient quitté la forêt et leur yeux peinèrent à s'habituer à ce nouvel environnement qui se peignait juste devant eux. Hanaé, subjuguée, n'avait jamais vu pareille beauté. La bouche grande ouverte, elle repensa à toutes les descriptions de sa maman. Aucune ne valait la magnificence de cet environnement enchanteur.