7 - RDP
De part et d'autre du sentier qui les emmenait à la lisière de la forêt, deux saules pleureurs se faisaient face, laissant retomber leurs longues lianes translucides en un rideau scintillant, dont les fines feuilles lancéolées étincelaient comme des diamants.
Hanaé s'approcha, tendit sa main vers les brindilles perlées et les écarta avec soin comme on écarte les pans d'une douce étoffe drapée. Les branches tintèrent, produisant un son mirifique semblable à celui de milliers de petites clochettes. Un large ponton surplombait un lagon aux teintes pastel dont les reflets de l'eau miroitaient sous l'effet du soleil.
Tout en s'avançant sur les planches de bois cuivré, les yeux d'Hanaé s'écarquillèrent devant les merveilles qui s'offraient à son regard contemplatif. Une pluie d'étoiles tombait en fins flocons sur l'étendue azurée, provoquant de sublimes ronds concentriques au centre desquels, naissait une tige qui s'élevait dans les airs pour dessiner des arabesques dorés. Des libellules purpurines virevoussaient tout autour d'elle laissant dans leur sillage des volutes de poudre rosée.
- Je n'ai jamais rien vu d'aussi beau !
Hanaé tourbillonna sur elle-même avant de reposer les yeux sur son compagnon, un sourire éclatant sur les lèvres. Elle s'agenouilla puis plongea ses deux mains dans son pelage soyeux :
- Merci gros matou !
Le chat ronronna de plaisir.
- Comment t'appelles-tu ? reprit Hanaé.
- Fibber !
- Fibber ? Je n'ai jamais entendu parlé de toi !
Le félin cessa son doux ronron, visiblement offensé par la remarque de la jeune fille. Il se dégagea de l'étreinte d'Hanaé puis continua son chemin, faisant onduler sa queue touffue au rythme de ses pas velus.
- Eh ! Attends-moi !
Hanaé pressa le pas pour le rejoindre.
- Y a t-il d'autres créatures comme toi ?
Fibber s'arrêta, lécha sa patte et se frotta le museau à plusieurs reprises, sa toilette étant à cet instant précis bien plus importante que la requête de la petite. Hanaé patientait, intriguée par ce drôle d'animal.
- Et toi qui es-tu ? Et que faisais-tu dans la forêt des Secrets ?
- Je m'appelle Hanaé. Je suis à la recherche de ma maman.
- Ta maman ? répéta le chat.
- Oui elle s'est perdue alors qu'elle cherchait la Pivoine Etoilée.
Fibber la fixa de ses prunelles ambrées et dans un sourire malicieux rétorqua :
- Alors tu as bien fait de me rencontrer !
Le chat reprit sa lente ondulation, laissant Hanaé le rejoindre pour le prier de s'expliquer.
- Quoi ? Tu sais où est ma maman ?
Ils arrivèrent à l'extrémité du ponton qui s'ouvrit sur une immense clairière tapissée de petites fleurs aux pétales colorés. Au centre de cette prairie trônait un chêne multi-centenaire reflétant les couleurs de l'arc-en-ciel.
- Est-ce que nous sommes... ?
- Sur les Terres d'Espérance, ronronna Fibber.
Hanaé n'en croyait pas ses yeux. C'est ici que vivaient les nymphes protectrices des forêts !
La légende de la Paeonia Stella lui revint en tête. C'est par une de ces divinités, que le fils du Roi Péon avait été sauvé. Si la légende disait vrai, Hanaé se rapprochait de la fleur sacrée.
Un chemin fait de rondins sinuait au milieu de l'étendue fleurie et menait au pied du vieux chêne. Hanaé s'avança. Au contact de ses pas légers, chaque morceau de bois s'illuminait d'une couleur vive et produisait une note de musique.
À mesure qu'elle se rapprochait, des petits bruissements vinrent troubler l'harmonie de cette douce mélodie. Obnubilée par le vieux chêne, Hanaé ne prêta plus aucune attention à ce qui l'entourait et poursuivit son avancée jusqu'à apercevoir les gravures qui ornaient le tronc tortueux. L'arbre était taillé de telle sorte qu'on pouvait parfaitement suivre les contours des silhouettes des jeunes filles représentées sur son écorce. Leurs longues chevelures ondulées s'élevaient et s'emmêlaient pour s'envoler en de multiples branches ramifiées.
Hanaé était subjuguée. Elle se trouvait devant l'Arbre des Dryades.
Alors qu'elle approchait sa main du tronc sacré, des bruissements plus sourds bourdonnèrent dans ses oreilles. Elle chancela, étourdie par le vacarme des ombres qui s'agitaient devant elle, puis tomba. En relevant les yeux, elle aperçut une centaine de fétauds qui l'encerclaient. Hanaé chercha des yeux Fibber mais ce vilain gros chat avait encore disparu !
- Cessez !
Au son de la douce voix qui résonnait dans la clairière, les petites silhouettes aux ailes argentées qui étaient braquées sur elle se dispersèrent. La soudaine apparition tendit sa main vers Hanaé pour l'aider à se relever. Celle-ci détailla la femme qui se tenait près d'elle. Une longue robe blanche scintillante épousait sa silhouette gracieuse. Sa peau laiteuse s'illuminait des reflets chauds que réverbérait sa longue chevelure dorée.
- Dame Sylvina ? osa Hanaé en repensant à la divinité qui protégeait la Pivoine Etoilée.
- Non, Dame Sylvina n'est plus... Je m'appelle Canopée.
- Mais qu'est-il arrivé à Dame Sylvina ? demanda Hanaé, des trémolos dans la voix.
- Oh, c'est une sombre histoire ! La sorcière des Ténèbres convoitait nos terres en raison de...
- La Paeonia Stella, souffla la jeune aventurière.
- Je vois que tu es bien au courant ! s'étonna la nymphe. En effet, la sorcière voulait plus que tout s'emparer de cette fleur aux vertus sacrées, capable de lui apporter un trésor plus précieux : l'immortalité ! Un jour, une brume opaque enveloppa toute la clairière, empêchant quiconque de se repérer. Des cris se firent entendre au milieu de cette nappe de brouillard puis le voile se leva comme il était arrivé. Au pied du vieux chêne gisait Sylvina, la robe empourprée de sang. Nous cherchâmes la fleur sacrée, seule capable de la sauver mais elle avait disparu !
- Mais alors...où est-elle maintenant ?
- Entre les mains de Moréna !
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