Chapitre 15 : Le village

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Ils marchèrent de longues minutes et pénétrèrent à nouveau dans une épaisse forêt. Ils accélérèrent le pas afin que les étrangers ne les distancent pas. Ces derniers restaient sur le qui-vive. Dans le bois, cinq autres personnes les entourèrent. Ils endossaient le rôle de guetteurs. Ils saluèrent les nouveaux d’un hochement de tête sans souffler le moindre mot. Ils étaient vêtus dans le style de Marlo : de véritables soldats.

Andrew s’obstinait à éteindre puis rallumer, tour à tour, ses deux GPS. Ils n’affichaient plus rien. Les téléphones portables se trouvaient dans le même état : plus aucun réseau. Au bout d’une vingtaine de minutes, ils débouchèrent sur un large cours d’eau d’environ deux cent mètres. Au milieu, une petite île, composée d’une clairière et d’une zone boisée, s’étendait en longueur. Un homme sur une grande barge les attendait. Ils montèrent tous sur l’embarcation et rejoignirent le javeau.

Le cadre était idyllique. Les oiseaux s’époumonaient dans des chants divers et variés. On avait fauché l’herbe avec soin sur les berges. Ça donnait envie de s’y coucher et de s’accorder une bonne sieste. Les habitations se dévoilèrent alors devant eux.

Ce n’était pas un village au sens traditionnel. Les demeures s’enclavaient dans des rochers. Certaines, un peu en retrait, étaient au trois quarts enterrées, le sol herbeux faisant office de toit. D’autres maisons, faites de bois, se disséminaient à droite et à gauche. Quelqu’un battait le fer avec force dans une forge chauffée à blanc. D’autres s’affairaient à refaire les toitures de certaines chaumières. Chaque personne se dédiait à une tâche particulière.

– Que c’est joli ! s’exclama Hélèna tout en extirpant son caméscope de son sac à dos.

– Oui, cet endroit est tout droit sorti d’un roman d’héroïque fantasy, affirma Max. J’adore çà.

Un homme avec un pantalon à patte d’éléphant, une chemise orange au col disproportionné et de petites lunettes rondes s’approcha de Marlo avec entrain.

– Hé man ! Tu as ramené de nouveaux visages à ce que je vois !

– Bonjour à toi oh, Francis ! Tu es bien perspicace.

Ce dernier rit tout en détaillant avec intensité les jeunes adolescents sans aucune gêne.

– Tu leur as déjà parlé ?

– Non. Je ne préférais pas m’attarder au torrent. Je suspecte la présence de Grafous dans les parages.

– Saloperie de mutants. Il va falloir être prudent. Tu penses qu’ils vous ont flairé ?

– Non, le vent soufflait vers nous. Par contre, j’ai senti leur odeur particulière de putréfaction.

– OK man ! Je demande à nos gardes de redoubler de prudence bien que le soleil soit encore à son zénith. Je ne pense pas qu’ils se risqueront à attaquer.

– Bien cher Francis, procède.

Les cinq amis assistaient à la conversation sans un mot. Le dénommé Francis ne leur avait pas adressé la moindre parole. Son allure de baba cool tranchait avec celle de Marlo. Ce dernier se retourna vers les randonneurs.

– Nous allons nous sustenter dans un court instant. J’ai affaire maintenant. Je vous laisse découvrir notre bourg. L’île est petite. Vous en ferez vite le tour. Je reviens vous quérir rapidement et je vous expliquerai tout.

Il tourna les talons et se dirigea vers une demeure. Les adolescents restèrent sur place dans la plus profonde perplexité.

– Tout le monde a l’air calme ici, remarqua Max.

– Ouais, fit Andrew. Si tu enlèves le point sur les Grafous, tout est parfait.

– Il a bien parlé de mutants ? demanda Hélèna.

– Exactement. Le plus terrifiant, c’est qu’ils ont l’air tout à fait sérieux. Ils ne jouent aucun rôle. Bordel, on est tombé où ici ? Dis Andrew.

– Dans une autre réalité… souffla Matt.

– Tu penses que leurs Grafous sont les débiles qu’on a rencontrés ? demanda Jessica.

– Non. L’autre les a appelés les rabatteurs, dit Andrew. Je pense que c’est autre chose…

– De pire, compléta Matt.

La gamine, qui s’était approchée à pas de loups, interrompit la discussion des cinq amis. Elle jetait des coups d’œil craintif en arrière. Elle ne devait pas avoir l’autorisation de parler aux inconnus avant l’intervention de Marlo.

– J’adore les sorcières, dit-elle en regardant Jessica avec intensité.

– Ah oui ? dit Jessica. C’est très bien. Je suis vraiment contente pour toi.

– Tu possèdes quel don, toi ?

– Je n’ai aucun don petite. Je ne suis pas une sorcière !

– Si tu en es une. Je le sais, tu as toi aussi les cheveux roux…

– Marie ! hurla Marlo, qui sortit de la cabane comme un damné. Je t’ai dit de ne pas les importuner pour le moment ! Faut-il toujours que tu me bafoues ?

La petite sursauta et recula pleine de peurs. Elle s’enfuit vers la rivière sans demander son reste.

– Cette petite n’obéit point à mes requêtes. Ne faites guère attention à elle. Elle est un peu cornue.

Il entra à nouveau dans l’habitation par laquelle il avait jailli comme un diable de sa boite.

– Ma fois dit Andrew, je ne savais pas que tu faisais dans la sorcellerie ?

– Elle est dérangée, cette petite, dit Jessica en se tenant les bras.

– Non, juste cornu, dit Andrew, en mimant des cornes avec ses doigts, ce qui fit rire Max.

– Tu as vu la couleur abominable de ses cheveux ? Elle se les teints. Ses racines sont rousses ! Dis Jessica.

– Oui, il n’y a pas de doute, affirma Hélèna.

– En tout cas, personne ne semble vouloir nous adresser la parole avant que Marlo ne le fasse. Il a l’air d’être respecté ici.

– J’ai hâte d’entendre ses explications, dit Matt.

Ils décidèrent d’inspecter les lieux, le temps que le chef du village intervienne. Trois enfants péchaient en amont de la rivière. Ils avaient tendu un petit filet dans le sens du courant dans l’espoir d’attraper des poissons. Leur besace était garnie de quelques truites. Aucun d’entre eux ne leur adressa la parole. Quatre tours en bois, d’une hauteur de six mètres environ, encadraient le village. Au pied de chacune d’elle, on avait creusé un trou rempli d’eau grâce à un système de canalisation qui rejoignait la rivière.

– C’est curieux, cette installation, dit Matt. Je ne comprends pas le but de cette manœuvre.

– Vraiment aucune idée, dit Hélèna.

– Pour se baigner peut-être, après une longue nuit de garde, gloussa Andrew.

– Il doit y avoir une explication c’est sure, dit Matt. Regardez, l’échelle s’escamote. Une fois celle-ci relevée, on ne peut plus monter dans l’enceinte.

– Ils doivent vraiment redouter ces Grafous, dit Max.

Marlo arriva à leur rencontre et s’arrêta à quelques pas.

– Jeunes gens, cria-t-il. Rejoignez-moi. Nous avons à cailleter.

– Hein ? murmura Andrew. Voilà que maintenant on va devoir plumer une caille.

Hélèna pouffa bruyamment :

– T’es con, toi !

– Alors, Madame, je sais tout. Ça veut dire quoi ? demanda Max avec intérêt.

– Je pense que ça veut dire qu’on va enfin en savoir plus sur toute cette histoire.

– Ne faisons pas attendre notre hôte. J’ai hâte d’y voir plus clair, dit Matt.

Ils rejoignirent le personnage. Ils se dirigèrent vers une vaste terrasse pavée de pierres grises et abritée par un toit de paille. Quelque chose cuisait sur une grosse grille de fer. Une grande table ainsi que des bancs placés de chaque côté leur tendaient les bras. La gothique, le dénommé Francis et une femme d’une quarantaine d’années les attendaient assis en silence. Marie se cachait derrière un tas de bois à trois mètres d’eux et épiait le moindre mouvement.

– Prenez place, jeunes gens, fit Marlo en leur désignant le banc en face des autres. Vous devez vous poser de nombreuses questions et nous allons y répondre. Toutes ces personnes représentent le conseil de SafeVillage.

Une dame en tablier leur apporta plusieurs verres en bois remplis d’un breuvage au doux parfum de fleurs. Marlo leva le sien et dit :

– Buvons aux nouveaux venus !

– Aux nouveaux venus ! Entonnèrent les trois autres.

Ils burent tous à l’unisson. Le goût était délicieux : sucré et fort. Il devait contenir une dose d’alcool. Marlo claqua son verre sur la table et tonna :

– Maintenant, palabrons, les amis !

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