Banquet, joie et faste

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Janvier 1403.

L'ambiance est bonne dans la grande salle. Et ce n'est pas notre bouffon de Nicolas qui dira le contraire !

Mais tout le monde rit, tout le monde chantonne, tout le monde festoie ! A la demande de son seigneur et maître, un banquet a été organisé sur plusieurs jours au mois de janvier, histoire de ranimer les âmes tristes et de démarrer une nouvelle année. Arrivé dans ce "monde" depuis trois ans maintenant, Nicolas a su peu à peu s'adapter. Il a réussi à se faire quelques amis surtout des serviteurs et cuisiniers. Et deux voire trois personnes de la cour du Duc, mais pas trop non plus. Et c'est déjà pas mal. De temps à autre son regard s'attarde un peu sur l'une des dames de compagnies de l'épouse du Duc dont il connaît surtout le prénom : Lila.

Plutôt jolie mais sans être d'une beauté légendaire, elle dégage une certaine espièglerie et un penchant pour les gâteaux.

Et ce soir, c'est victuailles, pâtés de cerf, vin à foison, pintades etc...le tout servi sur des des grandes tranches de pain qui font office d'assiette. Le duc s'essouffle à force de rire, même les gardes rient! Et grâce à qui ? Notre bouffon . Depuis le début de la soirée, Nicolas fait des cabrioles en prenant bien soin de ne pas faire trop craquer son dos, fait le pitre et raconte des histoires qu'il a pris soin de préparer lorsqu'il avait l'occasion de se retrouver un peu seul. Il est également aidé d'une bande de musiciens venus d'Amiens et qui saupoudrent les racontars de notre héro avec un peu de musique médiévale.


Il regarde plusieurs fois autour de lui et se dit qu'il n'a jamais rien vu de tel: toute la cour dans ses costumes : les pourpoints, les houppelandes, les chausses, poulaines, hennins portés par la plupart des femmes dont l'épouse de notre Duc qui en rafole, tout un enchevêtrement de fourrures et de tissus - c'est tout de même l'hiver - une valse de couleurs et de motifs: du blanc au rouge en passant par le bleu chaud pour finir sur une touche dorée voire jaune un peu criarde. Tout lui semble si vivant à cet instant précis et lui-même se sent plus vivant que jamais, plus qu'il ne l'a jamais été. Il voit également du vert partout, sur les tapisseries, les gens autour de lui et la farandole continue , comme s'il était dans un rêve! 


Un peu plus tard dans la soirée, le Duc fait appeler Nicolas et lui dit:

-Rejoins moi dans mes appartements avant que le sommeil ne vienne!


En bon petit soldat, le bouffon s'exécute. Lorsque le banquet, presque interminable est enfin terminé et que tout le monde est parti au lit, Nicolas prend le chemin des appartements privés du Duc. La nuit parsemée d'étoiles éclaire de petits rayons de lumières le long couloir dans lequel il s'engouffre. Une fois arrivé à la porte, l'un des serviteurs posté à l'entrée lui ouvre immédiatement.

Le duc est dans son lit, feuilletant un livre. On peut y lire "roman de la rose" , sans doute une histoire d'allégorie philosphique sur l'amour et les femmes. Etonnant de la part du Duc, qui n'est pourtant pas un homme à femmes.

-Approche mon cher bouffon, ne sois pas timoré.


-Que puis-je faire pour vous , mon cher Duc ?


-Raconte-moi une dernière histoire, qui fait rire mais qui est importante pour toi.

Nicolas plonge dans les tréfonds de sa mémoire et se remémore , en l'adaptant au mieux, une histoire dans laquelle il avait visité une ferme et qu'il avait fini dans la boue au milieu des cochons. Il avait cinq ans. Mais il n'a pas eu peur et il leur a parlé. Il avait l'impression que les cochons riaient à ses blagues. En l'écoutant, le Duc part d'un rire inextinguible, sûrement accentué par le vin.

Une fois calmé, il lui demande de se retirer en lui disant:

-Je ne sais pas ce qui serait le plus difficile à l'heure actuelle: faire la guerre aux anglais en t'emmenant avec moi ou me passer de toi ?

A ces mots, Nicolas comprend alors qu'il est devenu plus important pour le Duc que ce qu'il croyait. Il descend alors à sa couche à côté des cuisines, une joie non dissimulée au coeur.

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