Le prince inverti

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Il était une fois une très belle jeune fille, elle avait les yeux bleus, de longs cheveux blonds, un visage fin et doux, un corps sensuel, tous les hommes du village se retournaient sur son passage.

Ses parents étaient morts jeunes, elle vivait chez son tuteur, un oncle acariâtre et avare qui ne la laissait plus sortir depuis qu'elle était nubile, tant il avait peur de perdre la dot du mariage. Il eût préféré qu'elle convolât avec un homme de biens, même si ce n'était point un bellâtre.

En ce temps-là, le prince se languissait au château, il n'était pas encore fiancé car aucune fille ne lui faisait tourner la tête. Le roi s'en inquiéta, il fit venir le grand chambellan :

— Trouvez-moi une promise pour notre fils avant la moisson, sinon je vous envoie végéter dans les confins.

— Votre Majesté, j'obéirai à vos ordres, rappelez-vous cependant la prophétie de la fée Cabossée qui se pencha sur berceau du dauphin.

— Que dit-elle, cette sorcière ? Que mon fils ne pourrait jamais connaître une femme, si je me souviens bien.

— Oui, votre Majesté, c'est ce qu'elle affirma. Entre nous, sans vouloir vous offenser, votre fils préfère les palefreniers aux donzelles de la cour.

— Balivernes que tout cela, un philtre d'amour lui fera retrouver le droit chemin. Demandez à l'alchimiste qu'il le prépare.

— Il en sera fait selon vos ordres, votre Majesté, conclut le grand chambellan.

Quelques jours plus tard, le goûteur glissa subrepticement quelques gouttes du philtre dans l'Ovomaltine matinale du jeune prince. Celui-ci fut transformé sur le champ, on dut quérir sans tarder une lavandière bien en chair pour calmer ses ardeurs.

Des hérauts proclamèrent la bonne nouvelle dans tout le royaume : le prince désirait se marier et toute jeune fille vierge pouvait déposer sa candidature. Des affiches furent placardées avec les mensurations souhaitées.

Le tuteur sauta sur l'aubaine, il mesura la jeune pucelle, tout concordait, il lui acheta une robe de satin dans un magasin de seconde main, la vendeuse lui affirma que c'était celle de Cendrillon.

Il la présenta au comité de sélection du canton qui vérifia sa pureté, elle emporta haut la main le concours, éclipsant toutes ses rivales.

Un mois plus tard, un porteur chamarré livra la missive. La jeune fille était convoquée au palais, le prince l'ayant choisie. Le vieux grigou ne put contenir sa joie, il acquit un carrosse d'occasion et deux rosses. Ils quittèrent le village sous les hourras de la populace.

Un incident fâcheux gâcha le voyage : alors qu'ils traversaient un bois, le cocher arrêta l'équipage. La fée Cabossée était au bord de la route, elle les mit en garde : la prophétie serait accomplie. Le barbon l'ignora et fit fouetter les rosses.

Deux jours plus tard, ils étaient à la capitale. Une garde d'honneur les attendait, on avait déroulé le tapis rouge. Le prince charmant apparut sur les marches du palais, la jeune fille fut subjuguée. Alors que les fanfares jouaient un hymne céleste, les deux jouvenceaux marchèrent l'un vers l'autre.

Elle déposa un chaste baiser sur la joue du prince. Il se transforma en crapaud et disparut dans un étang glauque, on ne le revit plus jamais.

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