La Cascade Jaune

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Je suis le Captain Standish, ancien officier de la Marine de sa Majesté, réformé par suite de naupathie. J'avais 25 ans et je m'étais reconverti en explorateur breveté à l'Exploration Elementary Charter School of Rochester.

En cette première année du vingtième siècle, les caisses de la Royal Geographical Society étaient vides. Le président, Lord Junker, les avait frauduleusement vidées avant de s'exiler sur le continent. On disait qu'il vivait à Bruxelles sous un faux nom, la police n'osait pas intervenir car Lord Junker était un ancien amant d'un membre éminent de la famille royale.

J'avais répondu à la petite annonce de la RGS parue dans le Times et avais été reçu par le nouveau président, Lord May. Il me parla de la situation désespérée dans laquelle se trouvait la société : tous les explorateurs chevronnés étaient partis puisqu'ils ne recevaient plus de salaire. Il espérait que je pourrais accomplir ma mission sans être payé, il y aurait cependant une récompense si je réussissais à trouver le trésor, je pourrais en garder les deux douzièmes.

Ils auraient quand même assez d'argent pour me payer un guide et des porteurs, la collection des objets rituels phalliques ayant été déposée au mont-de-piété, au grand désespoir des membres de la RGS qui les utilisaient assidument.

Je signai immédiatement le contrat, je n'avais rien à perdre et tout à gagner. Lord May me confia alors la précieuse carte, retrouvée par une femme de ménage sous le totem masturbatoire emprunté en 1877 dans un pays africain dont je ne suis pas autorisé à vous donner le nom. La carte dévoilait l'emplacement de la Cascade Jaune. Lord May me souffla à l'oreille que c'étaient des pépites d'or qui donnaient sa couleur à l'eau.

Je ne vous raconte pas la traversée que je passai dans ma cabine à dégurgiter la nourriture que je me forçais à avaler. Je perdis trente livres. À l'arrivée sur la côte africaine, mon guide Amadou m'attendait. C'était un bel et grand indigène, vêtu d'un seul pagne laissant deviner un entrejambe conforme à la légende. Il parlait bien anglais, ayant servi au Club des Uranistes à Londres pendant quelques années. Il avait déjà recruté les trente porteurs et acheté le matériel.

Je ne vous narre pas l'expédition en détail, Amadou me sauva la vie à de nombreuses reprises : lorsque je fus mordu pas un serpent, il suça le venin ; lorsqu'un lion m'attaqua, il en fit une carpette ; lorsqu'un rhinocéros me chargea, il réduisit sa corne en poudre et me la donna pour mes vieux jours ; lorsqu'un anthropophage voulut me déguster, il lui conseilla de prendre un porteur à la place, la cuisine anglaise n'étant pas fameuse ; lorsqu'une flèche empoisonnée allait m'atteindre, il la détourna de sa trajectoire pour la diriger vers un autre porteur ; lorsque la dysenterie me vida, il me concocta une décoction de lopéramida, une plante sauvage.

À l'approche de la cascade, Amadou demanda aux porteurs survivants d'établir un camp et nous fîmes le dernier mile seuls, pour des raisons évidentes de discrétion. Nous marchions sur la rive de la rivière lorsque nous vîmes la Cascade Jaune. Je ne pus retenir mes larmes, je courus, sautai dans l'eau, traversai le rideau doré et me retrouvai dans une sorte de caverne. Amadou me rejoignit. J'eus une sueur froide en remarquant qu'il n'y avait pas de pépites dans l'eau.

— Tout ça pour rien ? Pas d'or ? m'exclamai-je.

— C'était marqué sur la carte, me répondit mon guide.

— Marqué ? Ou ça ?

— Ici, regarde, le texte signifie : « Ce n'est que la pisse de zébu qui coule de la Cascade Jaune, sa seule valeur est de favoriser la rencontre de deux êtres pour l'éternité. »

— C'est quoi ce charabia ? m'énervai-je. Pourquoi ne m'as-tu pas traduit ce texte plus vite ?

— Tu ne m'as pas demandé de le faire.

— Tout ça pour rien ? Ces trois mois de quête inutiles ?

— Et l'amour pour l'éternité ? Ce n'est rien ?

Amadou ôta son pagne et je vis son gigantesque organe pour la première fois. Il me déshabilla et je perdis mon pucelage derrière la Cascade Jaune.

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