La fête foraine
Ce récit a été écrit pour « À chacun son histoire », autrefois sur Doctissimo et maintenant sur le site recit.slygame.fr. Il faut s'inspirer d'une photo pour écrire un texte, celui-ci est d'abord publié anonymement.
En ce temps-là, j’étais apprenti à la gare de Payerne, petite ville vaudoise d’une dizaine de milliers d’habitants. Comme je changeais d’affectation tous les trois mois, je logeais dans une chambre, chez Mme Perrin, veuve d’un cheminot et garde-barrières retraitée.
J’avais passé le week-end chez mes parents et étais rentré le dimanche soir, comme d’habitude. Le lundi matin, je me suis levé et je suis sorti de ma chambre vêtu de mon pyjama, un pyjama à l’ancienne, en flanelle blanche très mince, avec des rayures bleues.
La chambre était située au premier étage, le couloir était faiblement éclairé par une ampoule reliée à une minuterie. J’ai eu la surprise de voir sortir un jeune homme de la salle de bain. Il était entièrement nu. Il était maigre, avait un long et fin pénis surmonté d’une touffe fournie, brune comme ses cheveux, qui contrastait avec sa peau blanche. Son prépuce recouvrait entièrement le gland. Il n’avait pas l’air gêné de me croiser, il a gardé son linge sur l’épaule sans cacher sa nudité.
— Salut, m’a-t-il dit, je suis Alexandre, ou Alex, ton nouveau colocataire, la salle de bain est libre.
— Salut, ai-je répondu, Mme Perrin m’avait dit que tu commençais aujourd’hui, j’avais oublié. Je m’appelle Daniel.
J’étais gêné, j’avais une grosse bosse matinale sous mon pyjama. J’espérais qu’Alex ne la remarquerait pas, mais il a baissé les yeux et il a souri en me disant :
— Mme Perrin m’a dit que nous devrions nous entendre pour utiliser la salle de bain le matin, mais ça ne me dérange pas si tu entres pendant que je me douche. On gagnera du temps.
Nous avons parlé ensuite du petit déjeuner. Notre logeuse nous permettait de déposer de la nourriture dans le frigo, mais pas de cuisiner. J’ai invité Alex à partager mon repas, ma mère me donnait une tresse tous les dimanches et j’avais des confitures maison. Je mangeais des crudités le soir.
Alex vendait des billets au guichet tandis que je m’occupais de la circulation des trains. Nous nous sommes retrouvés au buffet de la gare pour le repas de midi, nous avions un rabais. Alex m’a demandé :
— Que peut-on faire ici le soir ?
— Il y a le cinéma, avec un seul film au programme, beaucoup de navets. J’y vais chaque semaine.
— J’ai vu des affiches pour une fête foraine qui finit aujourd’hui. On pourrait y aller ce soir après le travail.
— Bonne idée.
Nous sommes arrivés à la fête foraine vers 18 heures. Nous avons commencé par le grand huit. Ce n’était pas l’Europa-Park, mais quand même une petite poussée d’adrénaline lors du plongeon dans la descente.
Ensuite le train fantôme. Les wagonnets étaient exigus, j’étais collé contre Alex et je me suis souvenu de son corps nu à la sortie de la douche. Il faisait nuit et il n’a heureusement pas vu que je bandais de nouveau.
Nous avons avisé une petite roulotte où officiait Mme Irma, une diseuse de bonne aventure. J’ai demandé à Alex :
— Tu crois que c’est une voyante ? Qu’elle prédit l’avenir ?
— Non, je n’y crois pas.
— J’ai envie d’y aller, par curiosité. Ce n’est pas cher.
— Vas-y, tu me raconteras. Et je vais aussi y aller après toi, on comparera. Je suis sûr qu’elle nous dira exactement la même chose.
J’ai payé l’entrée à la caisse, c’était un homme qui la tenait. L’intérieur de la roulotte était décoré de nombreux tarots, grigris et autres talismans. Cela sentait le tabac froid. Mme Irma était assise derrière une boule de cristal, elle avait de longs cheveux et était outrageusement fardée. Elle avait une voix grave et rauque, j’ai pensé que c’était un homme ou alors que c’était l’excès de cigarettes. Elle m’a dit :
— Bienvenue, beau jeune homme. Quel est ton prénom ?
— Daniel.
— Joli prénom. Alors, que désires-tu savoir ? Travail, argent, amour ?
— Le travail ça va, l’argent aussi, j’ai même un petit salaire d’apprenti, il reste l’amour…
— Pas de petite amie, je présume. Laisse-moi me concentrer.
Elle a éteint la lumière, il n’y avait plus qu’une lueur verdâtre dans la boule de cristal.
— Je vois… je vois… Oh ! C’est magnifique ! Tu vas trouver le grand amour !
— C’est vrai ? Quand ?
— Pas si vite, je dois me concentrer. Encore plus merveilleux ! Ce soir, tu vas perdre ton pucelage ce soir !
— Pouvez-vous me la décrire ?
— Euh… je pourrais… je la vois… je veux dire je vois la personne que tu vas rencontrer, mais je te laisse la surprise. Tu es content ?
— Très content. Êtes-vous sûre ?
— Je te rembourserai si me prédiction ne se réalise pas, mais jusqu’à présent je ne me suis jamais trompée.
J’étais troublé par ce que m’avait dit Mme Irma, en sortant de sa roulotte.
— Raconte… m’a dit Alex.
— Vas-y d’abord. Je te raconterai après avoir soupé.
Nous avons dégusté une côtelette de porc et des frites, accompagnées de bière belge, dans un restaurant de la fête foraine, à l’extérieur. Alex m’a offert un café et une glace pour le dessert.
— Je t’écoute, m’a-t-il dit ensuite.
— Elle m’a prédit que j’allais trouver le grand amour et perdre mon pucelage.
— Tiens, moi aussi.
— Tu es aussi puceau ? ai-je demandé.
— Tu es bien curieux. Puisqu’elle l’a dit, il faut croire que c’est vrai. Elle ne s’engage pas beaucoup en nous disant qu’on va trouver le grand amour, tout le monde finit par le trouver.
— Elle m’a dit qu’elle me rembourserait si elle se trompait, ai-je ajouté.
— Elle ne sera plus là pour le service après-vente.
— Elle m’a même dit que ce serait ce soir.
— Ce soir ? fit Alex. Elle me l’a aussi dit. Elle raconte à tous la même chose, j’avais raison. Allez, au boulot !
— Au boulot ?
— Il ne faut pas perdre de temps si tu veux trouver le grand amour avant les douze coups de minuit. Regarde les filles à la table voisine, qu’en dis-tu ?
— Elles sont mignonnes.
— Eh bien, va les draguer, invite-les à manger une glace avec nous.
— Je… je n’ose pas.
— Timide ?
— Vas-y, toi. Elle t’a aussi prédit le grand amour…
— Hem ! Il y a deux mecs qui approchent. Je pense qu’on devrait rester à carreau.
Effectivement, c’étaient leurs petits amis et nous nous sommes évité des ennuis. Les autres tables étaient surtout occupées par des familles.
— On rentre ? ai-je demandé.
— Ouais, c’est râpé pour le grand amour ici.
J’ai fait découvrir le centre de la ville à Alex. Nous sommes passés par hasard devant la boîte de nuit.
— Il ne nous reste plus qu’à entrer et nous soûler, m’a dit Alex.
— Je n’y suis jamais allé. Il paraît que c’est cher. On doit boire du champagne avec les hôtesses.
— Du striptease ?
— Oui, on peut même coucher avec les filles, si tu vois ce que je veux dire.
— Je vois. Pas mon genre. T’inquiète, je plaisantais, je n’ai pas d’argent à gaspiller.
Nous sommes rentrés. Mme Perrin nous a demandé ce que nous avions fait, nous n’avons pas parlé de la diseuse de bonne aventure. Elle nous a invités à regarder un film à la télévision avec elle. Nous avons accepté, il était trop tôt pour nous coucher et nous n’avions pas envie de réviser nos cours.
Le film racontait une histoire qui se passait dans un internat, une école anglaise si ma mémoire est bonne. Les garçons parlaient de « faire l’amour » entre eux et avaient manifestement des relations homosexuelles. Notre logeuse était très gênée, elle s’est excusée, elle ne connaissait pas le sujet du film. Elle a fini par nous laisser seuls en nous disant que nous pouvions mettre une autre chaîne. Nous avons continué à regarder jusqu’à la fin, puis nous sommes montés nous coucher.
— Bonne nuit, m’a dit Alex, à demain.
— Bonne nuit. Je vais encore me laver les dents.
— Oui, je vais aussi le faire.
Je suis entré dans ma chambre, j’ai passé mon pyjama et je suis allé à la salle de bain. En ressortant, j’ai croisé mon colocataire dans le couloir. Il était entièrement nu et m’a demandé :
— Comment as-tu trouvé le film ce soir ?
— J’étais distrait, je repensais à Mme Irma et ses prédictions.
— Tu as quand même vu que c’étaient des garçons qui « faisaient l’amour » ?
— Oui, ai-je répondu en riant, j’ai vu.
— Et cela ne t’a pas choqué ?
— Non, pourquoi ?
— Il semblait que cela dérangeait notre logeuse.
— Moi, cela ne me dérange pas du tout si deux hommes couchent ensemble.
— Bon à savoir, attends deux minutes, je vais pisser et me laver les dents, j’ai encore quelque chose à te demander.
J’ai attendu, j’ai rallumé la lumière qui s’était éteinte. J’étais dans un état second, je tremblais. Alex est sorti de la salle de bain, son pénis avait grossi. Il s’est approché de moi, très près, en me chuchotant :
— Je peux vérifier quelque chose ?
— Oui, quoi ?
Alex a glissé sa main dans ma culotte de pyjama.
— J’avais raison, il m’a semblé ce matin que tu ne mettais pas de slip sous ton pyjama…
— C’est exact, je ne mets jamais de slip pour dormir.
Il a pris mon pénis dressé dans sa main et l’a parcouru sur toute sa longueur.
— Et j’ai aussi pensé que tu es circoncis…
— Bien deviné.
— Que ta bite est plus courte que la mienne…
— Je m’en doutais.
— Que tu mouillais, il y avait une tache sur ton pyjama, et que tu bandais.
— C’était une érection matinale.
— Et à présent, c’est une érection vespérale ?
— Je pense plutôt que c’est… à cause de toi.
Alex a déboutonné ma veste puis l’a ôtée, il a descendu ma culotte, nous étions les deux nus, nos pénis dressés. J’ai dit :
— Elle n’avait finalement pas tort Mme Irma, c’est le grand amour.
— Je ne sais pas si c’est le grand amour, seul le temps le dira. Mais je suis sûr que nous allons perdre nos pucelages avant les douze coups de minuit, comme dans le conte de fée.
Je ne me souvenais pas avoir lu ce conte, mais il s’est bien terminé, nous vécûmes heureux sans nous marier et sans avoir d’enfants.
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