Chapitre 24
Les fêtes de fin d’année approchaient, l’école militaire d’Issoire se préparait à accueillir les familles des élèves, ainsi que les autochtones. Bien sûr, tu avais été puni, tu ne pourrai donc rester avec moi que le samedi après-midi. Après avoir pris un train puis un taxi, j'entrai dans l'hôtel que tu avais réservé pour moi à Clermont-Ferrand. Le réceptionniste m’apprit que tu avais appelé pour savoir si j’étais arrivée. J’aurais aimé te parler. Après m’être perdue dans les couloirs tapissés de moquette, je me suis couchée, attendant de te revoir avec impatience. J’avais préparé une tenue toute simple pour l’occasion : jean noir et débardeur blanc. Tu m’avais dit d’éviter robes et jupes. Jalousie, encore ?
Le lendemain matin, sur le quai d’Issoire, je me demandai comment faire pour trouver mon chemin, mais je fis la connaissance d’une femme et de sa fille qui devaient également s’y rendre. Après quelques minutes de marche, une voiture s’arrêta : c’était Greg qui venait me chercher. Dans la confusion, j’ai complètement oublié celles qui m’accompagnaient, mais Greg fit demi-tour et répara mon impolitesse étourdie.
La caserne de l’ENTSOA était identique à toutes les autres, éternels murs blancs et briques rouges. J’observai tout de même les bâtiments avec curiosité : alors c’est ici que tu vivais sans moi, c’est d’ici que tu m’écrivais… Avant la partie festive de la journée, il fallait souffrir les cérémonies militaires, qui se déployèrent avec leur lenteur coutumière. Après avoir salué les parents de Greg, nous t’avons enfin aperçu dans le dernier défilé. Le blabla protocolaire exécuté, nous t’avons retrouvé devant ton bâtiment. Tu t’approchas, étonné de me voir surgir dans ton univers familier. Inattendue. Je visitai ta chambre et fis connaissance de tes camarades de chambrée, qui non seulement passaient plus de temps avec toi que moi, mais qui en savaient également bien trop sur mon compte. Je rencontrai Stéphanie, une ancienne élève que tu ne considérais pas vraiment comme une fille, mais comme un « pote ». Tu disais pourtant que l’amitié entre hommes et femmes te laissait sceptique, non ? Quand tu la revis, tes yeux brillèrent. Je respirai un grand coup.
Ces portes ouvertes militaires me rappelaient celles de mon enfance. Toute petite, les yeux à hauteur de rangers, je croyais voir mon père partout. Plus grande, je m’amusais avec Léon et Angèle sur les différents stands : nous ne manquions pas le parcours du combattant ni le tir à la carabine. Cette fête avait donc un air familier pour moi.
C’est en compagnie de Greg que nous nous sommes rendus au stand des voitures dont la direction avait été inversée. C’est toi qui conduisais. Après quelques mètres, tu nous fis sortir de la piste, renversant des rangées de pneus au passage et nous envoyant droit dans le mur. L’après-midi passa au fil des jeux et des rencontres, avant de rejoindre Clermont-Ferrand. Tu enlevas ton uniforme dans les toilettes du train. Un vieux monsieur nous observa avec un sourire complice.
Nous flânons dans les rues paresseuses.
À l’hôtel, nous jetons nos vêtements. Pas de temps à perdre, je te veux maintenant. Tu effleures mon clito. Pas trop fort. Pas trop lentement. Tu me doigtes, tu reviens sur lui, tout glissant. Tes doigts, encore… pitié… Ton regard ne me lâche pas pendant que tu te lèches deux doigts. Ça me foudroie. Mon ventre devient volcanique. Je palpite.
Le lit grince tellement que nous mettons le matelas à terre.
C’est si bon de se retrouver, j’aime que tu me prennes. Tu fixes mon dos qui se plie de plaisir, mes mains qui agrippent les draps, qui s’ouvrent et se ferment au rythme de mes gémissements. Je me redresse, tu saisis mes seins et passes sur leur pointe, tu cherches mon sexe, ma bouche mord la tienne, je me baisse à nouveau et tu rythmes mes hanches.
Le soir arrive. Tu dois regagner l’ENTSOA. Je ne sais plus si je t’en veux d’être puni. Encore. Devant l’hôtel, tu t’engouffres dans un taxi. J’ai mal d’être si près et de ne pas pouvoir être avec toi. Le lendemain, je quitte l’Auvergne avec un pincement au cœur. Je reviendrai l’année prochaine pour célébrer la fin de tes années d’école militaire.
J’attendais l’été avec un mélange de plaisir anticipé et d’appréhension, car je craignais que notre relation ne soit malmenée par la routine. Nous avions décidé de passer quelques semaines à la Bernerie-en-Retz, le village de tes vacances d’enfant, lorsque tu habitais à Nantes. Pour le moment, nous fondions sous la canicule. À la recherche d’un peu de fraicheur, nous sommes partis à la brune. Le ciel demeurait orageux, il nous écrasait comme de petits insectes. Tu sais bien l’effet que provoque sur moi cette chape lourde et moite… Je t’entraine dans un recoin obscur, m’allonge et relève ma robe.
De retour de notre promenade vespérale, enlacés, nous avons retrouvé un de mes tantes et son mari. Ils dormaient chez nous, car le lendemain ils emmenaient Angèle et Léon passer leurs vacances en Bretagne.
Ayant profité de la voiture de ma tante, nous sommes arrivés au camping de la Bernerie. C’est seulement en montant notre tente que nous nous sommes rendu compte que nous avions oublié les sardines. Nous avons donc utilisé des fourchettes. Le reste était à l’avenant, nous n’étions pas de grands campeurs : pas de réchaud, pas de matelas… Vive les nouilles instantanées cuites au soleil ! Heureusement nos voisins de tentes auront pitié de nous. Certains d’entre eux travaillaient l’été au camping. Notamment notre voisine, joliment musclée, dont tu admirais les fesses à chaque fois qu’elle entrait dans sa tente. Ton air coupable quand tu as croisé mon regard m’a fait sourire.
Tu me fis visiter ta plage, celle où tu attrapais des crabes avec ton père. Tu attiras mon attention sur leur drôle de forme carrée. À marée basse, tu m’emmenas sur une étendue vaseuse dans laquelle mes orteils s’enfonçaient avec horreur ; nous marchâmes sur des rochers qui faisaient scrontch scrontch et tu m’appris que s’ils s’effritaient, c’est qu’il ne s’agissait pas de rochers… mais de la demeure de charmants vers grassouillets.
Tu t’achetas une canne à pêche dans une boutique sombre qui sentait le renfermé. Une dame énorme te servit quelques vers replets que tu empalas sur ton hameçon. Nous nous installions sur notre promontoire préféré, celui qui surplombait l'océan à marée haute. Du haut de ce promontoire digne d’un vieux loup des mers, tu scrutais le lointain pendant que je lézardais. J’aimais caresser mes seins nus contre ton dos chauffé par le soleil, je découvris à quel point ils pouvaient être sensibles. Je notai de me pencher sur le sujet. Admirant ton profil qui se détachait sur l’océan miroitant, je regrettai d’avoir oublié mon appareil photo. Tant pis, nous aurons bien des occasions de prendre des photos de vacances !
L’eau suffisamment montée, tu plonges directement. Prudente, je préfère emprunter les escaliers taillés dans la pierre. La houle nous jette l’un contre l’autre. Tu enlèves mon maillot. Notre salive se mélange au sel marin. Nue, je t’enserre. Mais j’aperçois un homme en haut de la falaise, il ne perd rien de nos jeux.
Malgré l’atmosphère estivale, tu es distant, nerveux. Tu diras que le Bac t’a perturbé. Tu étais si tendu que tu avais parfois envie de me laisser là et de partir. Mais tu te raisonnais, te disant que ce serait stupide, que ce n’était qu’un mauvais moment à traverser.
Mais je ne savais pas ce qui se passait en toi, j’étais perdue. Stressée, j’ai même eu une crise de boulimie devant toi. Tu as été choqué de me voir manger des biscottes sans faim. Tu ne connaissais pas cette facette de moi. Je pouvais alterner phase de privation et engloutissement sans appétit.
Le soir, tu ne voulais pas faire l’amour, prétextant que tout le monde pouvait nous entendre. Comme si cela nous traversait habituellement l’esprit. Heureusement, les douches du camping offraient un cadre rafraichissant et peu fréquenté en journée.
Malgré ton malaise, nous passâmes de bonnes vacances. Tu brillais en journée sur la plage, que ce soit en jouant au foot ou au beach-volley. Je prenais ma revanche lors des soirées « trivial pursuit » du camping. Notre équipe remporta un point décisif grâce à moi :
« Qui est tombée amoureuse de Narcisse ?
— Écho, répondis-je dans le micro de l’animateur.
— Tu es sûre de toi ? demandas-tu.
— C’est une question de mythologie, zéro doute. »
Je pioche quelques images dans ma collection. Elles sont légèrement brulées par le baiser du zénith.
Tous les matins, tu courais jusqu’à Pornic et tu revenais serrant amoureusement des viennoiseries aplaties et humides de sueur ; nous pique-niquions sur la plage ; tu as marché sur mes lunettes, qui y perdirent une branche ; nous nous promenions au bord de la mer, dans la fraicheur de la nuit qui arrive. Tu espérais apercevoir des dauphins.
Si nous avions su que le temps nous était compté, qu’aurions-nous pu faire pour le retenir ?
L’heure de rentrer à Saint-Maixent arriva. J’avais oublié que ma mère était partie quelques jours en Allemagne : nous nous retrouvâmes devant une maison vide et close. Mais je parvins à entrer par une fenêtre, sans la casser. Tada !
La maison était à nous… Nous avons fait l’amour sur la moquette. Verdict : ça brule ! Après avoir récupéré quelques affaires, nous sommes repartis, pour Lyon cette fois. Nous étions peut-être nuls en matière de camping, mais le train, nous maitrisions !
J’étais un peu moins impressionnée par tes parents, mais j’éprouvais toujours quelques difficultés pour leur parler. Pourtant, ton père imaginait de bons moyens pour détendre l’atmosphère. Tu voulais acheter un ventilateur, car il faisait 40°. Ton père jugeait cette dépense inutile. En rentrant dans la chambre, le soir même, nous avons trouvé sur notre lit deux cartons avec l’inscription « ventilateur mécanique ». Geste futile… pas pour moi, que ce souvenir fait sourire. Un matin, nous avons tenté un jogging tous les trois. Vous avez dû stopper, car je crachais mes poumons. Pas sportive la belle-fille !
À Lyon, nous avons parlé de mon désir d’arrêter la pilule, car mes jambes étaient très lourdes et mon taux de cholestérol beaucoup trop élevé, alors que j’étais végétarienne. Après réflexion, nous avons décidé de la remplacer par des capotes aux moments dangereux de mon cycle. À la fin de ma dernière plaquette, je t’ai demandé si tu étais sûr.
Que reste-t-il dans ma collection lyonnaise ? Nos promenades au parc de la Tête d’Or ; au cinéma, quand tu relevais ta manche, à peine assis, car je te caressais le bras pendant toute la séance ; la nuit, tu te découvrais dans ton sommeil et j’en profitais pour m’enfouir sous le drap, te livrant à la merci des moustiques ; le soir, je te racontais des histoires, tu aimais surtout les légendes nordiques sur le Walhalla ; lors de ton footing quotidien, tu essayas de rattraper une joggeuse qui avait un bon rythme, mais tu demeuras à la traine, tu en conclus que ce devait être une sacrée sportive… Ton absence est une morsure. Mords-moi le cou, insinue tes doigts entre mes lèvres, non, plus bas. Mouille-moi pour que ça glisse. Continue à me mordre la nuque et les épaules, reviens à mon oreille me parler, me dire ton désir de moi, plante tes dents plus fort, n’aie pas peur de me marquer, tu l’as déjà fait, tu sens que je vais jouir, laisse tes doigts tourner autour de mon clito, approche ta main de ma bouche, que je te suce… J’explose et me désintègre !
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