Chapitre 14 : Marry me.
Quatre de nos amis et deux couples d’entre eux avaient dû se séparer pratiquement à la veille des examens de fin d’année de notre quatrième. Une question se transmettait de bouche en bouche parmi les étudiants de Saint-Clair : “À qui le tour ?”. Marry et Chuck avait pris de la distance, mais ils se côtoyaient encore via les réunions des délégués. Quant à Blear et moi-même, nous nous voyons en cachette dans nos chambres respectives à l’internat.
- Tu t’es amélioré, constata-t-elle en me regardant triturer les cordes de la guitare qu’elle m’avait offert.
- C’est grâce à toi que c’est possible si je bosse tous les jours dessus, répondis-je en déposant la guitare sur le lit pour lui faire un câlin à la place.
- Est-ce que tu vas accepter la proposition de ce Lewis ? me demanda-t-elle en passant son bras autour du mien, puis en saisissant ma main.
- Je ne sais pas… J’aimerais bien, mais…
- Avec ton père, je sais, souffla-t-elle. Mais tu mérites de jouer dans ce groupe, tu dois exploiter ton talent !
- Merci, marmonnais-je les joues rougies. Est-ce que je devrais reprendre contact avec eux ? Mais si mon père apprends que je me dévie des études, qui sait ce qu’il fera…
- Je suis certaine que tu es capable de faire les deux ! C’est une chance que tu ne devrais pas laisser passer. En tout cas, je t’encourage à le faire. Peut-être que si tu lui expliques ? Il y a forcément une solution !
- Oui sûrement, il va y avoir les examens ici, puis les vacances. Je pourrais m’entrainer sur leurs sons et commencer dès septembre, mais…
- Mais quoi ?! s’agaça-t-elle.
- J’ai aussi envie de profiter un maximum de toi, avouais-je honteusement.
- Je… Ne dis pas ça…
Elle dévia le regard sur ses genoux, n’osant plus me regarder dans les yeux comme elle le faisait quelques minutes auparavant. Nous n’en parlions pas, le sujet était tabou. D’ici septembre, ses parents l’initieraient à la recherche du meilleur parti. Je serrais un peu plus sa main pour la rassurer et vint glisser un baiser dans son cou. Alors qu’elle fixait toujours le sol, je saisis son visage de mon autre main pour l’inviter à me regarder. Son visage troublé m’excitait, les larmes dans ses yeux étaient si belles et ses lèvres rouges appelaient les miennes. Nous nous embrassions, débutant un combat au corps à corps dans les draps. Je ne l’avais encore jamais fait mienne et je me retiens de lui faire l’amour. Car je savais que je n’arrivais plus à m’arrêter une fois cette limite franchie. À la place nous échangions des mots d’amours, des caresses et des regards qui exprimaient de la plus belle des façons : “Je t’aime”.
***
“ À qui le tour ?”, au fond tout le monde savait que Marry et Chuck serait les prochains à se séparer. La révélation des relations secrètes des Richess, avait poussé leurs parents à accélérer le processus des rencontres avec les prétendants. Mais les examens arrivant, le reste d’entre eux et moi-même par la même occasion avions gagné un peu de répit. Les ruptures d’Eglantine et Michael et celle d’Elliot et Katerina, nous avait déchiré le cœur. Elles nous donnaient aussi en quelque sorte un avant-goût de ce qui nous attendaient. Le plus dur en tant qu’amis fut d’être éloignés et de les voir prendre de la distance au bras d’inconnus. Cette idée me tétanisait autant que Blear, nous étions incapables d’en discuter. Et à chaque fois que nous y faisions allusions, nous nous collions un peu plus l’un à l’autre. À l’inverse, je me demandais comment Marry et Chuck arrivait à rester aussi calmes. La vérité c’est que notre espiègle boucles d’or s’y était toujours préparé et notre président des délégués n’avait jamais vu cet avenir comme un abandon. Dans une séance d’habillage improvisé dans la chambre de Marry, les deux reines de l’école s’exprimèrent enfin sur le sujet.
- J’aimerais tellement sortir ma propre collection de vêtements un jour, dit la blonde en feuilletant les magazines de mode éparpillés sur son lit.
- Pourquoi pas ? La marque de vêtements Stein, ça fonctionnerait, répondit Blear en faisant de même.
- À vrai dire, j’avais des boîtes entiéres remplis de carnet à croquis, mais ma mère les à brûler en les découvrant : “Je ne suis pas faite pour ce métier”, l’imita-t-elle en prenant une voix pincée. Je plaisante, mais ça m’a vraiment briser… Elle brise tout ce que je souhaite entreprendre de toute façon.
- Tu es Marry Stein, tu es capable de tout, rétorqua-t-elle.
- Une fois mariée et quand je génèrerais des millions rien que par mon nom, je peux t’assurer que j’en aurais rien à faire de leurs avis. J’espère juste que mon futur mari sera à la hauteur… Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? fit-elle en tournant une page à l’aide de son doigt précédemment lécher.
- Tu en parles si facilement… Je n’ose même pas imaginer le moment où… Je n’ose même pas le dire en fait, souffla-t-elle. Tu n’as pas peur de quitter Chuck ? osa-t-elle.
- J’ai toujours su que ce jour viendrait, répondit-elle d’un ton de voix plus sec. Ça veut dire que vous n’en avez pas encore parlé ?
- Vous oui ?
- Non, pas encore, mais il est temps. Une fois que les examens seront finis…
- Déjà ?! s’exclama Blear.
- Nous n’aurons plus le droit d’être ensemble à la rentrée, alors autant lui dire au revoir avant les vacances. Blear, ça ne veut pas dire que tu dois faire la même chose, la rassura-t-elle en découvrant sa détresse. C’est juste que dans mon cas, si je ne le quitte pas tout de suite, jamais je n’arriverais à lui faire mes adieux, expliqua-t-elle la gorge serrée. Fais ce qui est bon pour toi, sans prendre en compte ce que nous faisons.
- Le souci c’est que j’ai aucune idée de ce que je dois faire… Marry, je suis perdue… Je l’aime tellement, avoua-t-elle d’une voix tremblante. Je ne veux pas le quitter… Je…
- Je sais, je sais, répéta-t-elle en prenant son corps fragile dans ses bras, la serrant de toute ses forces.
Elle ne comprenait que trop bien ce qu’elle ressentait, la peur de quitter la personne aimer, son âme sœur. Jamais personne ne pourrait prendre sa place dans son cœur. Elle avait toujours été attiré par Chuck, par sa prestance, son sarcasme et son physique de rêve. Par son culot, sa bienveillance et son sens de la compétition. Un leader né, un passionné et un businessman. Il avait le sens du détail, romantique, c’était un consommateur de romance à outrance. Et puis, il était sexy, brûlant lors de leurs ébats. Son contact dans le lit, le touché du bout de ses doigts et sa rage lorsqu’il lui faisait l’amour, tout lui manquerait. Mais cet homme là, appartiendrait bientôt à une autre. C’est exactement ce qu’elle s’était dit la première fois qu’il l’avait embrassé, pour se protéger. Parce qu’il fallait qu’elle se protège de son énergie, de la masse d’amour qu’il lui donnait où celui-ci l’aurait consumé à petit feu.
Chuck gardait toujours son sang-froid, même lorsqu’il dut plonger à l’avance dans le cauchemar qui ne l’attendait quand septembre. S’il n’avait pas été trouvé ses parents en disant qu’il était prêt à chercher sa future femme, jamais Elliot n’aurait obtenu Alice Meverald. La jeune fille avait toujours été l’un des premiers choix des Ibiss et il ne connaissait que trop bien cette douce créature pour avoir été en primaire ensemble. C’est pour la même raison qu’il sut qu’elle était faite pour son rival. Et donc, un rendez-vous s’organisa entre leurs familles. Ce que leurs parents ne savaient pas, c’est que leurs enfants avait révisé à la lettre près ce qu’ils se diraient ce jour-là. Ils leur servirent la plus grande des performances, entre tensions et désaccords. Ce fut un tel désastre que même les parents d’Alice n’insistèrent pas pour obtenir une deuxième chance : “ils n’étaient pas faits pour être ensemble”, fut la conclusion de cet entretien. Revenus à l’école avec leurs vraies personnalités, Alice lui colla un énorme bisou sur la joue et s’empressa de braver l’inévitable en s’imposant sur la liste d’Elliot. Une seule personne fut malheureuse ce jour-là, à l’instar du nouveau couple qui venait de se former. Chuck fut touché de constater que leur plan avait fonctionné, même au détriment de s’être jeter dans la gueule du loup. Maintenant qu’il s’était lancé, ses parents lui parlaient constamment des filles qu’il serait amené à rencontrer. Heureusement, il s’arrangea pour que ça arrive après les examens. Il devait maintenant penser à la meilleure manière de passer une dernière soirée avec Marry. Il n’avait pas de doute là-dessus, ça devait se finir comme ça avait commencé.
La veille de notre dernier examen, Chuck passa dans ma chambre pour que nous révisions ensemble. Nous n’avions jamais fait ça. Après une longue soirée d’étude et quelques rires perdus, je me décidais à lui poser la question.
- Qu’est-ce que tu vas faire pour Marry ?
- Je suis étonné que tu abordes le sujet…
- Ce n’est pas parce que je n’ai aucun courage en ce qui concerne ma copine que je ne peux pas en discuter avec toi, rétorquais-je.
- Nous nous voyons demain pour fêter le dernier examen et… c’est là que tout se finira…
- S’il y avait un couple que je croyais capable de surpasser tout ça, c’était bien vous deux. Alors si même Marry Stein et Chuck Ibiss se séparent, il n’y a aucune chance qu’on y survive…
- Do’, il n’a jamais été question de surpasser quoi que ce soit, tenta-t-il de me raisonner.
- Je sais, le coupais-je sèchement. Excuse-moi, c’est juste que… que je refuse de la quitter.
- Si je peux te donner un vrai conseil, commença-t-il en déposant sa main dans mon dos, c’est d’accepter les choses telles quelles sont, autrement la retombée sera d’autant plus douloureuse.
Pour que Chuck me conseille d’abandonner, la peine devait vraiment être perdue. Mais je m’accrochais encore à l’idée, à l’infime espoir que je puisse rester avec Blear. Et si nous étions destinés à nous séparer, alors je voulais profiter de chaque moment. Car contrairement à mes amis, je n'étais pas prêt à la quitter.
***
C’est donc la tête pleine de phrases d’au revoir que Marry se dirigea jusque dans la chambre de Chuck pour leur dernier soir. Elle avait décidé de se pourvoir d’une magnifique robe moulante écrue malgré le froid de l’hiver. Perché sur ses hauts talons, elle traversa le couloir, plus confiante que jamais. Devant la porte, elle recoiffa d’une main ses boucles qui rebondirent après son passage. Elle fut surprise de voir Chuck lui ouvrir plus tôt que prévu. Elle le dévisagea, analysant sa tenue : il portait une chemise large en coton, aussi blanche que sa robe et un pantalon serré de costume noir. Lui aussi, la regarda de haut en bas, s’imprégnant de ses courbes parfaites. La main sur la tranche de la porte, il lui lança un sourire en coin et l’invita à entrer de l’autre. Il la passa dans son dos à son passage, la poussant dans la chambre décorée de bougies et de voiles blancs. Elle admira la décoration, se retournant dans tous les sens pour observer les quatre coins de la chambre. Puis, au bruit de la clé qui se tourne, elle se figea à nouveau sur Chuck.
- Il y a un hic, tu n’as pas préparé de repas ? ricana-t-elle.
- J’ai déjà tout ce qu’il me faut sous la main, fit-il en la ramenant contre son torse.
- Bon appétit, répondit-elle à quelques millimètres de ses lèvres.
La température grimpa instantanément, Marry glissant ses mains sous sa chemise et lui agrippant fermement une de ses fesses. Il ouvrit la fermeture de sa robe si rapidement qu’il la cassa, puis la poussa sur le lit, sans aucun scrupule. Il lui repayerait une encore plus belle un de ces jours. Pendant qu’il lui ôtait son vêtement, il lui fit une promesse silencieuse. Il la marierait, peu importe le nombre d’années à attendre. La couvrant de baisers brûlants, elle se tendait sous sa carrure de plus en plus imposante. Il devenait un homme de jour en jour et elle laissa cet homme là voguer à ses désirs. Ils finiraient comme ils avaient commencé, dans les draps, bercés de douceur et de violence. Chuck bloquait ses poignets, donnant tout ce qu’il avait à lui offrir et elle répondait à ses présents, par des plaintes perçantes. Elle aurait voulu que ça dure une éternité, ce moment où ils ne faisaient plus qu’un. Elle chercha son dos de ses mains pour y enfoncer ses longs ongles rouges, pendant qu’il tendait à lui mordre le cou pour éviter de commettre l’irréparable. Mais depuis le temps qu’il en rêvait, il ne put contenir sa fougue.
- Marry, remonta-t-il jusque son oreille.
- Non… Arrête, si tu le dis, je ne te pardonnerais pas ! Jamais ! s’écria-t-elle soudainement.
- Je ne suis pas désolé de t’aimer Marry, j'en suis même très fier. Je t’aime. Je t’aime pour toujours, lui souffla-t-il pendant qu’elle gémissait à la fois de plaisir et de douleur.
Il lui répéta mille fois aux deux oreilles, en parcourant son corps, dans chaque moindre recoin. Il ne pouvait lui dire au revoir sans lui avoir fait dire. À chaque nouveau coup de rein, les larmes lui montaient davantage, torturée par Chuck qui ne s’arrêterait pas tant qu’il n’aurait pas eu ce qu’il voulait. Au paroxysme du plaisir, pendant qui l’aidait à se faire chevaucher, il la regarda tendrement et lui dit une nouvelle fois les mots qui la faisait tant souffrir. Une grimace parcourut le visage de Marry et ses sourcils se rapprochant l’un de l’autre, elle mordit ses lèvres, dans un effort vain de retenir ses larmes.
- Très... très bien ! Je t’aime ! Je t'aime, laissa-t-elle exploser en mots tremblants.
- So, do you want to Marry me someday ?* gloussa-t-il alors qu’elle s’accrochait fermement à son cou, l’entourant de ses jambes, dans l’espoir de ne jamais le quitter.
Leur mariage dura toute la nuit, où ils se consommèrent l’un et l’autre, jusqu’au petit matin et où la femme à qui il rêvait de passer la bague au doigt s’éclipsa dans le plus grand des silences.
*Alors, voudrais-tu m'épouser un de ces jours ?
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