Chapitre 24 : Rivaux par l'amour.
Les nerfs à vifs depuis leur première dispute, Blear décida de combler le vide dans son cœur avec la rage qu’elle ressentait pour Alicia. Une autre querelle éclata le lendemain, dès la première heure. Parce que la blonde avait changé de place délibérément pour ne plus être à ses côtés, Blear s’enflamma.
- Tu es tellement égoïste, grogna Blear, et tu ne te rends même pas compte que tes paroles et tes gestes peuvent blesser les autres !
- Et qu’est-ce que j’ai fait encore ?! J’essaye me de tenir à carreaux, mais tu trouves encore à redire !
- Tu me fuis comme la peste et tu te réfugies auprès de Chuck ? La deuxième personne la plus compétente de cette classe ?!
- Moi je blesse les gens ? Écoute-toi parler ! Tu rabaisses les autres, tu les regardes toujours de haut, tout ça parce que Madame est la première Richess !
- Et alors ? Tu es jalouse ? Il me semblait que tu n’en avais rien à faire de notre grade.
- Jalouse ?! D’une personne qui à tout, mais qui n’a réussi à rien faire pour garder son petit ami ?! Tu n’es puissante que de nom ! À côté de ça, Chuck est bien plus efficace !
La gifle partit toute seule, s’écrasant violemment sur la joue d’Alicia. Celle-ci, se retourna pour lui lancer un regard de défi, mais Blear ne se laissa pas faire.
- Parce que tu crois que je n’ai pas essayé de les convaincre ?! Même John-Eric a voulu m’aider et ils ont refusé de m’écouter ! Ils ont refusé d’entendre mes sentiments ! Penses-tu vraiment que je me soie lancer dans ses bras ? NON ! J’aurais fait n’importe quoi pour pouvoir reste avec lui, mais…
- Et pourquoi tu n’as rien dit ?! Pourquoi tu fais toujours profil bas… Si j’avais su...
- Peut-être parce que tu ne m’en as pas laissé le temps ?! Ou plutôt parce que tu n’as même pas voulu me réconforter ? J’avais besoin de toi Alicia !! l'empêcha-t-elle de prendre la parole. Quand je t’ai vu, j’ai cru que… J’ai cru que tu me soutiendrais, mais tu m’as laissé tomber ! Tu l’as choisis lui, plutôt que moi. Ça prouve simplement que tu ne me considères pas… que tu me croies capable de l’abandonner si facilement et que tu ne vois même pas à quel point je…
- À quel point quoi ? Parle ! Si tu veux que je te comprenne, alors parle ! Parce qu’avec toi, je suis toujours perdue !
- Tu ne cesses de dire qu’il est plus fragile, seul, mais je suis tout autant…
- Mais tu as un fils ! Tu auras un mari et…
- Je ne veux pas me marier avec ce LORD ! Et je ne veux pas enfanter de cette personne !! Est-ce que seulement tu es capable de comprendre ça ?! Ce n’est pas ce qui s’appelle avoir de la compagnie ! Je suis...
Blear s’arrêta de respirer quand j’ouvris la porte. Je vis Alicia se retourner sur moi, écarquillés les yeux et Chuck pousser un grand soupir de soulagement. Je revenais enfin en cours, en même temps que le professeur qui me jetai un regard de dédain. Un grand malaise s’installa, brisant toute la confiance qu'il m'avait fallut pour mettre un pied dans cette classe. Je n’osais un regard vers Blear, ni vers Chuck parce que j’avais honte, ni vers Alicia pour la même raison. Louis m’invita d’un geste, me prit presque de force pour que je m’assoie à ses côtés. Lorsque le professeur nous ordonna de nous asseoir, je fis étonner de voir Chuck prendre Blear sous son aile, laissant Katerina et Alicia partager le même banc.
- Je suis content que tu sois là, me chuchota Louis, et ne t’inquiètes pas pour les notes de cours. Chuck et moi, avons toutes tes copies.
Je le remerciais d’un hochement de tête, sortant mon stylo pour me replonger dans les livres dont je n’avais encore jamais vu la couleur. Le professeur me regardait d'un mauvais oeil. Sécher les cours dès la rentrée, malgré les certificats de Chuck, ne faisait vraiment pas bonne impression. Mais qu’il garde ses commentaires, rien ne pouvait me faire plus mal que ce que je venais d’entendre. Bien qu’elle n’avait jamais formuler cette crainte, je me doutais qu’elle refusait d’épouser un autre. Mais l’entendre de sa bouche me plongeait dans la plus grande des tristesses. Forte, elle faisait semblant de gérer la situation, mais elle n’avait aucun contrôle dessus.
***
Les garçons ont tous essayé de me remonter le moral, mais il n’en était pas question. Comment pourrais-je être heureux, alors que celle que j’aimais ne trouverait pas le bonheur ? Quitte à se séparer, je voulais au moins qu’elle soit épanouie. Nous mangions au réfectoire le soir et je refusais d’entendre quoi que ce soit.
- Tu voudrais qu’on continue le piano ? me proposa gentiment Michael.
- Nan, nan, nan, moi je dis qu’une bonne partie de basket, nous ferait tous du bien !
- Non merci, répondis-je simplement. Je suppose que vous devez tous être occupé avec vos compagnes et puis, Louis n’est même pas là, ajoutais-je en me levant de ma place, le plateau en main.
- Ou vas-tu ? s’inquiéta Chuck.
- Dormir, répondis-je sèchement.
Quoi que je fasse, je n’arrivais pas à leur parler correctement. Je n’arrivais pas à retrouver ma joie d’avant, de profiter de ces instants entre garçons, puisque nous n’avions plus le droit de voir les filles. Les seuls qui possédaient encore ce plaisir, c’était Alicia et Louis. Mais si la première ne s’en rendait même pas compte, Louis s’avéra être beaucoup plus indulgent. Il l’avait retrouvé dans sa chambre, une discussion s’imposant.
- Pourquoi est-ce que tu me parles de Blear ? Nous pourrions simplement profiter de notre soirée et tu continues avec ça…
- Parce que tu dois comprendre…
- Comprendre quoi ?!
- Qu’elle est vraiment malheureuse, tu n’imagines pas la chance que nous avons. Nos amis ont tous du se séparer…
- Je le sais, à ton avis pourquoi est-ce que j’ai appelé la psychologue à la rescousse ? s’indigna-t-elle.
- Parce que tu en avais autant besoin que nous…
- Qu’est-ce que tu insinues ? bouda-t-elle en se recroquevillant sur elle-même.
- Que tu ne supportes pas de voir les amis que tu as réunis avec Dossan, s’éloigner et s’éviter. J’ai raison, n’est-ce pas ?
- Non, je ne suis pas ce genre de personne…
- C’est parce que tu as peur d’être seule, je le sais. Ce n’est pas grave, sois simplement honnête, dit-il en lui attrapant le visage doucement.
- Non ! J’ai appelé la psychologue parce que j’avais peur qu’ils ne s’en sortent pas et parce que…
- Parce que tu avais peur de finir seule, insista-t-il. Si tu t’exprimais librement à Blear, que tu lui disais simplement ce que tu ressens réellement, tout pourrait s’arranger.
- Mais c’est elle qui ne dis jamais rien ! Elle ne dit jamais ce qu’elle pense, et j’interprète mal tout ce qu’elle dit. Je… je suis perdue… Je pensais la laisser tranquille pour ne pas qu’elle se fâche et parce que je le fais, elle m’en veut encore plus.
- Elle l’est tout autant que toi, mon bébé, dit-il en lui embrassant le front. Toute sa vie on lui a empêché de s’exprimer librement, tu arrives et tu forces le passage. Bien que votre relation soit compliquée, je crois qu’elle te remercie un peu d’avoir été si pénible.
- Comment est-ce que tu sais tout ça ? Tu n’étais même pas là pour le voir…
- Chuck, sourit-il, je ne comprenais pas d’où vous venait ces disputes et quand il m’a expliqué ta façon d’agir avec elle, j’ai compris.
- Est-ce que… je suis une si mauvaise personne que ça ? fit-elle en plongeant son menton entre ses coudes.
- Non, tu es simplement quelqu’un qui ne sait pas comment t’y prendre pour te faire des amis. Tu m’as toi-même dit que tu te sentais vide après la mort de ta mère, fit-il en lui attrapant la main. Et quand la nouvelle est tombée, que nous avons commencé à nous séparer, tu as pris peur, car tout ton monde s’effondrait sous tes yeux, sans que tu puisses ne rien faire.
- Tu m’énerves, grogna-t-elle en cachant la montée de ses larmes, pourquoi est-ce que tu as toujours raison ?
- Moi aussi j’ai peur, tu sais ? Toutes les personnes qui m’ont aidé à me relever souffrent. Et Blear en fait partie, Dossan aussi. Ils souffrent tous les deux, d’une manière différente. Tu dois t’excuser auprès de Blear, c’est tout ce qu’elle attend.
- Non, elle me déteste maintenant…
- Alicia, tu lui dois bien ça, d’être honnête et de t’excuser. Tu souhaites vraiment rester en conflit avec elle ?
- Non, rougit-elle en se cachant cette fois avec un coussin.
- Alors tu sais exactement ce qu’il te reste à faire ! s’exclama-t-il en lui volant le coussin des mains pour l’écraser ensuite contre sa poitrine.
- Est-ce que j’y arriverais ? lui demanda-t-elle d’une expression douloureuse.
- Bien sûr que oui ! Tu vois le problème n’est pas qu’elle ne s’exprime pas, mais bien que toi tu ne le fasses pas. Parles-lui honnêtement et tout ira bien, je te le promets, dit-il en l’enlaçant, déposant sa tête contre le coussin qui l’écrasait.
Alicia le serra très fort, mordillant ses lèvres d’inquiétudes, elle avait peur qu’elle ne lui pardonne jamais d’avoir été si cruelle.
Et pendant que le seul couple qui avait survécu à cette bataille se couvrait d’amour, j’enfilais un gros sweat pour faire un tour en ville. Les mains dans les poches, je regrettais de ne pas avoir mis une veste. Je frissonnais, respirant l’air frais de septembre. Le froid claquant sur mes joues m’éveillait, il me sembla que je n’avais plus été si conscient depuis une éternité. Je voguais dans les petites rues, m’aventurant dans des coins dans lesquels je n’étais encore jamais aller. Un boucan s’empreignait de la ruelle sombre dans laquelle je passais, à chaque fois que la seule porte en fer qui s’y trouvait s’ouvrait. Je me mis à marcher plus doucement quand j’entendis des cris s’élever et m’arrêta net quand j’en vis deux garçons en sortirent, se taper sur la figure. Je reconnus le blond qui déboita la mâchoire de son adversaire à coup de poings baguées. Le mec qui tomba à terre, rampa honteusement pour se faire la malle, tandis que le gagnant recoiffait sa chevelure laquée. Je tremblais un instant lorsqu’il déposa son regard plein de rage sur ma personne, le dérangeant visiblement dans son affaire. Mais tout stress disparut, lorsqu’un grand sourire vint égayer son visage écorché.
- Dossan ? Tu es bien le petit gars qui à une voix d’ange ? Oh, t’occupes de ça, encore un gars qui a mis ses pattes sur ma copine, dit-il en passant sa main derrière son crâne. Alors qu’est-ce qui t’amènes par ici ?
- Je ne sais pas, soufflais-je.
- Tu t’es perdu en chemin, gamin ? Si je peux faire quoi que ce soit, dit-il alors d’une voix compatissante.
- Est-ce que, hésitais-je pendant qu’il respectait mon silence, est-ce que tu cherches toujours autant un chanteur ?
- J’en ai un sous la main…
- Ah, je vois, dis-je d’un ton dépité.
- Mais je t’ai dit que je voulais ta voix, non ? Allez viens par ici, dit-il en m’attrapant par l’épaule, déposant sa joue blessée contre la mienne.
Avec un peu de honte, je me laissais étreindre par Lewis et le temps d’une soirée, j’oubliais tous mes problèmes. Je m’enivrais du plaisir de l’alcool et d’être accueillis à bras ouverts dans un groupe qui n’avait rien avoir avec Saint-Clair, avec les Richess et surtout pas avec Blear. Comment arriverais-je à surpasser cette épreuve autrement ? A la regarder dans les yeux alors qu’elle se voulait malheureuse ? Parce que je n’étais pas à ses côtés, parce qu’elle se voyait obligé de vivre une vie dont elle ne voulait pas. La boisson remuait mes pensées, me faisait marmonner des théories et une seule solution m’apparut comme être la bonne.
Le lendemain, la gueule de bois me fit sécher les cours du matin une nouvelle fois. Le groupe de Lewis, auquel j’appartenais maintenant, m’avait raccompagné très tôt devant Saint-Clair, complétement saoul. Et arrivant à l’école sur le temps de midi, je me dirigeais instinctivement vers le local de musique. J’y serais tranquille, du moins c’est ce que je pensais. Une mélodie s’en dégageait, une mélodie dont je ne reconnaissais pas la patte. Quand j’ouvris la porte, je découvris John-Eric, assis là où j’avais passé mes derniers moments en compagnie de Blear. Le hasard faisait bien les choses. Une sensation de déjà-vu me parcourut quand il se retourna, puis qu’il se redressa pour m’accueillir avec respect. Je me revoyais pleurer toutes les larmes de mon corps sur ses touches que nous avions parcourues de notre quatre mains. Quand il se leva, je ne sus comment lui exprimer mes sentiments. La rage grimpa, me fit agir sans réfléchir et je le plaquais contre le mur avec une force que je ne me connaissais pas. Et pendant que je lui confiais toute ma colère par un regard, il gardait son sang-froid. Je le secouais un peu plus, resserrant ma poigne autour de son col de petit noble. Comment pouvait-il rester de marbre alors que je l’agressais ? D’où me venait cette envie de lui coller un poing ? Je résistais aux envies meurtrières qui passaient par mon esprit, grognant presque en le maintenant fermement au mur. Je vis enfin un peu de peur dans ses yeux et tressaillit quand il déposa sa main sur ma tête pour la caresser, comme s’il calmait un animal.
- Dis-moi ce qui te fait autant mal, me souffla-t-il doucement.
Je desserrais enfin ma poigne, puis le poussait encore contre le mur, abaissant cette fois ma tête. Quand je remontais mes yeux vers lui, il ne vit que noirceur et douleur. Les larmes coulaient toutes seules et mes crocs s’enfonçaient dans les lèvres qui n’embrasseraient plus jamais ma tendre.
- Tu es le seul… Tu es le seul qui peut la rendre heureuse, marmonnais-je. Alors fais quelque chose !! Promets-moi de trouver une solution et de la rendre heureuse !
- Dossan…
- Je ne rigole pas !! Si ce n’est pas toi, je ne le supporterais pas ! Je ne supporterais pas de la voir avec un autre, sanglotais-je déposant presque ma tête sur son torse.
- Sache que j’y compte bien et je promets de faire tout ce que je peux pour la rendre heureuse, même si son cœur t’appartiens.
Je relevais brusquement ma tête pour le dévisager et je fus à la fois soulager et effrayer de découvrir le sérieux qu’il me rendait. Presque vides, mais avec un peu de compassion, il n’hésita pas à me faire comprendre qu’il tiendrait sa promesse.
- Moi aussi je l’aime et moi aussi je veux la récupérer, je serais faire honneur à votre amour. Mais que ce soit clair, je compte bien la garder à mes côtés.
- Parfait, c’est parfait, pleurais-je.
- Et tu dois me promettre d’essayer de t’en sortir, ou elle ne le supportera pas… Qu’est-ce que tu en dis Dossan ? dit-il en déposant une main sur mon épaule.
- Je…. Je le promets, dis-je difficilement, n’arrivant plus à me reprendre.
- Allez, ce n’est pas parce que nous sommes rivaux que je vais te laisser dans cet état, pleure un bon coup, fit-il en m’attrapant dans ses bras, tout en déposant une main à l’arrière de ma tête.
Pendant cet instant, j’eus la sensation de ressentir tout l’amour que Blear me portait et j’agrippais son bras de toutes mes forces, pour finalement me laisser tomber à ses pieds pitoyablement, sans lâcher sa main. Et alors qu’il me regardait de haut, je le sentis la serrer et s’accroupir pour ne pas me laisser pleurer seul. Il n’y avait pas de doute sur le fait que John-Eric serait capable de la relever, car même moi, son plus grand ennemi, il ne me laissa pas tomber.
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