Chapitre 25 : Retrouvailles et abandon.

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La psychologue m’avait dit que je manquais cruellement d’attention, par l’absence de ma mère. Elle pensais que j’exagère chacune de mes réactions, que ce soit par la colère ou par la joie, parce que j’essayais de combler une place que personne d’autre ne pourra remplacer.

Quand elle disait que j’avais tenté de réunir les Richess pour me nourrir de l’amour qu’ils avaient à donner, ça me fâchait. Et quand elle m’expliquait que je tentais de jouer à la mère avec Dossan, parce que j’avais perdu la mienne, je me sentais bête. Elle insista sur le fait que je n'étais pas héroïne et que ce n’étais pas mon rôle de tenter de les sauver. Mais à quoi je servais si ce n’était pas pour aider mes amis ? “Tu dois vivre ta vie d’adolescente, car tu en as la chance”, m’a-t-elle dit.

Je ne voulais pas la croire, mais lorsque je me suis disputée avec Blear, j’ai compris que je ne comprenais rien à la vie. Et je me suis sentie tellement inutile de ne pouvoir rien faire que je me suis mise en colère. Louis m’a ouvert les yeux sur le fait qu’elle recherchait seulement un peu de réconfort. Car lorsque les mots venaient d’elle, je n’arrivais pas à y croire. Tout nous opposait et nous séparait, mais encore une fois, il s’agissait sûrement d’une excuse. Je devais me rendre à l’évidence que Blear avait su apporté à Dossan ce dont il avait besoin, contrairement à moi. Et que malgré son nom, elle avait voulu rester jusque la fin.

Madame Karen à aussi dit que j’avais trop de fierté et un complexe d’infériorité, sans doute parce qu’encore une fois, il me manquait quelque chose d’essentielle dans ma vie : les conseils d’une mère durant mon adolescence. Je n’ai pas voulu lui prouver qu’elle avait raison en pleurant devant elle. Quelle honte de verser des larmes parce qu’on est brisé, il n’y a qu’à Louis que je montrais mes côtés les plus misérables. Je refusais de me laisser aller devant mes autres amis, parce que je n’avais pas le droit de souffrir en comparaison à ce qu’ils vivaient.

Comme il me l’avait conseillé, et encore répéter au petit matin, je me prépara mentalement à m’excuser auprès de Blear. Comment faire ? Comment m’y prendre ? Je n’ai jamais eu à le faire, peut-être que la psy avait raison en disant que j’avais été trop couvée. Je savais qu’elle ne serait pas ravie de me voir, mais avais-je un autre choix ? Malgré tous nos différends, je ne voulais pas qu’elle me déteste et j’avais honte de l’avoir fait pleurer.

Elle me regarda de haut en bas lorsqu’elle m’ouvrit la porte. Cette fois, j’attendis patiemment qu’elle m’invite à entrer, ce qu’elle ne fit qu’après un long silence.

- Qu’est-ce qui me vaut l’honneur de ta présence ? dit-elle en s’armant de sa brosse à cheveux.

- Tu es sûr que je ne te dérange pas ? demandais-je en la regardant se préparer pour l’école.

- Alicia, il est tôt le matin et tu viens avant les cours, bien sûr que tu déranges, rétorqua-t-elle d’un ton énervé.

- Tu as raison… Je reviendrais plus tard, répondis-je tendue en me dirigeant vers la porte.

Je sentais son regard pesé sur mon dos, et devinai qu’elle levait les yeux au ciel quand j’entendis son soupir. Elle claqua sa brosse contre sa coiffeuse, excédée.

- C’est bon reste ! Qu’est-ce que tu as à me dire ? Encore des reproches sur le fait que j’ai abandonné Dossan, que j’aurais dû affronter mes parents qui sont bien plus puissants que moi et…

- Non, la coupais-je, non je… je suis venue m’excuser, rougis-je en baissant les yeux.

- Répète-moi un peu ça, s’interloqua-t-elle.

- Je m’excuse Blear, je suis désolée, répétais-je en la regardant dans les yeux cette fois. J’ai… pété un câble, je ne suis même pas sûr du pourquoi… J’aimerais vraiment que tu me pardonnes…

- Parce que tu penses que c’est si simple ? Tu m’as blessée ! Tu m’as regardé de haut ! Et tu as dit… tu as dit que je n’étais que Blear Makes… Alors que je déteste mon nom, qu’on me réduise à…

- Je n’ai pas supporté de voir Dossan si malheureux, parce que je le couvre trop et je ne me suis pas rendu compte que tu souffrais autant que lui. Je pensais que c’était toi qui l’avais quitté, parce que tu es… tu es tellement plus…

- Plus quoi ? se vexa-t-elle instantanément.

- Plus forte, soufflais-je, tu supportes toujours tout, je n’ai jamais rencontré quelqu’un comme toi et je ne te comprends pas toujours, en fait.

- Je l’avais remarqué…

- Je t’admire un peu pour dire vrai, mais j’avais tort de croire que tu seras capable de survivre à cette épreuve. J’ai compris que tu n’avais simplement pas le choix…

- Aucun de nous n’ont choisi de quitter nos partenaires, tu t’en rends bien compte ? C’est parce que j’ai du respect pour Louis mais honnêtement, parfois j’aimerais qu’il devienne fou un peu plus tôt que prévu, pour que tu te rendes compte de la douleur qu’on ressent.

Je sentis qu’elle regrettait ses mots dès l’instant où elle les avait prononcés, rappelant ses lèvres à l’ordre. L’idée me parut si cruelle, je sentis les larmes monter et voulu les cacher, mais elles m’échappèrent.

- Excuse-moi, je n’aurais pas dû dire ça…

- Non, tu as raison, je comprends, bégayais-je en effaçant rapidement la larme sur ma joue. J’ai tellement peur de le perdre, vous tous en fait. Je m’accroche à Dossan, parce que si Louis disparaît, il ne me restera plus que mon meilleur ami…

- Et nous alors ?! Tu ne nous comptes pas dans tes amies ?! Alicia tu es vraiment… trop CONNE !

Blear me poussa d’une main et me rattrapa dans la foulée, trop gentille. Elle me prit dans ses bras, presque contre sa volonté et grognant des mots qui me firent échapper un petit rire.

- Je ne te pardonne pas, t’as compris ? Vraiment, je ne te pardonne pas !

- Oui, merci Blear, merci, répétais-je en la serrant.

- Tu as intérêt à te faire toute petite et à éviter d’être dans mes pattes ! Sinon je ne te pardonnerais pas ! Enfin ce n’est pas drôle si tu ne me donnes pas du fil à retordre, mais… Arrête de rire abrutie !

Elle me chassa de la chambre à grands coups de pieds, en furie, alors que j’appréciais un sourire sur son visage. Quand elle me claqua la porte au nez, je fermais les yeux le temps d’un instant et attendit qu’elle l’ouvre à nouveau.

- Je ne te pardonne pas, mais je ne te déteste pas, d’accord ?! Une personne bien élevée ne s’entiche pas de haine ! Et maintenant tu déguarpilles ! me cria-t-elle en me chassant à nouveau de grands gestes.

Quelle personne incroyable que Blear Makes, elle me regarda la fuir jusqu’à ce que je disparaisse du couloir. La main sur le cœur, je compris pour la première fois de ma vie la valeur de s’excuser. Ce n’était pas si désagréable.

***

Quelques jours plus tard après l’annonce de Dossan qui entrait finalement dans ce groupe de musique, nous avons appris le week-end suivant, une “heureuse” nouvelle dans les journaux.

Tout avait été très vite, entre la visite du fils du Lord Singh dans la demeure des Makes et la confrontation avec John-Eric. Le très beau garçon aux cheveux blonds avait invité Blear à faire une promenade où il lui déclara ces sentiments :

- Vous êtes une très belle femme, intelligente, cultiver, aucun homme ne pourrait vous résister milady. J’aurais adoré passer le restant de ma vie à vos côtés…

- Que voulez-vous dire ? s’étonna-t-elle de cette soudaine déclaration.

- Je ne suis pas dupe, vous ne m’aimez pas, assura-t-il, et je ne veux ni vous rendre malheureuse, ni choisir la mauvaise personne. J’espère que ça ne vous fait pas de peine ? lui demanda-t-il en découvrant son visage apeuré.

- Que vais-je dire à mes parents ? À ma mère ?

- Je crois savoir que votre premier amour les confronte en ce moment-même ?

- Non, ce n’est pas possible…

Blear regarda l’arrière de sa maison avec effarement, déposant ses yeux sur l’une des fenêtres du premier étage. Elle entreprit une course effrénée jusqu’au bureau de son père, dans lequel elle entendit des voix s’élever. Quand elle entra, elle n’en crut pas ses yeux. John-Eric serait la main du Lord, puis celle de son père, sous les regards meurtriers de sa mère. Qu’avait-il bien pu dire pour qu’ils acceptent ? Le lord semblait particulièrement heureux d’avoir réuni deux amoureux de longue date.

- Milady, si j’avais su que votre cœur appartenait à cet homme, nous vous aurions épargné tant de formalités ! Une réunion entre âmes sœurs, que c’est romantique, s’exclama-t-il en joignant ses mains, les yeux pétillants qui n’allaient pas de pair avec son accoutrement strict.

- John ? Est-ce que tu peux m’expliquer ?

- Mon père me lègue son entreprise, me sourit-il doucement, ce qui signifie que j’hérite de toute sa fortune. Autant dire que j’ai le niveau et le grade nécessaire pour te soutenir et appartenir à cette famille…

- Mais et lui ? Pourquoi a-t-il fait ça ? Je ne comprends pas…

- Pour tenir une promesse et réaliser mon vœu le plus cher, celui de pouvoir me tenir aux côtés de la mère de mon enfant.

- Père, est-ce que vous êtes d’accord avec ça ?

- Bien sûr que je le suis, répondit-il des billets verts dans les yeux, n’est-ce pas que nous le sommes, chérie ?

- Je ne vois pas de raison de refuser, maintenant qu’il rentre dans les critères, répondit-elle amèrement du haut de ses talons aiguilles.

Blear émit un semblant de sanglot, sautant dans les bras de John-Eric quand celui-ci s’avança pour faire de même. Le serrant de toutes ses forces, elle n’arrêtait pas de lui murmurer le même mot à l’oreille.

- Merci, merci John, merci mille-fois ! Merci, sanglota-t-elle pendant qu’il la réconfortait.

- Je sais que je ne serais jamais l’élu de ton cœur, mais est-ce que tu te contenteras de moi ? demanda-t-il timidement.

- Oui, oui, c’est la plus belle chose que tu pouvais faire pour moi !

- Je ne suis pas le seul que tu devrais remercier, dit-il si bas qu’elle le regarda sans comprendre, pour le reprendre dans ses bras une nouvelle fois.

Nous fîmes tous assez heureux de cette nouvelle et de les voir s’afficher à l’école, bras dessus dessous, laissant leurs fils entre les mains de la gouvernante et du chauffeur. Billy se faisait conduire à l’école maternelle non loin de Saint-Clair. Beaucoup de voyages, pour l’avoir à leurs côtés. Pour eux, ça en valait la peine. Quand ils passèrent le portail, Blear le vit directement à l’autre bout de la cour, se redresser sur un banc, l’air malheureux. Elle serra le bras de John-Eric, puis le lâcha, fuyant du regard ce qu’elle redoutait tant. Elle n’avait pas connaissance de cette promesse que les deux amours de sa vie lui cachait. De loin, John-Eric lui lança un regard fier, prouvant qu’il avait tenu parole. Dossan, s’en mordit les lèvres et ferma les poings. Il savait qu’il s’agissait de la meilleure solution, mais les voir ensemble s’avérait insoutenable. N’arrivant pas à regarder le spectacle davantage, il fuit. Louis et moi, tentions de le retenir, mais il nous chassa d’un geste vif. J’eus la sensation, comme tous nos autres amis, en observant sa triste silhouette pleine de rancœur s’éloigner, qu’il s'était aventurer trop loin dans la douleur, pour que nous puissions le rattraper.

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