Chapitre 37 : Les roses blanches sont pures, les roses sont tendres et les rouges, brûlantes.

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Le couple ne passa pas inaperçu dans les ruelles de Saint-Clair : Blear faisait reluire le pavé de sa magnifique robe rouge et Dossan avait sa réputation en ville. L’image du chanteur des Raven et de la première des Richess attisait la curiosité des passants. Ils avaient la grande classe et des rumeurs qu’il serait son amant circulèrent assez rapidement.

Cette situation aurait pu les mettre mal à l’aise, mais ils étaient si heureux de se retrouver que tout leur passait au-dessus de la tête. Dossan serrait davantage sa main, la guidant jusqu’au prochain point de rendez-vous. Pleines d’interrogations, Blear déposait les yeux sur chaque recoin de la ville en se demandant où il l’emmenait. Elle ne savait à quoi s’attendre vu les précédents événements. Elle le regardait alors, légèrement en retrait, se demandant s’il ne devait pas avoir froid dans sa simple chemise. Mais il faisait bon, voir un peu lourd, peut-être y aurait-il de l’orage ? Elle réfléchissait quand Dossan s’arrêta enfin pour lui prendre ses deux mains.

  • Nous sommes arrivés, dit-il en faisant un mouvement de tête vers un bar devant lequel résidait toute une bande d’ados habillé de noir. Tu ne devais pas t’attendre à ça, pouffa-t-il, mais je voulais que tu me voies à l’œuvre. Ça ne paye pas de mine, mais...
  • Non, c’est parfait, sourit-elle, vraiment parfait !
  • Rentrons alors, et ne t’occupe pas des gens autour, seulement de moi, fit-il alors en lui attrapant le menton avant de lui jeter un clin d’œil.

Loin d’être mécontente, Blear était plutôt excité à l’idée de le voir sur scène. Elle n’avait jamais osé se rendre à un de ses concerts, intimidée par ce monde inconnu. Quand ils rentrèrent dans le bar, déjà plongé dans une lumière tamisée et imbibé de l’odeur de l’alcool, les gens autour les accueillirent de gros yeux. Dossan la garda bien contre lui, ne quittant sa main et fit signe au barman puis à quelques connaissances. Il avait gagné en assurance depuis leur séparation, en charisme également quand il s’adressait aux autres. Cette partie de lui dont elle avait l’ignorance la faisait craquer et elle n’était pas la seule dans ce cas. Elle remarqua immédiatement la façon dont certaines filles le dévorait du regard. Jalousie à sa porte, elle s’accrocha plus fermement à son bras. Un petit sourire la gagna quand elles devinrent vertes qu’il l’emmène dans l’arrière salle réservées aux musiciens.


Dès lors qu’ils entrèrent dans les loges improvisées, les compagnons de Dossan ravisèrent leur joie et leur envie de lui sauter dessus pour observer la “jolie demoiselle” qu’il avait ramenée. Lewis se pinça les lèvres et le batteur ne put s’empêcher de lâcher un sifflement. Tout nerveux et impressionnée par sa beauté, ils se regardèrent entre eux, bluffés.

  • C’est la demoiselle de la chanson ? s’en alla Lewis en le choppant par l’épaule.
  • La ferme, le poussa-t-il, gêné.

Bien qu’elle n’avait aucune idée de ce dont ils parlaient, elle se délecta du rouge sur les joues de Dossan et gloussa en les voyant se chamailler. Il chassa les autres membres et invita Blear à prendre un verre tandis qu’ils commençaient les balances. Une bière à la main, à l’écart du reste de la population, la Richess se dénotait. Elle regardait le groupe jouer avec les câbles et tester les micros avec un grand intérêt. Son esprit se mit à vagabonder, phasant sur ses grandes mains qui caressait le micro et se déplaçaient ensuite sur les cordes de la guitare. Elle rêvait que ses doigts la touche avec autant de délicatesse et de vigueur qu’il ne le faisait sur son instrument. Écarlate, Blear secoua la tête pour rependre ses esprits, interrompu par celui qui la faisait fantasmer.

  • On va commencer, lui dit-il en prenant sa main, si ça ne te dérange pas, je préfère que tu restes dans ce coin de la scène ? Je ne voudrais pas que ta robe s’abîme ou qu’ils te poussent, d’accord ?

Elle ne comprit qu’à moitié sa demande et le suivit du regard quand il s’installa sur scène, passant la guitare autour de son cou. Les garçons se murmuraient des mots pendant que les gens se précipitaient à l’avant de la salle.

  • Ils s’en occupent, chuchota Lewis à Dossan.
  • Parfait, souffla-t-il d’un air content et satisfait.

Les lumières s’affaissèrent encore un peu plus, ne laissant que leur silhouette imposante, visibles. Le bruit des baguettes cognant l’une contre l’autre se firent entendre et un long son strident qui agita le public résonna dans le bar. Le vacarme qui suivit, les musiciens et Dossan mit en avant par les spots, les sauts et les cris des fans, soulevèrent le cœur de Blear. Elle sentait les basses traverser son corps, cogner dans sa poitrine et son regard s’agrandissait d’éblouissement. C’est lui qui créait tout ce bruit, qui donnait envie à ces personnes de se mouvoir dans tous les sens. Sa voix éclatait entre les instruments, elle n’entendait que lui, ne voyait que lui, aveugle de tout ce qui l’entourait. Si beau, si classe, brut et sombre. Un pincement la gagna quand elle comprit tout ce qu’elle avait raté. Et Dossan qui chantait avec passion, établissant le contact avec la foule, ne passa pas à côté de cette expression triste qu’elle arborait.

  • Don’t avert yours eyes and look at me, chanta-t-il au grand étonnement de ses coéquipiers. *Ne baisse pas les yeux et regarde-moi*

Bien qu’elle entendît cette chanson pour la première fois, Blear comprit instantanément que ses paroles ne faisaient pas partie de la version originale. Elle rougit de la tête aux pieds et déposa un regard des plus doux sur le bel oiseau noir qu’il devenait sur scène. Ailes ouvertes, elle ressentait sa libération, sa passion à travers cette voix qui l’emmenait loin de tout ses tracas. Transportée, admiratrice et amoureuse, un grand sourire se dessina aux coins de ses lèvres, fière de voir qu’il n’avait jamais quitté la guitare qu’elle lui avait offerte.

Elle suivit le reste du concert avec une grande admiration et se surprit de la jalousie qu’elle ressentait quand il faisait le show auprès des autres filles. La vie de musicien ressemblait bien à l’idée qu’elle s’en était faite. Perdue dans des grognements profondément enfouis, elle revint à la réalité quand il lui sembla que le concert prenait fin. Plus calme, le public attendait avec impatience la chanson qui les rendait amoureux. Dossan triturait les cordes, hésitant et jeta un regard sur le côté de scène, là où Blear se trouvait. Une légère mélodie s’éleva de derrière son dos, jouer avec délicatesse par ses copains qui souriait comme des bien-heureux. La tête baissée sous ses quelques mèches noires, Dossan déposa sa guitare pour seulement garder le micro en main et s’avança jusqu’au bord de la scène. Il s’y assit doucement, faisant face aux prunelles brillantes de sa bien aimée.

  • Ce n’est plus un secret, cette chanson t’es dédiée, souffla-t-il dans le micro. Voici, Makes-me fall in love, annonça-t-il ensuite sous les acclamations attendries du public.

Tout en lui tendant la main, il débuta sa ballade par quelques notes aiguës, douces et chaudes. Blear déposa la sienne sur sa poitrine qui semblait vouloir exploser. Elle affichait une expression à la fois touchée et blessée, tant l’amour qu’elle ressentait pour lui la dévorait de l’intérieur. Il continuait la sérénade en se basculant doucement, caressant du doigt les tremblements qui la prenait et il plongea son regard dans le sien pour y découvrir des larmes. Un cri du cœur le prit quand il déversa toute son affection dans le refrain, fermant les yeux pour se concentrer, pour empêcher ses larmes à lui de couler. La foule était émue et les garçons sur scène s’offrait la plus jolie vue qu’il n’avait jamais pu entrevoir. Elle ne put s’empêcher de laisser échapper un sanglot, puis un rire quand elle découvrit un pétale de rose tomber à ses pieds. Elle leva les yeux au plafond, ne sachant d’où tombaient les morceaux de fleurs roses. Comme de la neige, ils volaient au-dessus de sa tête pour s’y déposer délicatement. Bientôt sa soyeuse chevelure fut entièrement décorée de pétales, ne mettant qu’en valeur sa beauté. Dossan en chassant quelques-uns de sa main, puis la déposa sur sa joue, qu’elle appuya dans le creux de sa paume. Il ne put résister à la rejoindre sur terre, lui décrochant plus d’un sourire quand il lui fit la coure, puis qu’il l’invita dans ses dandinements. Plein d’émotion, il se raccrocha à son regard et la frappa de ses derniers mots : “Because you makes me fall in love”. Un silence s’ensuivit, avant que des cris de joies et des applaudissements n’éclatent autour d’eux. Ils s’affichaient de grands sourires pendant qu’ils se regardaient dans le blanc des yeux. Dossan l’attrapa par la main, vola la bouteille de whisky qui trônait prêt d’un des amplis et la traîna soudainement jusque dehors.

  • Pourquoi est-ce qu’on coure ? réussit-elle à dire à mi-chemin, essoufflée au bout de son bras.
  • Pour qu’il n’y ait plus que nous deux, gloussa-t-il en s’arrêtant. Ici, c’est parfait, fit-il en prenant un grand coup dans sa bouteille.
  • Est-ce que je peux avoir un coup aussi ? demanda-t-elle en lui arrachant presque des mains.
  • Si c’est ce que souhaite Madame, s’étonna-t-il de sa demande.

Sous ses grands rires, Blear but le restant de la bouteille d’une traite et la jeta au sol, complètement prise sous l’effet de l’alcool. Dossan n’en revint pas et éclata de rire quand elle lui afficha une mine sournoise et fière. Il l’attrapa par le visage pour coller son front au sien, et l’entraîna dans une nouvelle course qui se finie quand ils arrivèrent sur la grande place de Saint-Clair. Il n’y avait plus qu’eux à cette heure-ci, sous les dernières lumières allumées de la ville, écoutant les écoulements de la fontaine qui était toujours en route. Dossan sauta sur le rebord de celle-ci et fit une courbette avant de lui proposer sa main, le tout d’un regard coquin.

  • Encore une danse, mademoiselle ? dit-il en arquant un sourcil.

Blear mordit ses lèvres, telle une canaille, une étincelle dans ses jolis yeux et empoigna sa main qui la tira jusqu’à ses côtés. Il se tenait soudainement droit, exagérant la noblesse dont il essayait de se pourvoir. Elle joua le jeu en commençant par lui faire une révérence. Il attrapa alors sa taille, prit sa main, pendant qu’elle déposait la sienne sur son épaule et il commença à déplacer ses pieds maladroitement. Il gardait le menton relever, restant dans son rôle de garçon bien éduqué alors que l’alcool l’avait gagné depuis longtemps. Blear se laissait guider et tournait dangereusement sur la pointe de ses pieds. Il la reprit plusieurs fois quand elle basculait légèrement vers l’eau ou vers le sol. Sa robe trainait, l’empêchant de se mouvoir correctement, mais elle s’en fichait. Elle gardait ses yeux rivés dans les siens et le harcelait de sourire. Il la gardait contre lui, puis la faisait tourner pour l’écarter et la reprendre à ses côtés. Un petit pas chassé à droite, puis à gauche, ils piétinaient le rebord de la fontaine, sans scrupule et avec grand plaisir. Dossan se mit à chantonner des brides de sa chanson, séduisant ouvertement sa muse. Elle n’arrivait pas à garder son sérieux, riant à pleines dents quand il jouait de ses sourcils pour la draguer. Plus calmement, il se rapprocha de son visage pour l’admirer de plus près et le cœur battant, il se rapprocha de ses lèvres. Blear n’opposa aucune résistance, acceptant le baiser qu’il s’apprêtait à lui donner et déposant presque les siennes sur sa convoitise. Quand il l’amena auprès son torse, son talon glissa contre de la vase et atterrit dans l’eau. Elle émit un cri strident et s’accrocha à Dossan pour ne pas tomber, les amenant tous deux à tomber les fesses en premières dans la fontaine. Ahuris pendant quelques instants, les rires déboulèrent seulement après un temps et au petit regard qu’elle lui lança, Dossan se vengea en l’éclaboussant d’un geste. Elle poussa à nouveau un cri et déclara une bataille en lui rendant la pareille. Des grandes vagues jaillissaient alors au-dessus de leur tête, mouillant cheveux, costume et robe. Ils riaient, trempés jusqu’aux os et le cul dans l’eau, Dossan lui vola furtivement un baiser. Elle lui répondit par un regard plein d’interdits, enfonçant presque sa tête dans ses épaules, tellement elle était gênée. Mais ça ne l’arrêta pas, se dépêchant de lui en prendre un autre. Au contraire, ses réactions lui donnaient des palpitations et d’un geste, il l’invita à rentrer à l’internat. Blear ne put refuser et n’en avait pas la moindre envie, vu le regard qu’il lui offrait.

Le chemin au bout de son bras sembla être à la fois long, par le froid qu’elle ressentait et trop court quand ils arrivèrent enfin à destination. La longue robe de Blear se faisait de plus en plus lourde à cause de l’eau, si bien que Dossan dû l’aider à la soulever dans les escaliers. Arrivés à l’étage de la chambre de Blear, ils s’agrippèrent l’un à l’autre et traversèrent le couloir main dans la main, sans dire un mot et laissant des traces d’eau derrière eux. Quand ils entendirent un couple qui revenait du bal, Dossan la tira vers lui pour qu’ils se cachent. Bien plus enivrés qu’eux, les deux amoureux se couvraient de baisers sans se douter qu’ils étaient espionnés. Rougissant, nos deux cachottiers, attendirent qu’ils se réfugient dans leur chambre pour sortir de leur cachette. Devant sa porte, Blear baissa les yeux, attristé que la soirée soit déjà finie et s’appuya contre le mur. Elle les releva alors sur Dossan qui passa sa main au-dessus de son épaule pour ensuite la déposer contre le mur. Il glissa son nez contre le sien, en silence et mordillant ses lèvres. Blear l’attrapa par le col de sa chemise mouillé, puis passa ses mains dans ses cheveux tout aussi trempés. Elle eut de la peine en découvrant son visage triste, désespéré. Elle s’empressa de l’embrasser. Il y répondit avec fougue, déplaçant ses mains honteusement le long de sa taille. Elle reprit sa respiration quand il glissa sa jambe entre les siennes, le tissu de sa robe collant alors à sa peau.

  • Je n’arriverais pas à la retirer toute seule, lâcha-t-elle, le teint rougit par l’excitation.
  • Je ne peux pas, lui souffla-t-il en réponse, j’ai promis…
  • À qui ? dit-elle douloureusement en essayant de capturer son regard, à quoi bon les promesses…
  • Non, je veux toutes les tenir, rétorqua-t-il en déposant son front contre le sien. Blear, il est temps, balbutia-t-il encore une fois à son oreille.
  • Non, non, encore un peu, le supplia-t-elle en enfonçant ses ongles dans ses épaules, l’empêchant de partir.
  • Je t’aime, lui murmura-t-il, je t’aime tellement, si tu savais…
  • Je le sais, déglutit-elle pour s’empêcher de verser une larme, je le sais parce que je t’aime aussi, à en mourir !

Ils partagèrent un long moment dans les bras de l’autre, puis quand ils furent toutes les deux prêts, Dossan se défit de son emprise. Il prit alors son visage une dernière fois entre ses paumes, s’imprégnant de chaque partie et l’embrassa à la fois avec tendresse et violence. Il sembla à Blear que ce baiser lui coupait les lèvres et déchirait ses entrailles. Elle garda les yeux fermés comme il lui convia de le faire, sentant son corps s’éloigner du sien, son odeur disparaitre et écouta ses pas s’éloigner. Quand elle osa enfin rouvrir les yeux, il avait disparu. Elle tourna la tête à droite, puis à gauche, tournant sur elle-même. Il était vraiment parti. Que devait-elle faire maintenant ? Attrapant ses clés d’une mine effarée, elle les tourna dans sa serrure et ouvrit sa porte, totalement perdue. Il lui sembla ne plus avoir le contrôle sur ses pensées et sur son corps, s’obligeant de toutes ses forces à faire un pas dans cette chambre qui la ramènerait à la réalité. Durement, elle releva les yeux pour la découvrir. Ils s’écarquillèrent et des larmes glissèrent instantanément sur ses joues. Tremblante, elle s’avança jusqu’à son bureau où résidait une lettre aussi rouge que sa robe, que l’amour, que le sang et la passion. Elle n’arrivait à l’ouvrir tellement ses doigts lui échappaient. Avec tout le courage du monde, elle déplia le tout petit papier d’un geste vif et tomba à genoux parmi le tapis de rose rouges qui inondait sa chambre, tant aux murs que sous ses pieds. Elle se replia sur elle-même, poussant un long cri de douleur, en serrant le mot dans ses mains, agrippant les pétales rouges dans l’autre pour y enfoncer ses ongles. Criant à l’agonie, sa détresse glaça le sang de tous les résidents de l’internat. Et Dossan qui fuyait ce même endroit de pas précipités, répétait avec persistance le mot qu’il lui avait écrit : “Forever”.

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