Chapitre 38 : Ça en vaut la peine.

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  • C’est ton dernier jour ici, je tenais à te voir avant que tu partes, m’expliqua Madame Karen. Comment envisages-tu la suite ? Est-ce que tu comptes aller à l’université ? Continuer avec le groupe ?
  • Je ne sais pas, répondis-je simplement, je crois qu’on va continuer encore un petit temps, histoire que je puisse me payer un appart sympa.
  • Tu comptes habiter seul ? N’est-ce pas trop contraignant ?
  • Oui, et je ne pense pas, je gagne bien avec le groupe. Peut-être que je me payerai des études avec mes économies ou avec l’héritage de mes parents, je ne sais pas. J’ai l’impression que je devrais le garder pour autre chose, une intuition, lui expliquais-je.
  • Je sais que tu détestes ce terme, mais tu as tellement de potentiel, j’espérais que tu prennes un chemin ou l’autre vers des études.
  • Ce n’est pas fait pour moi, j’ai besoin d’un peu de temps, pour voyager et respirer, vous voyez.
  • Je vois très bien, acquiesça-t-elle. J’ai ouï-dire que tu avais passé une dernière soirée avec Blear, demanda-t-elle avec une grande délicatesse. Est-ce que tu souhaites en parler ? Ou m’avouer quelque chose, je ne sais pas, que tu n’aurais jamais osé me dire…
  • Vous voulez que je vous dise si je l’aime encore ? C’est ça ? la coupais-je, mais vous connaissez déjà la réponse, non ?
  • Oui, maintenant je la connais, dit-elle en me fixant droit dans les yeux alors que je brûlais sur place. Dans ce cas, il est temps de nous dire au revoir, Dossan, fit-elle en me tendant la main tandis que nous nous levions en même temps.

Je lui serrais, lui rendant un léger sourire et je me laissais aller dans un câlin. Elle fut surprise et puis déposa ses mains doucement dans mon dos. Je la regardais à nouveau, appréciant l’émotion qu’elle me rendait.

  • Merci, sincèrement merci, répétais-je pour qu’elle sache à quel point je lui étais redevable.
  • Merci à toi, fit-elle en essuyant une larme à son oeil, m’ouvrant la porte de son bureau en grand.

Je lui lançais un dernier sourire, sortant de la pièce pour rejoindre Chuck qui m’attendait avec mes valises et les siennes, accompagné de Louis et Alicia qui tenait sa fille entre ses bras. Madame Karen nous regarda nous éloigner en tentant de réprimer ses larmes, mais ne sut les retenir une fois qu’elle s’enferma dans son bureau. Même la meilleure des psychologues n’arrivait pas à nous dire au revoir et nous devions faire de même. Marchant tous les cinq jusqu’à l’avant de l’école, Chuck me regarda avec insistance.

  • Tu es sûr que tu ne veux pas venir habiter avec moi ? demanda-t-il en faisant la moue.
  • Chuck, laisse-le donc prendre un peu son indépendance !
  • Tu l’entends ? rétorquais-je en lui envoyant un sourire. Il est temps que j’ai mon chez moi et que je me débrouille un peu par mes propres moyens, ok ?

Chuck me fit d’abord une grimace, puis ne put résister à m’offrir un rire. Je sentis mon cœur devenir lourd quand on s’installa sur le trottoir où j’aperçus en ligne chacun de mes amis, attendant leurs limousines. Ils avaient attendu que l’on soit tous réunis pour ne serait-ce que mettre un pied dedans. Un long silence plana, laissant chacun d’entre nous prendre plaisir à se regarder une dernière fois. Je déposais mes yeux sur Katerina Hodaïbi qui n’avait fait que s’embellir, devenant une beauté fatale qui avait confiance en elle-même. Puis, sur Michael qui ne ressemblait plus au garçon tout simple que j’avais connu au début. Il me fit un signe de main quand il s’engouffra dans sa voiture, le premier à partir, osant un regard vers Eglantine. Celle-ci, lui offrit un merveilleux regard, avec sa douceur habituelle. Elle était devenue une vraie femme, épanouie, doté d’un regard déterminé à ne pas pleurer. Sa tendresse et son amitié me manquerait. Elliot faisait une grimace, les bras croisés de son mètre quatre-vingt, tel un homme qui n’avait peur de rien. Mais en réalité, il essayait simplement de ne pas faiblir, nous balayant tous de ses yeux émeraude. C’est sur Katerina qu’il s’arrêta le plus, hurlant à l’intérieur quand elle disparut à son tour. Marry n’hésita pas une seconde à l’étreindre, lui, son meilleur-ami qui l’avait fait tant rire. Fièrement, notre ancienne peste, balançant ses boucles d’ors derrière ses épaules, se pourvut d’une énorme paire de lunettes de soleil et laissa son chauffeur lui ouvrir la porte, telle une star de cinéma. De grands signes affectueux, elle nous salua une dernière fois, abaissant ses verres de mouches pour défier Chuck dans un regard absolument coquin.

Il gloussa à mes côtés, pouffant en la voyant nous jeter des baisers de derrière le carreau noir de sa limousine.

  • Elle ne perd rien pour attendre, dit-il d’un air mélancolique, je l’aurais !
  • Et je t’aurais avant, intervint Elliot, tu ne me considères même pas comme un ennemi, mais sache que je serais ton plus grand rival, dit-il avant de faire rouler ses valises jusqu’à sa voiture.
  • C’est-ce que nous verrons, chuchota le grand Chuck Ibiss.

Il m’attrapa par l’épaule, ne restait plus que lui et moi, Alicia, Louis et leur fille sur le trottoir. Je n’arrivais à croire qu’elle était déjà rentré chez elle, mais le bolide des Makes que j’aurais reconnu entre mille, déboula dans la rue. À l’intérieur, j’y aperçus Blear, des lunettes également sur la tête. Je priais sans trop d’espoir que la voiture s’arrête et je m’étonnais de la voir s’énerver contre son chauffeur. Celui-ci s’arrêta et recula pour arriver presque à notre niveau. Le carreau s’ouvrit et elle tourna la tête à moitié, sans rien dire. Du dessous de verres, elle leva ses yeux dans notre direction. Je n’arrivais à rien dire, ne devinant pas ses pensées. Alicia fit le boulot à ma place.

  • Eyh ! La richarde ! On t’attend ici dans dix ans, ok ? la provoqua-t-elle.

Blear fronça les sourcils, puis esquissa un très léger sourire. Je devinais un dernier regard dans ma direction tandis que sa voiture reprenait la route. Mon cœur s’écrasait, soufflant un grand-coup, de comprendre que c’était vraiment la fin.

  • Ça ne l’est pas, me coupa Chuck dans mes pensées comme s’il les avait lus. Quoi que tu penses, ce n’est pas la fin, compris ?
  • Il a raison, sinon pourquoi compter sur nos enfants ? fit Alicia en ajustant la petite dans ses bras.
  • Ce sera long, mais ça en vaudra la peine ! s’exclama Louis qui gigotait son doigt sous le menton de Kimi.
  • Mais ça en vaudra la peine, répétais-je doucement en passant ma main également sur la tête de la petite.
  • Dossan, tu es certain que…
  • Chuck ! cria-t-on en même temps pour l’arrêter.

Il se résolut à me voir partir, me serrant longuement dans ses bras, quand il fut à son tour de décamper. De tous les Richess, je savais qu’il serait le plus disposé à me rendre visite. S’il en avait le temps, bien sûr. Quitter Chuck, me broya presque autant le cœur que lorsque j’avais dû lui dire au revoir à elle. Le futur businessman remit la chemise de son col en place avant de nous faire un signe de tête, disparaissant comme tous les autres dans sa voiture de luxe.

Nous n’étions plus que Louis, Alicia, Kimi et moi. J’ouvrais mes bras en grand pour les y accueillir tous les trois. Au moins avec eux, j’étais certain de les revoir, parrain de leur fille. Je déposais encore une fois ma main sur le haut du crâne de la petite blonde et lui fit un grand sourire avant qu’ils s’éclipsent pour aller chercher un taxi.

  • On se revoit très vite, Do’ ! s’exclama Alicia au loin.
  • Très vite, soufflais-je, assis sur le dessus de mon énorme valise.

Je résidais alors seul, devant les grands bâtiments de Saint-Clair et me convaincs que j’en reverrais les murs un de ces jours. Le temps pour moi d’entrer dans ma vie adulte arriva et empoignant ma valise dans les mains, je la fis rouler, partant à l’aventure à mon tour.

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