Peindre sa revanche

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Nous sommes à la capitale, en 2024.

Que dire de plus ?

On suit la vie banale d'un étudiant banal.

// Mon véritable talent s'exprime lorsque j'écris des banalités ! :-) //

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Mathias était un artiste méticuleux. Lorsqu'il était arrivé à Paris pour ses études, son premier critère de sélection d'un appart fut la vue qu'il aurait sur la capitale. Il lui fallait un cadre inspirant pour travailler, non pas un banal morceau de mur ou une vue imprenable sur la ligne du RER A. Il ne demandait pas grand chose, un petit bout de la tour Eiffel, l'arc de Triomphe en arrière plan, voir une esquisse du Louvre.

Après des mois de recherches, d'appels infructueux et de supplications auprès de proprios véreux, il avait enfin trouvé sa perle rare. Un petit studio de seize mètres carrés, situé loin des transports, loin de son école, dans un coin un peu craignos. Cependant, la grande baie vitré remplaçant l'un des quatre murs lui offrait une vue sans pareil sur la basilique du Sacré-Cœur. Ça n'avait pas de prix à ses yeux.

Sitôt les clés récupérées et un rein vendu pour payer la caution, il s'était attablé à repousser tous les meubles contre les murs pour se garder un maximum d'espace. L'endroit était devenu un atelier, son sanctuaire de la création. Des étagères croulaient sous le poids de pots de peinture aux couleurs chatoyantes, alignés par teinte, par marque et par affinité personnelle. Des dizaines de pinceaux, fins comme des aiguilles ou larges comme des éventails, étaient soigneusement rangés dans des tubes en verre.

Au centre de tout cela, sur son bureau éclairé par une lampe de bureau, trônait l'objet de toutes ses attentions : une figurine complexe, un capitaine du Gondor aux traits guerriers et à l'armure ornée de complexes motifs à l'effigie de l'Arbre Blanc. Aux côtés du fier combattant se tenait le reste de son unité. Une vingtaine d'autres soldats n'attendant qu'à trouver un peu de vie par la couleur.

Chaque soir, après ses cours, Mathias s'isolait dans sa chambre et s'asseyait face à l'imposant monument. Il enfilait son vieux T-shirt déchiré-décousu-sale-un-vrai-torchon-quoi, ajustait ses lunettes et se plongeait dans son œuvre. Un monde de patience et de concentration s'ouvrait alors à lui. Il mélangeait les couleurs avec une précision quasi scientifique, appliquait des couches infinitésimales de peinture, retouchait les moindres détails. C'était un travail de longue haleine, qui demandait une grande minutie.

Ce soir-là, alors qu'il était en pleine concentration, un grognement retentit derrière lui. Il se retourna et vit Clarisse - une amie d'école de son point de vue, sa petite amie du point de vue de l'intéressée - affalée sur le canapé, les bras croisés.

— Tu pourrais peut-être te dépêcher un peu, non ? lança-t-elle d'une voix boudeuse.

Mathias posa son pinceau.

— Je suis en train de travailler, répondit-il calmement. Tu sais très bien que cette figurine demande du temps. Je m'en voudrais de rater les traces de boues sur le bas de sa cape.

— Ah oui, le temps... Tu as tout le temps du monde pour tes babioles, mais pour me faire un câlin, c'est une autre histoire !

Mathias soupira. Il connaissait la chanson. Clarisse avait dès le premier jour affiché son intérêt pour lui. Il avait pourtant tenté de lui expliquer, de partager sa passion avec elle, mais la belle s'en fichait bien, tant qu'il lui accordait un peu d'attention.

— Tu ne dois pas me déranger, reprit-il. On a conclu un marché, rappelle-toi ? Tu peux squatter tout le temps que tu veux, tant que tu ne m'interromps pas pendant que je peins.

Clarisse roula des yeux.

— Je croyais que tu plaisantais !

— Moi ? Jamais.

Mathias se retourna vers sa figurine et reprit son travail. Intérieurement, il savourait ce petit moment de victoire. Clarisse lui en faisait voir de toutes les couleurs en cours d'arts, à son tour de lui faire bouder son plaisir.

La jeune fille grogna à nouveau, puis se leva et quitta la pièce en claquant la porte. Mathias sourit en coin. Il savait qu'elle reviendrait plus tard, la queue entre les jambes, après avoir estimé le temps qu'il mettra à peindre pour ce soir. Lorsqu'elle reviendra, il ne pourra plus se défiler. Mais, pour l'instant, il avait tout le temps pour lui et son monde miniature.

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