J'suis pas une balance

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Dans la cité, un gamin rentre chez lui.

Il a le cœur lourd, il donnerait tout pour remonter le temps d'une journée.

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L'air de la cité était lourd, chargé d'une tension palpable. Karim, quinze ans à peine, remontait la route bitumée d’un pas lourd et fatigué. Le retour, après une nuit passée au commissariat, était un supplice.

Arrivé à la place De Gaulle, il n’osa lever les yeux vers l’appartement familial au onzième de l’immeuble Marie Curie et préféra se diriger en direction du parc pour enfants Saint Emilien. Là-bas, il retrouva Sofiane, Megan, Rayan et Mike. La bande au grand complet quoi. Ses potes étaient en train de boire des bières et de fumer des clopes piquées à leurs aînés. Lorsqu’ils virent Karim approcher, des rires faussement moqueurs fusèrent. Fiers et arrogants, ils n’en étaient pas moins morts de peur.

Alors que Karim s’asseyait sur un jeu à ressort tout en acceptant la cigarette tendue par Sofiane, Mike lança la question qui leur brûlait à tous les lèvres.

  • T’as pas balancé ?

Le cadet de la bande le fusilla du regard en allumant sa cigarette. Il inspira longuement, et fit quelques ronds de fumée pour calmer ses nerfs.

  • Alors ? insista Mike.
  • Evidemment que non. J’ai rien lâché aux keufs.

Un murmure d'approbation parcourut le groupe.

  • T'as bien fait, lâcha l'un d'eux.

Mais le soulagement était de courte durée. Karim reprit la parole après avoir jeté sa clope à peine entamée. Il les dévisageait tour à tour, les yeux rougis par les larmes.

  • Vous savez comment ils ont appelé ce qu’on a fait ? De la dégradation de biens publics. Et comme j’ai été le seul à me faire choper, c’est tout pour ma gueule. Sauf que je suis mineur, je peux pas rembourser.

Il s'interrompit, l'amertume l'étouffait.

  • C'est ma daronne qui va devoir payer.

Rayan souffla du nez en se relevant. Haut et massif pour son âge, il se gratta le menton d’un geste désinvolte, un tic qu’il avait lorsqu’il ne captait pas ce qu’on lui disait. Même sa voix lui faisait paraître la vingtaine.

  • Tout ça pour trois extincteurs. Trop relou.
  • Ouais, dans les couloirs ça faisait une belle rampe de ride, mais dans l’ascenseur c’est pas le même délire, reprit Karim.
  • Avoue que c’était marrant, ricana Rayan et fit monter la colère de Karim.
  • Moi, j’y étais même pas, dans ce putain d’ascenseur !

Les quatre autres se défilèrent, arguant qu’il aurait suffi de courir plus vite pour ne pas se faire choper, que c’était sa faute. Ils commencèrent même à blaguer sur sa forme physique et à changer doucement de sujet. C’en était trop pour Karim qui espérait que la solution allait venir d’eux. Les mots de l’avocat tournaient en boucle dans sa tête. Il s’avança brusquement et frappa Mike à l’épaule. Le grand noir poussa un cri de douleur en bondissant de son siège. Les deux garçons se firent face, quasiment le nez collé à celui de l’autre.

  • Tu cherches la merde, Karim ?
  • Dénoncez-vous.
  • Wesh ?!
  • Ma daronne pourra jamais payer les réparations toute seule. Dénoncez-vous, qu’on coupe le prix en cinq.
  • Tu t’es crû à la banque là ? Va chier.

La fille de la bande courut les séparer avant qu’ils n’en viennent aux mains. Karim ne cessa de les observer alors qu’ils s’éloignaient de lui. Megan lui lança un dernier regard malaisé alors que Mike plaçait son bras sur ses épaules pour la forcer à suivre.

Le silence se fit. Karim remonta la fermeture éclair de son manteau, frissonnant dans ce froid de novembre. Ayant peu d’espoir quant à la soi-disante solidarité de la bande dont ils se vantaient dans toute la cité, il quitta la zone. Se dirigeant vers le HLM Marie Curie, il réfléchissait à quoi faire. Les mains dans les poches, il triturait la carte de visite de son avocat, ainsi que les papiers qu’il devait donner à sa mère.

Passé le hall, il vit que l’ascenseur était hors-service, la faute à qui, et commença à grimper les marches.

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