L'Argose

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Sur une planète sans intérêt,

Un bar sert de repère aux travailleurs fatigués.

Son propriétaire est un bon garçon. Mais sa gentillesse le perdra.

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Louka nettoyait distraitement un verre derrière le bar en laiton martelé. Ses gestes muent par automatisme, il avait tout le loisir de surveiller la cohue de la salle. Ce soir, l’Argose, bar emblématique de Quden VI et repère des multiples équipes de mineurs, fourmillait d'activités. Les engrenages apparents du mécanisme des pompes à bière hurlaient sous l'effort constant qui leur était imposé alors que les commandes se succédaient face au barman.

Habitué aux récits de galères dans les exploitations d'adamantium et aux éternelles lamentations sur les quotas imposés par le gouvernement planétaire, Louka était surpris par le sujet de toutes les conversations de ce soir-là. Le Tourment de Sterak, un puissant croiseur stellaire de l'Union, s'était posé sur l'unique spatioport de leur petite planète minière. Une nouvelle qui inquiétait la populace pour qui nouveauté rimait avec danger.

Les armées de défense, d’habitude si lointaines dans leurs bases orbitales, avaient posé le pied sur le sol. Et personne ne savait pourquoi.

Les recrutements n’étaient prévus que dans six mois. Alors, que justifiait cette présence inattendue ? Tandis que Louka profitait de l’agitation pour écouler ses stocks de bière, cinq silhouettes firent leur entrée par la porte magnétisée. Des soldats, des vétérans à en juger par leurs armures usées et leurs fusils laser de dernière génération. Le silence tomba instantanément.


Le capitaine de la troupe ôta son masque, dévoilant un visage féminin à l’assemblée. Ses cheveux sombres coupés court encadraient un visage déterminé rongé par de vieilles cicatrices. Elle souriait d’un air hautain à l’assemblée, comme pour les inviter à la défier, ce qu'aucun ne fit. Puis, elle fit un signe de la tête à ses hommes qui se dispersèrent à travers la salle, leur vision optimisée scrutant chaque recoin, comme s’ils cherchaient quelque chose, ou quelqu’un.

Louka sentit un frisson le parcourir lorsqu’il croisa le regard de la capitaine. Il y lisait une intelligence froide et calculatrice. Un instant plus tard, la femme se dirigea vers lui et s’adossa de dos contre le comptoir. Elle aussi étudiait les visages des mineurs, tout en tendant une main ouverte, dans l’attente d’une boisson. Résigné, Louka y plaça un verre de bière généreusement chargé en mousse, sa manière à lui de lui faire comprendre qu’elle n’était pas la bienvenue dans son établissement. Nullement impressionnée, elle but une gorgée avant d’engager la conversation, détendue.


« Vous n’auriez pas vu passer ces derniers jours une grande femme aux cheveux noirs ? » demanda-t-elle, en se retournant tout en se pointant du doigt pour insister sur l’apparence physique de la personne qu’elle recherchait. « Une soldate de l’Union, comme moi, mais un peu plus... discrète. »

Louka réfléchit un instant. Il croisait tant de monde dans ce bar qu'il était difficile de se souvenir de chaque visage. Il secoua la tête.

« Non, madame, je ne crois pas. »

La capitaine haussa des épaules, mais ses yeux ne le quittaient pas. Elle retira son gant droit et découvrit un anneau de métal brillant à son index. D'un geste fluide, elle l'activa d’une pliure du doigt. Un petit hologramme apparut entre elle et Louka. C'était un jeune homme aux cheveux blonds et aux yeux pétillants riant à gorge déployée.

« Le barman ment ! » s’exclama-t-il de sa voix pleine d’enthousiasme. « Je sens sa présence. Elle se cache ici. » dit-il en pointant le mur derrière Louka.

La capitaine le remercia, sans cesser de fixer Louka.

« Merci, Hélyos. »

Elle éteignit l’anneau d’un geste rapide. Puis, elle posa son pistolet sur le comptoir, le canon pointé vers le barman suant à grosses gouttes.

« Souhaitez-vous revenir sur votre déclaration ? »

Louka se sentit pris au piège. L'hologramme avait raison. Il s’était trouvé brave à protéger une déserteuse, stupidement fier de son acte de rébellion, mais il ne réalisait que maintenant dans quel désastre il s’était fourré.

Il hésita encore un instant, puis décida de tout avouer d’une voix faible. « Oui, je l’ai trouvé, cachée dans ma dernière livraison en provenance des mondes frontaliers. »

« Et vous avez sciemment décidé de la couvrir, en connaissance des sanctions qui vous seraient infligées par cet acte. » acheva la représentante de l’Union d’une voix sentencieuse.

Elle fit un geste en direction de ses hommes qui se dirigèrent vers la réserve, le fusil à l’épaule. Louka voulut donner l’alerte, mais la soldate le saisit brusquement à la gorge d’une force surhumaine.

Des chaises tombèrent lorsque plusieurs mineurs se levèrent, mais elle les força à l’immobilité en augmentant la pression de ses doigts. Des étoiles noires dansèrent devant les yeux de Louka alors que ses pieds quittaient le sol. Pendant qu’il se débattait, impuissant, un choc sourd le secoua tandis que son bar volait en éclats. La dernière chose qu’il vit fut la déserteuse émergeant de la réserve en feu et le saisissant par le bras sous les cris de colère de la soldate.

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