Chapitre 22 : lundi 4 avril 2005

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Assis sur un des bancs du pont arrière, Mickaël fixait Maureen, debout devant lui, appuyée au bastingage. Elle avait laissé ses cheveux libres et le vent les soulevait de temps à autre, l'obligeant parfois à remettre une mèche derrière son oreille. Il aimait ce petit geste plein de grâce. Elle avait les yeux grands ouverts, découvrant les beautés des rives du Loch Lomond et le bleu profond de ses eaux. Par chance, ce jour-là, il faisait très beau et elles étaient d'un bleu sombre dans lequel se reflétaient les rives aux couleurs printanières.

Quand il lui avait proposé cette sortie, la veille, elle avait tout de suite accepté, ravie de découvrir un lieu sauvage et beau, à proximité de Glasgow. Ils étaient quasiment seuls, ce jour-là, à bord du bateau qui assurait des croisières sur le loch. La saison touristique commençait à peine et, en début de semaine, les promeneurs étaient encore rares. Mickaël avait choisi de faire l'excursion la plus longue, pour le découvrir dans toute son étendue, rappelant à Maureen que c'était le plus grand loch d'Ecosse et que toutes ses rives faisaient partie d'un parc national.

- C'est magnifique ! s'extasia Maureen. Est-ce que les Highlands autour de Fort William sont aussi beaux que ça ?

- Plus beaux, encore, dit Mickaël en souriant.

- Tu dis cela par chauvinisme ?

- Je dis cela parce que c'est la vérité. Les Highlands sont le plus beau pays du monde.

Elle éclata de rire. Il quitta alors le banc pour se rapprocher d'elle et l'enlaça par derrière, appuyant son menton sur son épaule et fixant la crête des collines.

- Le pire, soupira-t-elle, c'est que je suis prête à te croire.

- Parce que tu sais que je ne peux que dire la vérité ?

- Pas seulement. Surtout parce que j'entends une telle sincérité et un tel amour pour ton pays quand tu en parles...

L'étreinte de Mickaël se resserra autour de la taille de Maureen. Il songea à Steven, son grand-père, qui avait su charmer sa grand-mère avec des mots semblables, lui promettant qu'il l'emmènerait vivre dans le plus beau pays du monde, dans les Highlands. "Oui, Pépé, tu vois... Je marche dans tes pas. Je ne fais pas plus original que toi, et d'ailleurs, pourquoi chercher à faire plus original ? Ce n'est que la vérité... Maureen l'a bien compris. Comme ta Petite Pomme était prête à le croire elle aussi..."

- Tu as l'air rêveur ? fit Maureen.

- Je pensais à ma grand-mère et à mon grand-père.

- Ah ?

Il apprécia sa retenue. Il ne voulait pas encore lui raconter cette anecdote, car ce serait provoquer trop de similitudes entre eux et il ne voulait pas parler de ses propres sentiments, pour ne pas bousculer la jeune femme. Il se sentait amoureux d'elle ; rien qu'être là, avec elle, était un pur bonheur, mais il mesurait aussi que leur relation n'était que débutante et, encore une fois, il ne voulait pas aller trop vite. Le coup de foudre entre Betty et lui avait été réciproque, mais la chute pénible. Il ne voulait pas refaire la même erreur.

Il répondit alors simplement :

- Oui, quand j'étais enfant, et avant que mon grand-père ne tombe malade, durant les vacances d'été, ils nous emmenaient toujours découvrir la région. Une fois, nous sommes venus ici, pour quelques jours. Mon grand-père ne pouvait pas facilement s'absenter de la ferme, même si les moutons ne sont pas une charge trop grande en été. Il s'arrangeait avec son frère et son neveu. C'était pratique. Et donc, nous étions venus ici. Ils avaient loué un petit chalet, on avait fait du bateau, des excursions... Nous tenions absolument à faire l'ascension du Ben Lomond... On avait tant et tant insisté que mon grand-père a dit : "ok, allons-y". On n'a pas fini...

- Tu étais avec d'autres enfants ?

- Oui, ma sœur et mon ami Sam. Il passait une grande partie des vacances avec moi.

- Hum, hum, fit simplement Maureen. Vous aviez eu les yeux plus gros que le ventre !

- Tout à fait.

- Tu as fait l'ascension depuis ?

- Oui, avec Sam et Willy, un autre ami. Nous avions dix-neuf ans tous les trois... Quand on est repassé à l'endroit où nous avions fait demi-tour, Sam a tenu à ouvrir une bouteille de bière pour l'occasion, pour marquer le fait qu'on avait réussi à faire un pas au-delà. Et bien entendu, il en portait une autre pour le sommet...

Maureen sourit. Cette petite anecdote l'amusait beaucoup. Elle aimait entendre Mickaël raconter ainsi des souvenirs, évoquer des proches. Elle, elle ne pouvait parler des siens sans ressentir une blessure. La seule personne qu'elle pouvait évoquer avec joie était Lawra.

Le bateau avançait toujours, à un rythme tranquille. Le paysage se déployait sous leurs yeux. Maureen se demandait bien à quoi pouvaient ressembler les Highlands, comment il était possible de faire encore plus beau, alors qu'elle trouvait déjà tout, ici, enchanteur.

"Comment pourrais-je ne pas aimer ce pays ?", se demanda-t-elle.

Et les mains de Mickaël, croisées sur son ventre, lui firent aussi se poser la question : "Et comment pourrais-je ne pas aimer cet homme-là ? Qui me fait découvrir tant et tant de merveilles ?"

**

"Reste..."

Elle avait murmuré ce petit mot alors qu'il était étendu sur elle, qu'il reprenait à peine ses esprits après lui avoir fait longuement l'amour. Après la journée au grand air, le regard encore empli de beautés, ils étaient rentrés à Glasgow. La nuit était totalement tombée sur la ville et il avait proposé de dormir chez lui après avoir dîné dans un pub à Arden.

Il redressa juste son visage, pour la regarder, la contempler. Les yeux fermés, la bouche à peine entrouverte, elle affichait un air de bienheureuse félicité. Le plaisir avait été intense, pour l'un comme pour l'autre, leur échange profond. Maureen gagnait en assurance, mais Mickaël ignorait toujours les raisons qui pouvaient provoquer certaines de ses retenues.

"Je vais rester... En toi... J'aime être en toi... C'est si bon...", songea-t-il. Il ressentit juste une légère pointe de regrets à l'idée de ne pouvoir lui dire ces mots-là, de crainte qu'ils ne soient trop forts pour elle. Sa délicatesse lui plaisait, l'attirait profondément, s'accordant si bien avec sa propre sensibilité. Mais il aurait voulu, déjà, pouvoir partager plus. "Ne sois pas impatient, Mickaël..."

Et il crut entendre là sa "Mummy".

Les bras de Maureen s'étaient refermés dans son dos, ses longs doigts fins caressaient doucement le creux de ses reins. Il la fit basculer sur le côté, pour se retrouver face à face. Elle lui sourit, il caressa doucement les contours de son visage, avant de l'embrasser. Ses lèvres portaient le goût de son intimité, car il l'avait embrassée là, un peu plus tôt.

Une des mains de Maureen glissa sur son flanc, il la retint, noua ses doigts aux siens avant de la poser sur son torse, puis de la faire glisser sur sa poitrine, son ventre. Il avait envie de caresses plus intimes, ce qu'elle ne lui avait pas encore accordé. Leur baiser se prolongeait et la main de Mickaël descendait toujours plus bas, menant celle de Maureen vers son bas-ventre. Quand le dos de la main de la jeune femme frôla son sexe, il se sentit faillir, et elle se figea soudain, un violent frisson la parcourant. Dans sa bouche, la langue de la jeune femme avait cessé de tourner. Il fit alors remonter leurs mains un peu plus haut, poursuivant son baiser comme si de rien n'était et il la sentit se détendre au bout d'un petit moment.

"Que lui est-il arrivé pour qu'elle réagisse ainsi ?", se demanda-t-il alors. "Je crains le pire... Un acte de violence, une peur enfouie ?"

Il écarta son visage du sien, rompant leur baiser. Maureen vint aussitôt se blottir contre son épaule et il ne put déceler le moindre indice dans son expression. Il abandonna sa main et lui caressa doucement les cheveux, en un geste très tendre. "Je ne te bousculerai pas, Maureen, mais j'aimerais comprendre, savoir..."

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