Ateliers du 07/12/2023 : le réel et le fictif, l'exemple de la description des lieux

7 minutes de lecture

Chers Amis bonsoir, pour cet atelier, je reprends ici le commentaire qui a motivé cet atelier :

@Vis9vies@ :

"Dans l'une de ces postface, G. Benford dit avoir repris un carnet de voyage, comme il en fait toujours lorsqu'il part en vacances, et à son retour l'a "augmenté" d'une fiction sf. Et c'est vrai que le côté où il y a des descriptions du pays visité donne une grande profondeur à la nouvelle. La sf est vraiment ancrée dans le réel.
De plus, il précise que, pour une fois, il n'a pas mis longtemps à écrire sa nouvelle ^^
Je trouve l'idée intéressante. Partir d'un écrit non fictionnel, bien documenté, et l'augmenter par tout autre chose. Non seulement on obtient tout de suite du volume, et un volume "sérieux", mais en plus on gagne du temps en écriture et on n'a plus qu'à s'occuper de la partie fictionnelle.
En idée de discussion, si ça intéresse et si ça rentre dans l'atelier, j'aimerai avoir des avis sur comment-pourquoi augmenter un texte.
Mais en laissant de côté l'augmentation telle qu'elle est employée couramment, c'est-à-dire l'ajout de liens, ou la participation directe d'un tiers, comme dans l'écriture à plusieurs mains ou l'illustration graphique."

À titre personnel, cette réflexion de Vis m'a pris du temps car il y a pour moi une évidence à cette pratique, en gros je ne vois même pas comment un auteur peut faire autrement sans se casser la gueule à un moment donné. J'ai pris donc le temps de décortiquer un sujet qui était totalement inconscient pour moi et de voir comment amener cette réflexion à des auteurs qui n'auraient pas forcément pensé à partir du réel pour "augmenter" leur fiction ou l'inverse.
Et pour avoir tiquer sur pas mal de commentaires disséminer ici ou là sur la plate-forme, je me rends compte que ce n'est pas une évidence pour tout le monde cette porosité entre réel et imaginaire, entre vérité et interprétation dans la littérature. Et les exemples que tu cites Lucivar sont tous extrêmement pertinents pour illustrer le propos.
Si les auteurs ont pour la plupart conscience du travail de recherche nécessaire selon le contexte de leur histoire, ils n'ont souvent pas bien conscience de l'importance de leur expérience personnelle. Comme ils ont peu conscience en traitant la réalité que ce n'est déjà plus la réalité.
Et même des textes issus des littératures de l'imaginaire, même des textes aussi stéréotypés que des Marc Levy ou des Musso transpirent de vécu ou de réalité.

Cette non évidence, je m'y suis d'ailleurs heurté en rencontre autour de mes propres romans. Certains auteurs avec lesquels je partageais une table ronde avaient ces mots à mon encontre : "moi, je ne fais pas comme Isabelle, je ne raconte pas d'histoires, je ne fais que du vrai." Je trouvais ça d'autant plus vexant que j'ai dans la tête cette fameuse phrase d'Hemingway que tout auteur doit avoir en tête quand il écrit : "Ecrit la phrase la plus vraie qui soit." Tout ce que je mets dans mes romans est "vrai". Sous forme de métaphore certes, d'onirisme sans doute, mais ça reste vrai.

Alors, entre fiction et réalité où se situe-t-on ?

@Camille F.@ :

Hello Isabelle, pour ma part je suis "entre les deux", même si je ne suis pas sûr qu'au fond il y ait vraiment deux choses. Justement ce qui m'intéresse le plus c'est le fantastique, quand il y a hésitation sur le caractère merveilleux ou non d'une situation, d'un évènement, et donc ce truc en commun entre les deux qui permet qu'il y ait hésitation.
Je me souviens aussi d’un auteur que j’ai découvert assez récemment et que j’adore : Raymond Carver. Par exemple il y a une petite nouvelle où une femme se réveille la nuit dans sa maison de banlieue résidentielle parce qu’elle croit entendre le bruit du portail. Elle sort et elle tombe sur son voisin qui est là, la lampe au front, en train de chasser les limaces dans son jardin. Ils se mettent à causer brièvement d’un peu tout et rien, il y a eu une brouille avec le mari et le voisin aimerait bien se réconcilier… il y avait une petite phrase aussi sur la femme qui voit passer un avion et qui l’espace d’un instant s’imagine à bord, en train de regarder le sol par le hublot, sous une lumière de pleine lune (j’invente peut-être la pleine lune, je sais plus :p). Enfin voilà, une scène qui n’a en soi rien d’exceptionnel mais tout Carver est comme ça, toujours sur le fil pour ainsi dire, le fantastique du quotidien si on veut. C’est exactement ce que j’aime.

@Nuajeux@ :

Déjà catégoriser ce qui est fiction et réalité me paraît dans certains cas difficile... Est-ce qu'il suffit de dire que la fiction c'est l'imaginaire ? Mais les digressions, les non-dits, les tentatives, les aventures en terrain inconnu, les interprétations, l'empathie, les métaphores et je sais quoi d'autre encore ça se met où ? Est-ce que ça en fait partie ?

@Anna Soa@ :

Je suis, comme vous l'aurez constaté, entre les deux. Je viens de la non fiction, de part mon métier, et donc suis très attachée au réel. Je fais bien la distinction entre fiction et réalité. Pour moi, la fiction peut intégrer la réalité, mais pas l'inverse, c'est comme ça que je place le curseur, même si c'est évidemment plus complexe que ça (cf. tous les débats actuels sur le genre, la place du ressenti, etc). J'ai choisi d'aborder ma fiction en m'inspirant de faits réels, c'est ce qui était le plus simple au premier jet, mais comme j'ai tjs été fascinée par le fantastique, que j'ai aussi baigné dans une culture des ancêtres, des sorcières et des esprits, j'ai aussi voulu l'intégrer dans mon récit. L'avantage de la réalité sur la fiction c'est le cadre limité du réel. On ne doit pas déborder donc il est plus facile de faire des choix et d'angler. L'avantage de la fiction sur la réalité c'est la liberté. On fait ce qu'on veut, c'est donc à nous de nous poser nos propres limites, en ça je trouve la fiction plus difficile.

@Lucivar@ :

Déjà une petite question mais je ne vois pas trop le rapport logique entre le fait d'augmenter et étoffer son texte et le questionnement sur le réel et la fiction. Ou alors c'est deux propositions de réflexion séparées ?

Je dirais que je me situe plutôt dans la fiction, dans l'inventé et l'imaginé. Je ne pense d'ailleurs pas qu'il soit réellement possible d'atteindre une parfaite réalité dans un texte qui "raconte" une histoire, de toute manière. Ce n'est pas le role de l'écrivain, je dirais mais plus un travail de journaliste, de chercheur... La réalité peut se vivre ou s'étudier mais à partir du moment où on la romance, elle devient subjective et donc fausse. Un roman national n'est pas une réalité historique. Tout cela est bien compliqué et je ne sais pas si le degré d'ancrage dans l'univers que nous connaissons change quelque chose. Que notre histoire raconte les aventures de hobbits et d'elfes, le voyage d'une fillette du Kansas dans un pays fabuleux, l'invasion de notre monde par des tripodes immunodéficients ou bien le fol amour entre un président français et une princesse de Cardiff, au final, c'est de la fiction.

Et je pense qu'on peut raconter et interroger la réalité par la fiction, et ça sans avoir besoin du réalisme d'ailleurs. Raconter une fable sur une ferme dont les animaux se soulèvent contre l'homme pour vivre en autarcie permet de parler de la réalité tout autant qu'écrire une longue fresque sur l'éveil du syndicalisme et de la conscience ouvrière dans le bassin minier en 1884. Fictions. Est-ce qu'ancrer notre fiction dans le réel change quelque chose ? Je ne suis pas sûr, ou si, ça change des choses, mais tous les rapports et les distances sont aussi intéressantes et riches.

Donc oui, fiction, parce que je ne suis pas journaliste ou chercheur. Ensuite, sur ce qui est d'intégrer le réel à la fiction, ou de placer ma fiction dans un cadre connu pour le dire autrement, ma foi, je peux le faire, ou non, ça dépend de l'envie. J'aime imaginer des mondes différents, d'autres modèles de société pour interroger la notre, mais j'apprécie aussi le coté "référence" du réel, la proximité que cela permet et ce qu'on peut dire dans la perception qu'ont nos personnages fictifs du monde "réel".

Cette distinction fiction réelle est bien plus poreuse même sur des genres très tranchés comme l'autofiction ou la SFF.
Le débat reste ouvert.
^^
Pour le prochain atelier je vous propose de faire d'une pierre deux coups et d'explorer ce principe de réalité fictionnelle ou de fiction réaliste en utilisant déjà ce qui est le plus facile à illustrer : la description, ce qui permettra de travailler aussi sur le principe des descriptions ou comment les rendrent réelles.

Exercice assez simple qui peut concerner un texte existant ou un texte créé pour l'occasion. En gros : cinq lignes max de description d'un lieu. Un lieu que vous connaissez très bien et en parallèle, un lieu qui peut être existant mais où vous n'avez jamais foutu les pieds. Le jeu sera simple : pour le lecteur, deviner lequel est "votre" lieu et lequel est une simple carte postale. Pour l'auteur : fausser les pistes et tromper le lecteur.
5 lignes pour vous forcer à l'essentiel ;-)

Place à vos productions !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Isabelle K. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0