Chapitre 24

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Paris, mercredi 28 mai 2025

Jour J, 19h00

Maxime n’avait pas quinze ans. Son frère veillait sur lui depuis cette soirée du 21 juin où Paris avait été bombardé puis isolé du reste du monde. Ses parents étaient en province à ce moment-là. Lui et son frère ne savaient même pas s’ils étaient encore en vie aujourd’hui. Ils avaient dû apprendre à se débrouiller seuls pour survivre. Antoine, un ami de son frère, avait perdu ses parents dans les bombardements. Ils avaient décidé d’unir leurs forces. A trois ils étaient plus forts. Et son grand frère le lui avait promis, il trouverait un moyen de sortir d’ici.

Maxime avait eu raison de lui faire confiance. Ils étaient aujourd’hui sur le point de quitter ce ghetto qu’était devenu Paris. Ils étaient sur le point de retrouver leurs parents. Et tout cela grâce au jeune homme enfermé dans la pièce juste derrière lui. Il n’avait plus qu’à attendre le retour d’Antoine et de son frère, et ils seraient libres.

Echanger la liberté d’un seul contre celle de trois autres, le marché semblait plus que correct. Maxime n’y voyait aucun mal. Après tout, cette personne qui avait choisi de résister s’était elle-même mise en danger. Elle connaissait les risques et devait bien savoir qu’au fond, tout cela était vain. L’envahisseur avait anéanti notre armée en moins d’une journée, que pourrait bien y changer une bande hétéroclite de civils désarmés ? Rien, Maxime en était convaincu. La France n’était plus et le plus sage était de travailler à sauver sa peau.

Maxime n’était pas très à l’aise dans cette cave sombre et humide, seul avec son prisonnier, un projecteur de chantier sur batteries solaires pour tout éclairage. Mais il fallait bien quelqu’un pour veiller sur leur précieuse monnaie d’échange. Monnaie qui commençait à s’agiter d’ailleurs.

Maxime s’approcha de la porte en fer et posa son oreille contre le métal froid pour essayer de deviner ce que tramait le prisonnier. Il remuait au sol, comme s’il essayait de se déplacer. Mais pour quoi faire ? Il n’avait aucun moyen de sortir de sa cellule. L'unique issue était cette porte fermée à clé depuis l’extérieur. Maxime était le seul à en avoir les clés et il était hors de question pour lui d’ouvrir cette porte. Il écouta plus attentivement : son prisonnier semblait se rapprocher de la porte. « Bam ! ». L'adolescent sursauta et eut un mouvement de recul. « Bam ! » encore. Le prisonnier frappait contre la porte. Mais pour quoi faire ? Il n’y avait aucune chance qu'elle cède.

« Bam ! ». Décontenancé, pris au dépourvu, Maxime tenta de raisonner son prisonnier :

— Mais bon sang, qu’est-ce que vous foutez ?!!

Aucune réponse. « Bam ! ».

— Mais arrêtez ! Ça ne sert à rien, cette porte est bien trop solide et vous allez vous blesser.

Toujours aucune réponse. « Bam ! », suivi d’un « Aaarghh ! » particulièrement sonore.

— Vous voyez ? Vous allez finir par vous faire très mal si vous continuez.

— C’est le but, cracha le prisonnier.

— Quoi, c’est le but ? Qu’est-ce que vous racontez ?! demanda Maxime, complètement perdu.

— Je préfère me fracasser le crâne contre cette porte et crever ici plutôt que de dénoncer mes camarades sous la torture et crever là-bas.

« Bam ! », « Aaaaaarghh !!! ». Son cri était cette fois plus glaçant encore que le premier. Maxime ne savait pas quoi faire. Le prisonnier semblait déterminé à ne pas sortir vivant de sa geôle. Mais le garder en vie était primordial, sans quoi pas d’échange possible, pas de laissez-passer pour la province, pas de liberté retrouvée.

« Bam ! », « Aaaargh ! AAaaah… ». Il fallait trouver une solution, et rapidement. Maxime réfléchissait aussi vite qu’il le pouvait. Il savait que le prisonnier était pieds et poings liés, et que, donc, même sans être enfermé dans sa cellule, il ne représentait qu’une menace extrêmement faible.

Maxime jeta quelques coups d’œil rapides autour de lui. Il restait de la corde non utilisée. Avec ça, il pouvait ligoter totalement le prisonnier et le surveiller jusqu’au retour d’Antoine et de son frère.

« Bam ! », « Aaargh ! », suivi d’une longue complainte. C’était maintenant ou jamais. Maxime courut récupérer la corde et s’approcha de la porte en fer. Il inséra la clé dans la serrure et la tourna. Il entrouvrit délicatement la porte.

Au sol gisait le corps et les jambes du prisonnier, inerte. Sa tête, elle, était toujours dissimulée derrière la porte. Maxime se baissa pour le ligoter. Mais le prisonnier se redressa subitement et Maxime eut à peine le temps de voir sa main fondre sur sa gorge qu’un froid et une fatigue intense l’envahirent. Il voulait lutter mais ne le pouvait plus ; il était déjà trop tard. Lorsque le prisonnier retira son bras, Maxime sentit un liquide chaud, épais, s’écouler le long de sa gorge et se répandre sur son corps tout entier. Il s’effondra au sol. Le visage tourné vers son prisonnier, il vit celui-ci se redresser et s’approcher. Puis sa vue se brouilla et sa respiration se fit plus irrégulière, plus saccadée. Il sentit le prisonnier lui attraper la main pendant qu’il luttait pour avaler une dernière bouffée d’air vicié. Mais bientôt son prisonnier disparut dans l’embrasure de la porte. Maxime se demanda comment il avait fait pour se débarrasser de ses liens. Question à laquelle il n’obtiendrait jamais de réponse. Ses rêves de liberté le quittaient en même temps que la vie. Il ferma les yeux un court instant, pour se reposer.

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