Prologue
Les couloirs du pont supérieur 7 étaient éteints et silencieux. Seuls l'étrange lumière blanche provenant des projecteurs extérieurs jetait sa lueur froide au travers des hublots. Tout était calme ; le Phoenix dormait, ou du moins, la grande majorité de son équipage se reposaient après une longue journée rythmée par divers évènements du quotidien spatial. L'une des chambres du pont 7, cependant, était encore allumée. Assise sur un lit défait, à la seule lumière dorée d'une lanterne flottante, une jeune femme pianotait doucement sur l'écran tactile de son ordinateur. Ses yeux noisette glissaient d'information en information, le reste de son corps ne bougeait pas. Son souffle irrégulier notait un état de stress, mais elle s'efforçait de garder son calme, tout en restant immobile.
La sonnerie de l'émetteur posé à côté d'elle la fit sursauter, et elle le saisit vivement avant de le décrocher. Une voix masculine s'échappa de l'appareil :
« Vicki, ça avance ? demanda-t-elle.
— Les pare-feux et les codes d'accès sont nombreux, souffla la jeune femme en écartant une mèche noire qui lui tombait devant les yeux. Le tuyau que tu m'as donné ne fonctionne qu'à moitié.
— C'est ridicule, gronda l'homme dans l'émetteur. J'ai passé une semaine à fouiner à côté du bureau de Lonford pour pouvoir télécharger les mots de passe.
— Tu es sûr que ce sont les bons ? s'inquiéta-t-elle, les yeux rivés sur l'écran bleuté.
— Evidemment ! siffla-t-il dans le combiné de l'appareil. Tu en es où ? Tu as trouvé le fichier d'accès aux données des machineries ?
— Je cherche, il y en a tellement... Il serait grand temps qu'ils fassent un peu de ménage dans leur bureau d'informations. Attends, Jimmy ? Tu m'écoutes ? J'ai franchi le dernier pare-feu, j'ai la carte de la machinerie 1. Les trois autres sont bloquées par un code que je n'ai pas. »
Elle attendit une réponse de son acolyte, n'entendait que sa respiration au travers de l'émetteur. Son inquiétude grandissait au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient, longues. La lumière de la lanterne faiblit avant de revenir, éblouissante.
« Rejoins-moi à l'étage n°3, devant le bureau de Lonford, ordonna le dénommé Jimmy d'une voix dure. Emporte l'ordi et la clef USB. Fin de la transmission. »
La jeune femme poussa un profond soupir avant de reposer l'émetteur sur son lit. Lentement, elle se leva et ferma l'ordinateur après avoir copié les dossiers. Elle emporta également l'appareil de communication et la minuscule clef USB posée sur son bureau, comme convenu. Elle éteignit la lanterne flottante puis déverrouilla la porte de sa chambre d'une pression du doigt sur le boîtier de reconnaissance digitale. Le silence du couloir se referma sur elle, et elle prit la direction de l'étage n°3.
Elle se glissa jusqu'aux escaliers, plus discrets que l'ascenseur, et descendit les quatre étages qui la séparaient de sa destination. Chaque fois qu'un homme ou une femme de surveillance nocturne passait, elle se plaquait contre le mur, coupant sa respiration. Elle parvint sans autre encombre au lieu de rendez-vous. La forme sombre de Jimmy l'attendait déjà, entre deux murs. Sans prononcer le moindre mot, il lui tendit une cagoule noire, et entreprit d'enfiler la sienne.
« Quoi ? murmura la jeune femme. Ce n'est pas un cambriolage !
— Un peu, quand même, grommela doucement l'homme en mettant des gants. Tiens, prends ça aussi, ils pourraient relever nos empreintes digitales. »
Elle obtempéra à contrecoeur, et, une fois prêts, ils s'approchèrent de la porte du bureau. Une lumière blanche s'en échappait. Son rythme cardiaque accéléra.
« Il est à l'intérieur ! chuchota-t-elle. Si on rentre, on est...
— Ce n'est pas un problème, la coupa Jimmy. J'ai modifié les caméras de son bureau pour qu'elles indiquent qu'il n'y a personne. J'ai tout prévu... »
À ces mots, il déverrouilla la porte et, avant même que Neil Lonford ait pu réagir, il pointa un pistolet à dards et tira sur le commandant. Le corps percuta le sol en même temps que la porte se refermait sur le passage des deux voleurs. Jimmy se précipita sur l'ordinateur et entreprit de chercher les codes.
« Victoria, si tu pouvait cacher notre ami sous le bureau, tu serais un ange », fit-il, courbé sur l'écran.
La jeune femme acquiesça et, délicatement, souleva le corps assoupi du commandant Lonford. Elle ouvrit le large tiroir qui se trouvait sous le bureau et poussa l'homme endormi à l'intérieur. Ses muscles tremblaient encore, sous le choc. Elle secoua la tête pour se ressaisir, et s'approcha de Jimmy.
« C'est bon ! s'exclama-t-il, triomphant. J'ai trouvé les mots de passe pour les machineries 2, 3 et 4. À toi de jouer, petit génie. »
Victoria copia les données sur la clef USB, puis l'inséra sur son propre ordinateur, avant d'entrer les codes. Les trois cartes manquantes s'affichèrent bientôt.
« Je suis en mode opérateur, j'ai accès à toutes les machines, souffla-t-elle, soudain grisée par l'importance de la chose. Cela signifie que je peux contrôler tous nos appareils qui...
— Comment ce fait-il que Lonford possèdait un tel accès ? demanda brusquement son complice.
— Eh bien, je l'ignore, soupira Victoria. Ce n'est pas très important, pour l'instant, il nous faut trouver le défaut. Je lance la recherche d'anomalies. »
Une barre de chargement apparut à l'écran, et un voile rouge parcourut la première carte, puis la seconde. Les deux voleurs avaient les yeux rivés sur l'écran, leurs coeurs battaient la chamade. Plus les minutes passaient, plus le problème pouvait devenir important.
« Aucune anomalie détectée, énonça la voix de l'ordinateur, tandis que l'écran redevenait bleu.
— Comment est-ce possible ? s'étrangla Jimmy, ses mains gantées pinçant le dossier du siège. Ca fait plusieurs mois qu'on est là-dessus, le problème vient forcément des machineries, sinon, qu'est-ce que ça pourrait être ? La quantité de gaz dans les turbines est normale ? Les réacteurs sont bien nettoyés ? »
Quelques clics, et Victoria avait basculé sur les caméras du centre de contrôle, où l'on voyait des commandants et quelques mécaniciens s'affairer. Ses sourcils s'arquèrent, et elle se tourna vers Jimmy, qu'elle dévisagea un instant.
« Ca ne vient pas des machineries, souffla-t-elle. C'était là depuis le début.
— Qu'est-ce que tu veux dire ? s'écria-t-il. Les informations qu'on nous a donné étaient fausses ? Pourquoi ça ne vient pas des machines ?
— On nous a menti. Le Phoenix est condamné, Jimmy. Il y a un saboteur à bord. »
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