John et Angel s'étaient installés sur une des tables du bar.
Le bras passé derrière la banquette rouge, le barman finissait de raconter son anecdote. La jeune femme, assise en face de lui, pouffa en reposant son verre.

- Et c'est comme ça que tu es mort ?
- Eh oui, confirma-t-il, si le talkie-walkie avait marché et qu'il ne m'avait pas tiré dans la tête, je ne serais pas là pour discuter avec toi.

Il poussa un soupir et rajouta :

- Je me souviens que je m'étais ruiné pour acheter un gilet pare-balles.
- Oh ce sera un peu moins d'argent dans ton testament. D'ailleurs tu as des enfants ?
- J'en ai pas et tant mieux ! J'aurais été beaucoup trop occupé pour être un bon père.
- Occupé à quoi ?

Quand le visage de John s'assombrit, Angel songea sérieusement à lui demander d'oublier sa question. Malheureusement, il prit la parole avant elle :

- J'avais une grande sœur fantastique. C'était une femme coriace, déterminée, courageuse et avec un sens de la justice tout à fait remarquable. Elle a suivi le chemin de mes parents, deux détectives assassinés alors que je n'avais que quatorze ans.

Ses poings se serrèrent alors qu'il détournait le regard.

- Elle a fini de la même manière.
- Et ses meurtriers n'ont pas été punis ?
- Affaire dissimulée par le chef d'entreprise qui avait commandité les trois assassinats. Apparemment, il n'aimait pas trop que ma famille vienne fouiner.
- Et ce qui te prend autant de temps c'est de les venger, c'est ça ? Comment avais-tu décidé de le tuer ?
- Je ne le tuerais pas : je veux le détruire.

Angel nota le temps qu'il avait utilisé mais ne souleva pas.

- Je trouverais tous les détails croustillants qui ont valu leurs vies. Je les exposerais au grand jour et la justice le punira.

« Pourquoi je parle au futur ? C'est fini maintenant ! J'ai perdu et il a gagné »

Cette horrible pensée s'imposa dans son esprit et il eut envie d'asséner de violents coups sur la table. Toutefois, il se retint. Ce n'était pas en cassant du mobilier qu'il reviendra à la vie.
Il fallait vite qu'il change de conversation pour se calmer.

- Et sinon, ça se passe bien ?

Devant le regard perdu de la jeune femme, il précisa :

- Je veux dire le boulot tout ça tout ça. D'ailleurs tu ne m'as pas dit ce que tu faisais.
- Je suis une archange.

Il poussa un petit sifflement.

- Eh bien, je ne discute pas avec n'importe qui.
- Oh tu sais, c'est plus chiant qu'autre chose, lâcha-t-elle en appuyant sa joue sur sa main.

Son regard plongea dans la boisson verte qui restait dans son verre.

- J'ai tellement de paperasse que je pourrais remplir une pièce entière avec. Vu mon nouveau statut, je dois faire attention à mes moindres faits et gestes parce que je dois être un exemple pour tous les autres anges. En plus, les archanges sont tellement ennuyeux !
- Alors pourquoi as-tu voulu devenir une archange ?
- Je n'ai pas eu le choix ! Je suspecte même mon père de les avoir poussé à me prendre. Histoire que je me mette à respecter leurs règles idiotes et que je devienne enfin la fille "parfaite".

Elle finit son cocktail avant de rajouter :

- Mais il est hors de question que je devienne aussi chiant qu'eux.