Chapitre 1 : Le chasseur solitaire.
Terra Zêta 11 ; An 21 400
Zack se réveilla en sursaut au beau milieu de la nuit. Encore ce cauchemar, celui qu'il faisait depuis quinze ans maintenant. La vision. Non, le souvenir de milliards de points nitescent anéantissant la vie, alors que lui, à sept ans, se demandait par quel miracle il avait échappé à ça. Dans son studio miteux, il pouvait sentir l'odeur de la moiteur de ses draps dans ce petit espace confiné. Pourtant, il ne faisait pas si chaud que ça, mais il avait transpiré comme à chaque fois qu'il faisait ce mauvais rêve.
Il tenta de se rendormir, mais rien à faire. Il n'y arriverait pas, même s'il le voulait. Il se leva, fit couler du café tout en allant prendre une douche. Face à son miroir, tandis qu'il se séchait, il pouvait les voir. Plusieurs cicatrices dues à des impacts de tir de plasma et brûlures de laser, ainsi que d'anciennes coupures. Témoignage de son enfance, de sa vie passée ? Non. Celui de son présent, du métier qu'il avait choisi. Zack était chasseur de prime. C'était très dangereux, mais au moins ça avait le mérite d'être légal. Inscrit à la guilde afin de ne recevoir que les offres impériales, il n'hésitait pas à accepter tous les contrats disponibles. Selon la rumeur, il était possible de rencontrer l'empereur en se faisant remarquer par un nombre important de missions réussies.
Un grand honneur, mais dont il était bien loin. Pas facile pour un débutant comme lui de faire mieux que des vétérans chevronnés. En plus, il avait tendance à prendre trop de risque, réduisant ses chances en augmentant celles d'y laisser sa peau, bien qu'il avait du mal à se trouver la moindre raison de vivre en dehors de son objectif. Beaucoup de contrats nécessitaient la coopération de plusieurs chasseurs de primes, et lui il n’aimait pas ça. Il préférait faire cavalier seul, et qu'on lui foute la paix. Il fut surpris dans ses pensées par un droïde messager, remis à chaque membre de la guilde.
- Monsieur, une nouvelle offre vient de tomber.
- Montre-moi ça.
- Vous risquez d'être surpris.
- Big Brother Bryan, dit « le parrain fourbe », rien que ça ? Là, on est sur du lourd !
- Il va y avoir de la concurrence vu le montant de la récompense. Et beaucoup de danger avec un gros poisson comme lui.
- Pas grave, ça m'arrange. J’avais presque plus un rond en poche. Ça va faire du bien une prime pareille.
- Je dois quand même vous dire que le contrat est un peu spécial...
- C'est à dire ?
- C'est il y a une close d'assassinat de la cible obligatoire. Apparemment, les autorités impériales sont bien décidées à se débarrasser de lui.
Sans blague, il y avait quoi de surprenant là dedans ? Ce type était l'une des pires pourritures du système Zêta. Trafique d'arme, de drogue et d'enfants. Et pourtant il échappait sans cesse à la justice. Les preuves ? Suffisamment pour le faire condamner à mort plusieurs fois. Mais il s'en sortait toujours, les preuves et les témoins disparaissant souvent avant le procès, voir même pendant pour le dernier en date. Ce n’est pas pour rien qu'on l'appelait « le fourbe ». Il savait sans doute graisser les bonnes pattes, mais là encore, pas moyen de remonter la piste. C'est ainsi qu'il s'en sortait toujours. Mais pas cette fois. Avec une telle prime et autant de monde derrière son cul, il allait y rester pour sûr. Seulement, qui lui collerait un tir de blaster dans la gueule ? Zack espérait bien être cette personne.
Il se prépara longuement pour cette mission. Les gardes du corps seraient sûrement nombreux à défendre le parrain Bryan. Il s'équipa de deux armes légères, d'un couteau énergétique, d'un gilet pare-laser. Surtout, il n'oublia pas l'un de ses plus fidèles alliés : ses lunettes de visées à scanner. Bien qu'il aurait été moins facile à repérer par astrotramway, il préféra tout de même son bon vieux chasseur. Facile de se tirer avec si ça tournait mal. Et contrairement au port d'arme dans les transports en commun, c'était tout à fait légal de se déplacer avec tout son équipement, car son vaisseau était immatriculé à la guilde.
La nuit tombée, il s'assit dans son cockpit, alluma son engin et décolla. La cible était facile à trouver, elle ne se cachait même pas. Se croyant intouchable, Le Big Brother avait sa résidence en plein dans les quartiers d'affaires. Zack s'y dirigea sans attendre, chaque seconde comptait pour empocher la récompense. Il ne mit pas longtemps à en avoir la confirmation. Deux transporteurs légers le dépassèrent sans ralentir, sans se soucier de lui rentrer dedans. Putains, ils avaient appris à piloter où ces cons-là ? La question n'était pas là.
Zack accéléra, ne voulant pas se faire doubler sur ce contrat. Il laissa son vaisseau à distance du bâtiment, et s'engagea à pied dans la zone. Une fois arrivé, il évita soigneusement l'entrée principale. Il misait sur un boulet qui tenterait de passer en force pour obtenir une ouverture. Ça n'aura pas mis longtemps à péter. Un groupe ayant décidé de bosser en équipe défia la sécurité dans une fusillade. Lui, emprunta l'accès réservé au personnel en utilisa une grenade électrochoc pour neutraliser discrètement le service d'ordre.
Début d'infiltration réussi. Tout se passait à la perfection pour l'instant. Il progressait avec prudence, rasant les murs, vérifiant chaque angle avec un miroir. Après plusieurs intersections, il se retrouva bloqué par un barrage de tir. Il avait négligé la précision des caméras de sécurité. Et merde ! Ils faisaient ceux de dehors ? Pas foutu d'occuper les gardes, et ça se dit chasseur de prime professionnel ?
Bien qu'il se soit mis à couvert, les lasers fusaient autour de lui. Les adversaires, bien plus nombreux, ne lui laissaient pas l'occasion de riposter. Mais Zack était loin d'avoir usé de toutes ses ressources. Il utilisa un leurre, et s'éclipsa par les escaliers de secours. Il savait qu'il ne mettrait pas longtemps à être poursuivi. Du coup, il se permit de déposer quelques mines derrière lui en guise de cadeau. Il n'aimait pas faire de victime inutile, mais pas le choix. Les types à ses trousses étaient aussi collants qu'une épouse jalouse.
Plusieurs explosions lui suffirent à comprendre qu'il n'avait que peut d'avance. Il passa la première porte qu'il trouva, mais laissa un hologramme induire en erreur ses ennemis. Pari réussi, un peu de temps pour souffler. La discrétion n'étant plus d'aucune utilité, il fonça à travers les différents couloirs sur son chemin, essuyant des tirs qui le frôlèrent de part en part. Encore des coupures et des brûlures à rajouter aux autres. Au moins, il parvenait à progresser, ce qui énervait ses poursuivants.
- Bordel ! Vous foutez quoi ? Vous n'allez quand même pas laisser un morveux seul se balader ici aussi facilement !
- On fait ce qu'on peut, mais ce connard arrive à chaque fois à nous filer entre les doigts de justesse !
- Il a beau avoir le cul bordé de nouille ça va pas durer. On va le coincer plus haut. Ne relâchez pas la pression !
Ils n'allaient donc pas lui foutre la paix à la fin ? C'est qu'il avait une ordure à buter lui. Il continua sa course frénétiquement, mais un détail commençait à le perturber. Bien qu'on le traque toujours, les tirs semblaient moins précis. Tant mieux, il put aisément atteindre l'ascenseur droit devant lui. Une fois dedans et les portes fermés, il essaya tous les étages tout en restant bien à couvert à l'intérieur. Une dizaine d'arrêts inutiles et trois embuscades plus tard, il arriva enfin là où il le voulait. Mais aussi où il était le plus attendu.
Il se fit immédiatement cueillir par un feu continu sans pouvoir réagir, et ce ne fut pas que lui. D'autres chasseurs de primes, parmi les rares ayant survécu jusque là, subirent le même sort. Pourquoi était-il le seul à être encore en vie ? Il ne le savait pas. Peut-être avait-il une bonne étoile au-dessus de lui, tout comme il y'a quinze ans. Sauf que là, il risquait de ne pas voir le jour se lever. Chez les mafieux, l'ambiance s'était rapidement détendue après avoir fait un tel carton.
- Il y en a encore un en vie. On en fait quoi boss ?
- Vous vous foutez de ma gueule? De tous ceux qui sont venus pour me descendre, c'est cet amateur qui s'en tire le mieux ? Soit, vous me le rafistolez, et vous me le bourrez d'implants de soumissions.
- Bonne idée, on va pouvoir s'en faire un serviteur.
- Non, lui vous me le vendez, et au meilleur prix possible. Pas question de prendre le risque d'attirer plus de chasseurs de prime en exhibant l'un d'eux en public. Pas de preuve, pas d'emmerde. C'est ma règle d'or.
Sérieusement ? Zack pissait le sang, il était à peine encore conscient, et il sentait déjà le froid glacial de la mort engourdir ses membres. Ils ne pouvaient pas l'achever, ou au moins le laisser crever en paix ? Apparemment non, puisqu'on s'affairait autour de lui pour l'examiner, pour estimer qu'on pouvait tirer de lui. Ce fut alors qu'il eut la preuve qu'on veillait sûrement sur lui depuis quelque part. Les crapules furent décimées en quelques secondes, n'ayant pas vu venir le coup.
Le Big Brother était le dernier debout, mais il suppliait désormais pour sa vie. Ce type qui en avait tant ruiné, comment pouvait-il croire qu'on l'épargnerait ? Un droïde pour filmer, une mise en scène d'exécution publique, les individus rendirent eux-mêmes une justice pour laquelle on était prêt à payer très cher. Ça ne ramènerait pas les victimes, mais il n'y en aurait pas plus à cause de lui.
Le groupe de chasseur s'intéressa alors à son cas. Eux aussi ils n’allaient pas lui laisser le luxe d'en finir vite ? À croire que l'univers tout entier s'était ligué pour le voir agoniser et mourir à petit feu. Ceux-là, quel sort lui réservaient-ils ? Pas moyen de le savoir, mais ils semblaient bien s'amuser de la situation.
- Capitaine ! Lui il n’a pas l'air de vouloir passer l'arme à gauche.
- Par contre il est dans un sale état. Vous croyiez qu'il a une chance de s'en sortir ?
- Peut-être. En tout cas, s'il y a bien une personne qui peut trancher la question, c'est Corryna. Appelez là, et dites-lui de rappliquer en vitesse. C'est un ordre.
- Message bien reçu. Vous ouvrez les paris sur son sort ou je le fais ?
- C'est moi le capitaine ou pas ? Bien sûr que je lance les enchères. Celui-là, il serait bien capable de nous claquer entre les pattes. Mais je mise quand même sur le contraire.
Parier ? Claquer ? Corryna ? Putain, c'était quoi ce délire ? Il n'arrivait même pas à savoir qui parlait. Des voix d'hommes, celle d'une femme. Tous débattaient de sa mort comme d'un jeu. Que ça finisse vite, par pitié. Merde ! Merde. Merde...
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