Chapitre 15 : La censure de Réminiscence
Dinaë était une petite ville paradisiaque située sur la côte de l’un des continents d’Ordensis. La ville était connue sur toute la planète pour son charme pittoresque et sa qualité de vie tropicale. Derrière la cité aux murs blancs et bleus, la forme d’un volcan endormi se dessinait dans l’arrière-pays envahi par la jungle luxuriante.
Adallia et Kaïlye, qui avaient emprunté une navette à gravitation pour se rendre à Dinaë et y passer un week-end, déambulaient dans les allées d’un marché aux fruits. L’ambiance était chaleureuse et on voyait que les produits de la région étaient de très bonne qualité. Le soleil tapait fort à cette heure-ci, et les bâches des tentes sous lesquelles les étals avaient été placés apportaient un peu de fraîcheur.
Soudain, le connecteur d’Adallia se mit à clignoter.
— Mince ! fit la jeune femme, un peu désemparée en regardant son poignet. Le bus part dans quelques minutes...
— Je croyais qu’on avait encore du temps devant nous !? s’exclama Kaïlye, bousculée.
— Faut croire que non...
— Ok, on prend des fruits et on fonce à la station, dit Kaïlye d’un ton déterminé.
Les deux amies payèrent deux sacs de petites baies ovoïdes dont la peau était recouvertes d’épines et s’empressèrent de courir à travers les allées du marché. Suant à plein régime, elles parvinrent jusqu’à une place dominée par l’hôtel de ville doté d’un clocher en airain.
— C’est par où ? demanda Adallia.
— C’est tout droit, répondit instantanément Kaïlye en désignant une zone en direction de la mer.
Sous un soleil de plomb, les deux amies traversèrent à toute allure la place et s’engagèrent dans un dédale de rues où les bâtisses étaient parfois embellies par de magnifiques décorations florales.
Plus loin, elles tombèrent sur le front de mer où s’élevaient des statues en hommage aux fondateurs de la ville. Près d’une route qui longeait la zone, plusieurs bus étaient parqués ensemble, en attente de partir pour rejoindre les différentes aires de l’île.
Adallia et Kaïlye piquèrent un sprint final pour atteindre celui qui les mènerait à leur destination. Essoufflées et la sueur perlant à grosses gouttes sur leurs visages, elles s’immobilisèrent un instant à l’ombre d’une rangée de palmiers qui longeaient la route. Le bus n’était en effet pas encore parti et le chauffeur tapait la causette avec d’autres locaux.
— Ha... ha...ha....ha... gloussa Kaïlye tout en haletant, j’avais oublié que dans le coin ils n’étaient pas pressés. On aurait pu y aller en marchant si ça se trouve.
— On aurait pu surtout acheter plus de fruits pour ta tante si on avait su, répliqua Adallia, courbée, les mains posées sur les genoux pour tenter de reprendre son souffle.
— Nan, te n’inquiètes pas, ça fera très bien l’affaire. C’est assez lourd comme ça. Ma tante adore ces fruits, et elle sera ravie de nous voir.
Adallia et Kaïlye profitèrent d’un moment de répit pour reprendre leurs forces. Reposées, elle se dirigèrent vers le bus dans lequel montaient des voyageurs désirant rejoindre le Village d'Illys. Ce dernier était situé sur un plateau au nord-est, bien après le volcan. La tante de Kaïlye, à la retraite depuis un grand nombre d’années, y écoulait des jours paisibles. Adallia ne l’avait jamais rencontrée et était contente de pouvoir faire la connaissance d’un membre de la famille de sa meilleure amie. D’autant plus que Kaïlye l’avait averti que la vieille femme était une mine de savoirs et qu’elle serait probablement intéressée par ses recherches sur les Cyborgs.
En réalité, il fallait bien cela après les disputes entre les deux jeunes femmes au sujet de ce qu’avait révélé Kendar Wo-Cysbi et de sa proposition de l’accompagner sur Koutcha. Kaïlye était particulièrement méfiante de l’enquêteur et s’inquiétait que son amie pût partir aussi loin. Cependant, Adallia avait repensé à ce que BIDI-O lui avait dit à propos de ses motivations de recherche et de l’énergie commune. Elle s’était dit que l’Androïde avait raison, et qu’au fond, elle avait l’impression de participer à quelque chose de plus grand. BIDI-O semblait par ailleurs porter beaucoup d’intérêt à la peinture de Koutcha depuis qu’il l’avait vue la première fois. La signification du symbole chimérique et de son lien possible avec une concience cybernétique l’intriguait au plus au point, et Adallia ne fut donc pas étonnée de son soutien. Mais pour éviter de se brouiller avec Kaïlye, le petit robot l’avait surtout encouragé en douce.
Petit à petit, l’éventualité de partir avait donc commencé à germer dans l’esprit d’Adallia. À ce sujet, Yu Kiao se souciait également de ce qui pourrait arriver à Adallia et était beaucoup plus réservé. Mais voyant chez la jeune femme l’intérêt grandissant qu’elle manifestait à creuser sur cette étrange affaire de « vie cybernétique », il avait évoqué l’idée de demander un programme de recherche auprès de l’Académie. Celui-ci permettrait à Adallia à la fois de financer son voyage et d’obtenir un aval officiel et scientifique. Ensemble, la jeune femme et son directeur s'étaient penchés sur la constitution d’un dossier qui devrait être soumis au comité d’évaluation se réunissant à la fin de la période académique. Et au moment où Adallia s’était retrouvée harassée par la charge de travail, Kaïlye lui avait proposé de se rendre à Dinaë pour décompresser et rencontrer sa tante. Adallia avait cédé aux supplications de son amie, se disant qu’elle en avait sûrement besoin et que ce serait l’occasion de se réconcilier.
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Confortablement installées sur leur siège, les deux jeunes femmes attendirent encore un long moment avant que le chauffeur du bus ne se décidât à démarrer, bien au-delà de l’heure prévue. À l’intérieur, il n’y avait pas foule, seuls quelques autres passagers étaient présents, tous des habitants de la région. Les quartiers de la ville défilèrent sous les yeux des deux amies. La cité, parfaitement entretenue, à l’image du monde sythec, dégageait une atmosphère vivifiante, renforcée par la mer d’un bleu azur.
Une couche épaisse de vert vint ensuite se profiler à l’horizon lorsque leur transport bifurqua en direction de l’intérieur des terres. Le bus s’engouffra, aux côtés de quelques autres véhicules, dans la jungle exotique, sublimée par la présence massive du volcan éteint non loin de là.
Adallia se sentait bien. Elle laissa le vent rentrer par la fenêtre et venir lui caresser le visage. La jeune femme avait l’impression d’être en vacances et de pouvoir se prélasser comme si elle avait été enfermée dans un lieu clos depuis trop longtemps. Elle savait que quitter l’environnement de l’Académie lui ferait du bien. Après plusieurs semaines de stress, elle avait tout d’un coup l’impression d’être plus légère et apaisée.
À mi-parcours, au moment où la route commençait à grimper de plus en plus sinueusement en direction d’un plateau, Kaïlye reçut un appel sur son connecteur et se pencha sur le côté pour converser et ne pas gêner son amie. De toute manière, Adallia était trop occupée à admirer le surprenant paysage qui s’offrait à elle.
Les Sythecs avaient préservé la biodiversité environnante grâce à des tunnels tridimensionnels de protection qui évitaient que les infrastructures sythecs ne dérangeassent la faune locale. De l’intérieur, il était possible de voir la jungle, mais de l’extérieur, les animaux ne percevaient pas la route et croyaient avoir affaire à un monticule de terre naturel. Les images tridimensionnelles qui étaient projetées à l’extérieur reconstituaient une voie de passage pour eux tandis que les sons provenant de l’intérieur du tunnel étaient absorbés par un système acoustique. Il n’était ainsi pas rare de voir des animaux assis sur la surface du tunnel, donnant l’impression de stagner dans les airs.
Kaïlye se redressa sur son siège lorsqu’elle eût fini de discuter. Adallia, qui jeta un coup d’œil dans sa direction, vit que sa comparse était soucieuse.
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Hein ?... Non, rien...ça va, tenta de dissimuler Kaïlye.
— Non, ça ne va pas. Je le vois bien, dit Adallia en lui souriant pour la réconforter.
— Je ne veux pas t’embêter, on est là pour profiter.
— S’il y a quelque chose qui te tracasse, tu devrais le partager.
Un peu hésitante et grimaçante, Kaïlye se décida à lui dire :
— C’était Sihryme. En fait je lui ai demandé de faire une recherche pour moi, expliqua-t-elle.
Adallia s’étonna que Kaïlye parlât tout d’un coup de l’archiviste dont elle n’avait plus eu de nouvelles depuis pas mal de temps déjà.
— Euh... Désolé, mais j’ai du mal à suivre. Vous êtes encore ... ?
— Oui et non, répondit Kaïlye qui avait parfaitement deviné la question. On s’était disputé. Il n’arrêtait pas d’essayer de me rappeler, alors je lui ai demandé un service pour qu’il se rattrape...
Adallia, qui avait l’habitude des sautes d’humeur de son amie avec les garçons, ne voulut même pas chercher à comprendre l’objet de leur brouillerie et questionna plutôt :
— Tu lui a demandé quoi au juste ?
— Je ne t’en avais pas parlé, car je ne savais pas comment tu réagirais. Je lui ai dit de regarder dans la bases de données du Centre des sciences cybernétiques pour voir s’il y aurait quelque chose au sujet de l’Assegaï dont ton enquêteur t’a parlé.
— Tu veux parler de S-arn, c’est ça ? interrogea Adallia qui était surprise de voir que Kaïlye s’était focalisée sur ce point.
— Oui, c’est de lui dont je parle. Sihryme m’a dit que son nom apparaissait bien dans des documents verrouillés de la Confédération.
En réalité, Adallia n’en voulait pas à Kaïlye d’avoir agi sans son consentement. Étrangement, elle était surtout un peu jalouse que Kaïlye fût encore avec l’archiviste et qu’elle pût lui demander ce genre de service.
— Comment Sihryme peut-il le savoir s’il n’a justement pas accès à ces documents ? finit par s’enquérir Adallia.
— BIDI-O l’a aidé à déverrouiller et à analyser les fichiers, répondit Kaïlye, un peu gênée puisqu’elle savait que c’était illégal.
— Et... les documents disent quoi ? demanda Adallia, à la fois curieuse et en même temps un peu inquiète de ce qu’elle pouvait apprendre.
— Pas grand-chose à vrai dire. Ce sont des notes destinées aux représentations diplomatiques qui demandent d’alerter les autorités si cet Assegaï est repéré à l’intérieur de la Confédération.
— Cela fait écho à ce qu’ont dit l’enquêteur et Yu Kiao : apparemment, ce Cyborg se serait rendu dans des systèmes de la Confédération en raison du projet sur la « vie cybernétique ». Ces notes n’ont rien d‘étonnant.
— Oui, mais... je m’inquiète quand même. C’est peut-être dangereux.
— Kendar Wo-Cysbi m’a informé que tout ce qu’il m’avait dit était confidentiel. T’en avoir parlé est déjà dangereux, ironisa Adallia.
Même si Kaïlye esquissa un rictus amusé, Adallia voyait bien qu’elle n’en était pas pour autant rassurée et lui dit :
— Ne t’inquiète pas, je fais cela avant tout dans le cadre de mes recherches.
— Je sais, mais ni cet enquêteur ni ce Cyborg ne m’inspirent confiance. Il y a sûrement des enjeux politiques derrière tout ça.
— Dis-moi à quoi tu penses exactement, exhorta Adallia qui pressentait autre chose.
Kaïlye hésita avant de confier :
— La dernière fois, Yu Kiao nous a informé que la Confédération s’inquiétait de l’accélération de la transrobotique des Androïdes. Et comme tu le sais, BIDI-O et moi travaillons depuis quelques temps sur des longueurs d’ondes à l’échelle quantique.
— Oui, et ?
— Eh bien, les analyses que nous avons réalisées au Centre révèlent que ces ondes pourraient être à l’origine du principe d’instabilité. Elles altèrent la conscience des Androïdes lorsqu’ils expérimentent certaines fonctions de la transrobotique.
— Les réalités virtuelles ne permettent-elles justement pas de limiter l’impact du principe d’instabilité sur la mémoire de BIDI-O ?
— Dans une moindre mesure si, mais les Androïdes ne sont pas conçus pour capter de telles ondes à l’échelle quantique. Et plus leur capacité augmente à les percevoir, plus il devient techniquement difficile de contenir leur instabilité. C’est pour cela que BIDI-O a des soucis malgré ses progrès à pratiquer la démultiplication des corps.
— Mais quel rapport avec ce que Yu Kiao nous a révélé sur les inquiétudes de la Confédération ?
— Ces ondes rendent instables les Androïdes. Mais les Cyborgs, eux, savent probablement mieux les manipuler ; ils pourraient très bien s’en servir pour exercer une influence sur les Androïdes de la Confédération.
— C’est une supposition. En réalité, on ne connaît pas vraiment les intentions de l’École des Théoriciens.
— C’est vrai, mais il faut rester prudent, surtout si les Cyborgs se sont rapprochés de certains Humains. Et on ne sait pas grand-chose non plus sur ton enquêteur. Je ne veux pas qu’il t’entraîne avec lui sur un terrain qui n’est pas le tien.
— En fait, il y a des choses que je sais sur « mon enquêteur » comme tu dis. Je suis étonnée que tu n’aies pas fait de recherches sur lui aussi, rétorqua Adallia.
— En réalité si... mais je n’ai rien trouvé, avoua Kaïlye en grimaçant à moitié.
— C’est Yu Kiao qui m’en a parlé en privé, révéla à son tour Adallia. Il s’est renseigné auprès de contacts à lui au sein du gouvernement planétaire d’Ordensis.
— Et qu’est-ce qu’il t’a dit ?
— Apparemment, ce Kendar Wo-Cysbi n’a pas toujours été enquêteur au sein du Bureau des affaires cybernétiques. Avant de diriger une cellule spéciale pour surveiller l’activité de l’École des Théoriciens, il était dans l’armée, en charge de la Sécurité aux frontières.
— Ce que tu dis me rassure encore moins... lui rétorqua Kaïlye, d’un air renfrogné. Généralement, les militaires de la Sécurité aux frontières s’occupent d’imposer l’autorité de la Confédération aux systèmes récalcitrants.
— C’est probablement en travaillant là-bas qu’il a dû rencontrer des Cyborgs, fit Adallia en ignorant la remarque précédente et en pensant à la main partiellement robotisée de Kendar Wo-Cysbi.
— Oui, et on dirait bien que cet enquêteur part de nouveau à la chasse, relança Kaïlye. Sauf que dans le cas des Cyborgs, c’est un jeu dangereux, et vous pourriez bien devenir les proies.
— Mais moi, je ne vais pas à la chasse aux Cyborgs ou me faire chasser par eux ! J’ai seulement besoin d’aller sur Koutcha pour rencontrer un antiquaire et discuter avec lui. C’est tout !
La dernière phrase d’Adallia imposa un silence entre les deux jeunes femmes. Un de ces silences qui suivait toujours une dispute et qui préconisait de ne pas surenchérir sur l’objet du désaccord.
— À ce propos, fit remarquer Kaïlye en essayant d’adopter une voix posée, tu as communiqué avec cet antiquaire à propos de son article ?
— Oui, répondit Adallia, également sur un ton plus doux. Grâce à son nom, j’ai pu trouver son contact sur le réseau de la Confédération. Je lui ai demandé s’il était disposé à ce qu’on puisse en discuter.
— Et il t’a répondu ?
— Non, pas encore. Mais je pense qu’il a dû le recevoir, car les canaux de transmission interstellaires entre Ordensis et Koutcha sont bien reliés. Peut-être que sa réponse est même déjà en route.
Adallia regarda sa messagerie sur son connecteur pour vérifier. Elle s’aperçut qu’elle avait reçu un message plus tôt dans la journée et qu’elle ne l’avait pas ouvert. Le libellé du message indiquait « Article - Existe-il un courant cybernétique ? – Réponse Kumara Jiva ».
— C’est l’antiquaire... formula Adallia, l’air hésitant. Il m’a répondu.
— Tu es sûre de vouloir l’ouvrir maintenant ? formula Kaïlye, dépitée de voir que cela tombait au plus mauvais moment. On ferait mieux de profiter de notre escapade ici. J’aurais mieux faire de ne pas parler de tout ça...
Adallia était tiraillée entre son envie de regarder le message et le conseil de son amie de l’ignorer. Maintenant qu’elle avait reçu une réponse, sa curiosité était de nouveau attisée. De plus, la jeune femme savait que si elle ne l’ouvrait pas, elle y penserait toute la journée.
Adallia ordonna vocalement à son connecteur de faire apparaître le message et le lut à voix haute :
« Chère Mademoiselle Nalanda,
Je vous remercie tout d’abord pour votre message dithyrambique concernant mon article publié dans la revue Réminiscence il y a de cela plusieurs cycles. Je me réjouis de savoir que celui-ci vous a beaucoup intéressé pour vos recherches et je comprends parfaitement que vous vouliez savoir quel rôle précis joue l’art chez les Cyborgs de Koutcha.
Je serais, bien évidemment ravi et disposé à en discuter par visio holographique en respectant le décalage spatio-temporel ou sur place si vous aviez la possibilité de venir. Je me tiens donc à votre disposition pour toute information complémentaire et vous prie de bien vouloir me tenir au courant de ce qui vous conviendrait le mieux de faire.
Pour terminer, et dans l’attente de votre réponse, je me permets de vous poser une question qui m’interpelle depuis la réception votre message. En effet, le numéro de Réminiscence dans lequel j’ai publié mon article, et consacré à Koutcha, a été interdit de diffusion sur les canaux de la Confédération.
Pour autant que je sache, la raison qui a conduit à cette censure est que le Gouvernement central a décrété une nouvelle législation sur le traitement des informations liés au échanges cybernétiques. Je n’en connais malheureusement pas les modalités d’application, mais suis agréablement surpris que vous ayez pu accéder à mon article et en même temps, curieux de savoir comment vous avez procédé.
En espérant pouvoir vous rencontrer bientôt et dans l’attente de votre réponse, je vous souhaite une bonne continuation,
Cordialement,
Kumara Jiva,
Antiquaire, cité de Scaracande, Koutcha,
Mission de collaboration culturelle intragalactique (MCCI)
Membre d’honneur du Club des antiquaires de la Confédération. »
À la lecture du message, les deux amies s’échangèrent un regard circonspect. Il s’agissait d’une bonne nouvelle, car l’antiquaire avait répondu positivement à Adallia et avec beaucoup de courtoisie, mais sa dernière remarque laissait un peu perplexe.
— Est-ce que c’est possible que le Centre des sciences cybernétiques ait récolté des données censurées ? interrogea Adallia.
— J’imagine que oui... répondit Kaïlye, un peu incertaine. Après tout, Sihryme vient de me parler de fichiers verrouillés.
— Pourtant, des fichiers verrouillés et des fichiers censurés, ce n’est pas la même chose ; les premiers sont accessibles à un type de personnes et les seconds sont juste interdits.
— Peut-être que la revue ne l’était pas pour le Centre. C’est souvent plus souple dans le cadre académique et c’est pour cela qu’on a beaucoup de données. Elles ont été probablement compilées et mélangées avec d’autres documents, expliqua placidement Kaïlye.
Adallia repensa à BIDI-O le jour où ils avaient discuté ensemble à la Décharge. Le petit robot avait eu une idée sur le manque d’informations relatif au numéro de Réminiscence. L’Androïde n’avait pas eu le temps de complètement s’exprimer, car Kendar Wo-Cysbi était arrivé et les avaient interrompus. BIDI-O avait alors probablement compris qu’il s’agissait de censure.
Adallia se demanda si l’enquêteur était au courant au moment où il lui avait dit que la revue était en attente d’autorisations pour publier. Un doute envahit la jeune femme qui se dit que l’homme lui avait peut-être menti.
— Tu n’auras qu’à répondre la vérité à cet antiquaire, je veux dire sur la façon dont tu as accédé à son article, ajouta subitement Kaïlye. Mais sincèrement, je ne crois pas que ce soit le vrai problème.
— Comment cela ? fit Adallia en émergeant de ses pensées.
— Cela confirme ce que je t’ai déjà dit : toute cette histoire n’est pas très nette ! Il y a des choses que l’enquêteur ne te dit pas. Ce n’est pas un hasard si des informations ont été censurées !
Adallia sentait une nouvelle dispute se profiler à l’horizon. Le sujet commençait sérieusement à l’agacer. Elle constata néanmoins que Kaïlye avait pris soin de ne pas lui dire « ton enquêteur » pour ne pas l’énerver. Désireuse aussi de ne pas aller à la confrontation, Adallia se contenta de lâcher :
— Oui, je sais que je dois faire attention.
— Je ne veux pas t’empêcher de faire ce que tu crois être juste, Adallia. D’un autre côté, je culpabilise puisque c’est moi qui t’ai mis sur la piste de Koutcha.
— Tu n’as rien à te reprocher, Kaïlye. Au contraire, c’est grâce à toi que j’ai pu avancer dans mes recherches. De toute façon, je parlerai à Kendar Wo-Cysbi pour essayer d’y voir plus clair.
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