La brume s'élevait lentement de la forêt de Blackwood, enveloppant tout sur son passage. Les premières lueurs de l’aube perçaient à peine à travers le voile épais, baignant la forêt dans une lumière blafarde. Il prit une profonde inspiration, remplissant ses poumons de cet air chargé de terre et de feuilles en décomposition. Chaque sensation était à la fois familière et étrange, comme si son corps redécouvrait les sensations qu'il avait oubliées depuis longtemps.

Il se redressa lentement, ses doigts effleurant le sol couvert de mousse. Tout autour de lui, les arbres anciens se dressaient comme des sentinelles silencieuses, leurs branches tordues s'étirer vers le ciel dans une supplique muette. La forêt semblait vivante, murmurant des secrets oubliés à ceux qui savaient écouter. Polariss se tint un instant immobile, laissant ses sens s'habituer à cette nouvelle réalité. Il était de retour dans le monde des vivants.

Mais ce retour avait un prix. La mémoire de l’autel d’obsidienne et du contrat qu’il avait signé restait gravée dans son esprit. Un pacte scellé avec des forces qu’il comprenait à peine, un pacte qui le liait désormais à une mission sombre. Il savait pourquoi il était ici, et ce qu’il devait faire. Il devait retrouver la personne dont la mort briserait sa malédiction et le libérerait enfin.

Ses pensées furent interrompues par un bruit léger, le craquement d’une branche sous un pied. Polariss se redressa rapidement, ses yeux parcourant les ombres mouvantes autour de lui. Il ne voyait personne, mais il savait qu’il n’était pas seul. La forêt de Blackwood avait toujours été un lieu de mystères, peuplé de créatures invisibles aux mortels. Mais il n’était pas un mortel ordinaire.

Rassuré par le silence qui retomba, il commença à avancer, ses pas le guidant instinctivement vers la sortie de la forêt. Il n'avait pas besoin de se demander où il allait ; il le savait déjà. Ravenshade. Le nom résonnait dans son esprit comme une incantation. Cette ville, à l’orée de la forêt, était le point de départ de sa quête.

La brume se dissipa légèrement alors qu'il atteignait les premières maisons de la ville. Ravenshade. Une ville qui semblait figée dans le temps, avec ses rues pavées, ses maisons en pierre et ses toits d’ardoise. Les bâtiments se dressaient comme des sentinelles muettes, leurs fenêtres noircies comme des yeux fatigués d’avoir trop vu. L’atmosphère était lourde, oppressante, comme si un voile invisible pesait sur chaque pierre, chaque souffle d’air.

Polariss parcourut les rues presque désertes, se fondant dans les ombres qui longeaient les murs. Quelques rares passants allaient et venaient, la tête baissée, emmitouflés dans leurs manteaux. Ils ne semblaient pas remarquer sa présence, ou peut-être choisissaient-ils de l’ignorer. Il y avait quelque chose d’étrange chez ces habitants, quelque chose qui parlait d’une ville qui avait appris à vivre avec des secrets.

Il s’arrêta devant une vieille auberge, un bâtiment de deux étages aux murs usés par le temps, mais encore solide. L’enseigne, « L’Ombre du Corbeau », pendait au-dessus de la porte, grinçant doucement sous l’effet du vent. Polariss poussa la porte, entrant dans une pièce chaleureuse, éclairée par la lueur vacillante d’un feu de cheminée. Le contraste avec le monde extérieur était saisissant, presque réconfortant.

Le propriétaire, un vieil homme au dos voûté et aux cheveux blancs comme la neige, leva les yeux de derrière le comptoir en bois. Ses yeux, d’un bleu délavé, scrutèrent Polariss avec une méfiance tranquille, mais il ne posa pas de questions. Polariss demanda une chambre pour la nuit, glissant quelques pièces sur le comptoir. Le vieil homme les prit sans un mot, lui tendant une clé en échange.

• Chambre au fond du couloir, deuxième étage, » grogna-t-il d'une voix rauque.

Polariss acquiesça et monta l'escalier en bois qui craquait sous ses pas. La chambre était simple, avec un lit en bois, une petite table et une fenêtre donnant sur une ruelle sombre. Parfait pour rester discret. Il jeta un coup d’œil par la fenêtre, observant la ville qui s’étendait sous lui. Des ruelles sinueuses, des toits inégaux, et au loin, les tours du vieux lycée qui se découpaient contre le ciel gris.

Le lycée. Un endroit qui méritait d'être exploré. Polariss savait que pour trouver sa cible, il devait se mêler à la vie de la ville. Le lycée était un point de départ logique, un lieu où les jeunes se rassemblaient, où il pourrait observer et identifier celui qu’il cherchait.

La nuit tomba rapidement sur Ravenshade, et avec elle, une nouvelle couche de mystère enveloppa la ville. Polariss, assis dans l’obscurité de sa chambre, sentait l'influence du pacte peser sur lui. Il n’avait pas le droit à l’erreur. Chaque pas devait être calculé, chaque action réfléchie. La liberté était à portée de main, mais le prix à payer serait lourd.

Le lendemain matin, Polariss quitta l’auberge avant le lever du jour. Il avait un plan. La première étape consistait à s’intégrer discrètement dans le lycée. Se faire passer pour un nouvel élève ne devrait pas poser de problème, pas avec ses capacités. Il avait déjà forgé des documents, falsifié son âge et son identité. Tout ce qu’il lui restait à faire, c’était d’attendre que le lycée ouvre ses portes.

La brume s’épaissit à nouveau alors qu’il se dirigeait vers le bâtiment imposant du lycée. L’ombre des tours se profilait au-dessus de lui, menaçante, alors qu’il franchissait le portail de fer forgé. Les premiers élèves commençaient à arriver, marchant en petits groupes, leurs voix étouffées par l’épaisseur de la brume. Polariss les observa en silence, cherchant des signes, des indices.

Puis, il le vit. Un garçon, seul, marchant à quelques mètres devant lui. Cheveux bruns en désordre, démarche nonchalante, mais quelque chose dans son aura attira l'attention de Polariss. Il y avait une lueur dans ses yeux, une énergie qui résonnait avec la sienne, une sorte d’écho mystérieux. Polariss se sentit inexplicablement attiré par ce garçon, sans savoir pourquoi.

Ethan. Le nom surgit dans son esprit comme un murmure, sans qu'il sache comment il le connaissait. Polariss ressentit un frisson parcourir sa colonne vertébrale. Il savait qu'il devait approcher Ethan, mais il savait aussi qu'il devait être prudent. La chasse venait de commencer, et chaque mouvement serait crucial.

Polariss entra dans le lycée, laissant l’ombre de la porte se refermer derrière lui. Il se fondit dans la foule d'élèves, mais ses yeux restaient fixés sur Ethan. La quête pour sa liberté venait de commencer, et tout dépendait de ce garçon. Mais à quel prix ?