Banane et Biscuit
Il était une fois dans la salle à manger d’une maison pavillonnaire dans un lotissement d’une ville moyenne française. Les résidents cette maison était une petite famille avec deux enfants. Tous les samedis, les courses au supermarché du coin furent faites pour nourrir tout ce petit monde. La maman s’occupait de ranger les achats dans le frigo, les placards et les fruits et les légumes dans une petite corbeille posée à côté d’une cafetière.
Ce fut un mercredi où la moitié des fruits avaient déjà été consommés et un des ados, Jules, n’avait pas rangé le paquet de BN qu’il avait sorti pour son petit-déjeuner. Le paquet de biscuits se trouva à côté de la corbeille de fruits. Le BN n’avait pas été mangé, il était encore dans son emballage où un quart d’heure plus tôt, il vit trois ses camarades se faire engloutir dans des hurlements absolument épouvantables. Le biscuit chocolaté était encore choqué par ce qu’il venait de vivre et espérait au plus profond de lui ne pas subir le même destin que ses camarades. C’est alors qu’il décida de quitter l’emballage en aluminium pour sortir.
- T’es vraiment un grand malade pour sortir de là, lui dit son voisin. T’en as marre de vivre, c’est ça ?
- Bastien, s’il te plaît, ne commence pas, répondit Pierre. Moi aussi, j’ai vu ce qui est arrivé aux autres ! Oui, c’est épouvantable, mais je crois que s’il y en a bien un qui en a marre de vivre, c’est toi !
- Dis-moi, Einstein, si on se casse tous les deux d’ici on va faire comment pour survivre, t’y as pensé ? Non, bien sûr que non ! Tu te crois tellement plus intelligent que moi que si on se retrouve dehors, tu ne sauras pas comment on va se débrouiller !
- Tu sais quoi ? Si t’as envie de crever ici, c’est ton problème. Moi, je me casse d’ici. T’as jamais cru en moi, donc tu ne me seras pas d’une grande perte.
Pierre se faufila vers l’extérieur pour contempler un monde qui lui était absolument inconnu. La hauteur entre le plan de travail de la cuisine où il était resté et le sol avait de quoi l’impressionner. Sur sa droite, il remarqua des gros nuages sombres ainsi que la pluie qui claquait violemment sur la fenêtre de la pièce. Le frigo était loin sur sa gauche, mais ce qu’il trouva le plus étrange fut la panière à fruit où il remarqua une orange, un citron et une banane en train de discuter entre eux. Les trois fruits riaient de bon coeur, se taquinaient et discutaient entre eux. Eux aussi avaient subi de grosses pertes durant cette semaine. Le fruit qui attirait le plus l’attention de Pierre était la banane. La banane avait un rire très mélodieux, des formes très sensuelles et une peau jaune très lisse. Soudain, elle remarqua la présence du BN et s’interrompit.
- Je peux vous renseigner ? Lui demanda-t-elle d’un ton enjoué
- M.. Moi ? Répondit Pierre, en balbutiant. Je...Voilà, je cherche la sortie. J’ai vu ce qui était en train de se passer ici et j’ai...J’ai peur pour ma vie.
- Malheureusement, on va tous y passer d’ici la fin de la semaine, alors pourquoi chercher à fuir ?
- Ouais, parce que si vous avez remarqué la hauteur, si jamais vous tombez, vous allez mourir directement, renchérit le citron.
- Dans tous les cas, que vous restiez ici où que décidiez de partir, ça ne change absolument rien au fait qu’on aille tous mourir dans les prochains jours, ajouta l’orange. Nous sommes éphémères, il faut que vous le sachiez.
- Elles ont raison, confirma la banane. Aucune de nous ne sait de quoi demain sera fait alors, autant ne pas y penser.
Pierre ne s’était jamais posé la question du sens de sa vie. Pendant quelques secondes, cela le fit frissonner, mais pourtant, cela ne le fit pas pleurer. C’est alors qu’il tendit sa main vers la banane, puis lui dit « Etant donné que demain, ni même ce soir, j’ignore si nous serions encore de ce monde, je souhaiterais avoir un moment privilégié avec vous, si vous le permettez ». La banane rigola, puis prit la main de Pierre pour sortir de sa corbeille à fruit. Les deux aliments se baladèrent main dans la main pour s’asseoir à côté de l’évier, les pieds dans le vide, en train de regarder le chat marcher doucement vers sa gamelle pour manger.
- Au fait, je m’appelle Cassandra, et toi ? Demanda la banane
- Pierre, répondit le biscuit.
- Je suis désolée de t’avoir brusqué tout à l’heure. En fait, j’ai réalisé que je connaîtrais la fin en arrivant ici, en France. Je suis une banane ivoirienne. Je n’ai pas compris comment il se faisait que j’étais passé de mon arbre, à cette caisse en bois, et que je me suis retrouvé dans cet avion. Dans ce supermarché, je me suis fait des amis, j’avais même un amant ! Finit-elle en pleurant.
- C’est bien que tu saches d’où tu viens, car moi je ne sais pas d’où je viens. J’ai passé ma vie enfermée à l’intérieur de ce sachet en aluminium et je suis à la fois fasciné et effrayé par le monde extérieur.
- C’est merveilleux, le monde extérieur ! S’exclama Cassandra, j’ai eu la chance de pouvoir profiter de cet univers, de savoir ce qu’est de vivre en plein air !
- Ça je n’en doute pas, mais au vu de la corbeille vide, j’imagine que t’as perdu de nombreux amis.
- Bien sûr que j’en ai perdu, oui. Ça a été un gros déchirement parce qu’on s’entendait tous très bien. C’est comme quand j’ai perdu ma famille, en Côte d’Ivoire.
- C’est fou ça, on a tous les deux des points communs.
- Je trouve ça bizarre de tomber amoureuse d’un biscuit, c’est fou. J’espère que vous ne trouvez pas ça bizarre.
A ces mots, Pierre répondit par un simple « Non ! » Et l’embrassa sur la bouche, langoureusement.
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