Dans le marbre des esprits innocents

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Et le soleil se couche, rouge de honte

d’avoir illuminé des armées entières,

d’avoir participé aux guerres.

Rouge de trouille de devoir se lever à nouveau

et réveiller les bombardements,

creuser les torrents de larmes rouge-sang et des peurs gravées dans le marbre des esprits innocents.

Thomas Chaline, 2016

Conte inspiré par ce poème :

  Fatigué d'éclairer la laideur des chamailleries humaines, las de dévoiler les corps déchiquetés par la bombarde et de réchauffer en son sein trop généreux les génies du meurtre balistique, ce matin-là, le soleil se mit en grève, ferma ses persiennes, laissant la nuit aux hommes et partit noyer son chagrin dans un bouge d'Andromède.

  Les guerriers de tous bords ne voyant pas l'aube se présenter à l'heure dite, s'étonnèrent, contrariés de ne pouvoir s'entretuer. Quand l'aurore manqua à l'appel, ils voulurent la fusiller pour désertion ! On essaya bien d'engraisser quelques canons à la lueur des lanternes mais l'expérience tourna . La lumière attirait la mitraille et plusieurs canonniers payèrent de leur vie l'imprudence de leurs chefs.

  Alors, chacun partit à tâtons, découvrir le monde sans lumière. Effrayés, ils s'attrapèrent les mains en rondes hésitantes. On entendit bien quelques accents, des mots étrangers, mais on n'osa pas se lâcher de peur de se perdre. Ensuite pour se donner du courage et rallier les égarés, les soldats entonnèrent des chants dans toutes les langues de la terre, qui, émue, implora le retour du soleil.

Le soleil poussa un long soupir et inquiet de voir souffrir cette mère aimante, revint darder ses rayons sur les plaines et les vallons, sur les lacs, les mers et les monts. Les hommes d’abord éblouis, incrédules d’avoir mérité le pardon de l’astre, se réjouirent avec force acclamations. Des vivas sortaient à l'unisson de mille gorges exaltées.

  Hélas, voulant sans doute faire davantage de bruits afin d’accueillir la source de toute vie, un lieutenant mal inspiré fît feu au ciel et emporté par son élan abaissa son arme et tira dans la foule amassée.

Guidés par le jour, les soldats regagnèrent en hâte leurs tranchées et autres casemates.

Tonnez canons, volez mitraille, le monde s’emplit à nouveau de cris, de fureur et de sang.

L’homme était de retour

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