Chapitre XCVI (1/2)

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A l’heure de regagner ma couchette, dans le calme presque irréel de ma cabine, je me sentais triste et esseulée. Retrouver les Lointains n’avait fait que raviver le manque d’Orcinus, et son absence faisait comme une plaie béante qui me compressait les poumons. Je n’avais pourtant plus aucun enfant susceptible de me réveiller en pleine nuit à grands coups de pleurs ! Mais je mis infiniment longtemps à trouver le sommeil, dérangée comme je l’étais par le silence, par les mouvements du bateau, par le vide de mon cœur.


Je finis cependant par m’endormir, vers trois ou quatre heures du matin, vaincue par l’épuisement. Mais je fus très vite réveillée par un frôlement contre ma jambe, une chaleur contre mon corps. Je faillis hurler, le souvenir des visites nocturnes de Rotu n’étant jamais bien loin de mon esprit, mais je fus vite rassurée par une petite voix douce murmurant dans le noir : « Lumi, n’aie pas peur, c’est moi… En vrai, tu me manquais trop ! Et puis, j’ai peur, toute seule, la nuit, depuis que Père et Ruti ont été assassinés. Je suis tellement contente que tu sois revenue ! »


C'étais Suni... Je lui répondis en la prenant dans mes bras et en la serrant de toutes mes forces contre moi. Au moins, face à ces abysses d’absence, de mort et de destruction, avions-nous encore la chance de pouvoir nous serrer les coudes, toutes les deux.


Le soleil du petit matin nous cueillit exactement dans la même position : nous avions dormi lovées l’une contre l’autre comme deux orphelines perdues au milieu du désert. Lorsque j’ouvris les yeux, ma petite sœur me regardait en silence, immobile comme une statue, pour ne surtout pas me déranger. Elle m’adressa un sourire de lumignon qui me fit oublier toutes ses filouteries en un quart de seconde.


« - Bien dormi, Sunette ?

- Oui ! Mais pas assez longtemps ! Et toi ?

- Oh, moi, je n’ai pas fait de nuit complète depuis des mois, avec les jumeaux. Ils sont un peu comme leur tata : adorables mais remuants.

- …

- Tu sais, c’est toujours le matin qu’Orcinus me manque le plus.

- Tu n’as aucune nouvelle ?

- Non…

- Alors il ne sait même pas qu’il a des enfants ?

- Non plus.

- J’aimerais tellement pouvoir t’aider, Lumi, si tu savais…

- Je le sais, Suni. Je te connais par coeur. Tu es capable de tout et surtout, de n’importe quoi. Comme de tuer un roi…

- Rotu n’est pas un roi, c’est un monstre. Et je m’appelle Sunauplia !

- Si tu veux.

- …

- Sunette, je t’en prie, ne perds pas de temps.

- Que veux-tu dire ?

- On ne sait jamais ce qui peut arriver. Anguillus est un garçon très bien. S’il te plaît, fonce ! Et dis-le-lui.

- Ce n’est pas toi qui me disais il y a quelque temps d’être un peu moins franche et démonstrative, sur ce sujet-là ?

- Si. Mieux vaut restreindre tes ardeurs quand tu ne fais qu’admirer la plastique de tel ou tel Lointain. Surtout le mien ! Cela ne se fait pas. Même si on a le droit de regarder… Mais là, c’est différent. Si tu ressens quelque chose pour Anguillus, tu devrais lui en parler.

- Il me déteste.

- Je ne crois pas, non.

- …
- Dans tous les cas, tant que vous n’en discutez pas, tu ne peux pas savoir ce qu’il pense.

- Je sais déjà ce qu’il dit ! Et crois-moi, ce n’est pas toujours très engageant.

- Tsss ! Si tu ne lui plaisais pas, il ne te regarderait pas comme ça.

- Tu parles… Depuis que tu as trouvé le grand amour, tu vois des sentiments partout.

- Je l’ai trouvé, oui. Et je l’ai perdu…

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