Chapitre XCVII  (2/2)

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(Lumi) - Il faudrait gagner la guerre.

(Rutila) - Nous n’avons pas d’armes, Lumi. Est-il vraiment nécessaire de te le rappeler ?

- Je le sais parfaitement. Mais… Souviens-toi. Quand nous avons appris la vérité sur la naissance d’Orcinus, sur l’illégitimité du pouvoir de Rotu, sur le naufrage du prince Lomu et de la princesse Hanaâ… Qu’avons-nous fait ?

- Nous avons diffusé la vérité à travers une pièce de théâtre, à la demande du Grand Conseil des Lointains. Et alors ?

- Et alors, elle est là, notre arme ! La seule et l’unique.

- Je ne vois pas en quoi une nouvelle pièce de théâtre pourrait nous aider aujourd’hui. La première fois, cela a plus ou moins fonctionné, puisque Champarfait déteste désormais son roi… Mais il n’en reste pas moins solide sur son trône comme un oursin sur un rocher.

- Je ne parlais pas du théâtre… Mais de la parole.

- La parole ?

- Oui. Tu sais, lorsque j’étais enfant, j’ai passé des heures et des heures dans la bibliothèque du palais, à dévorer tous les livres qui me passaient sous la main.

- Et ?

- Et j’aimais beaucoup les livres d’Histoire. J’aimais comprendre le passé, les origines de chaque peuple.

- …

- J’ai lu à plusieurs reprises, dans l’un ou l’autre de ces livres, que la négociation et la discussion pouvaient elles aussi mener à la paix. Enfin, des fois.

- Tu veux négocier avec Rotu ?

- Pas seulement ! Ce conflit empoisonne la vie de tout le monde connu. Je pense qu’il faut réunir tous les peuples : les Asclépios, les nomades du grand Sud, les loyalistes qui ont enlevé Orcinus, les Lointains, des représentants d’Héliopolis et de Champarfait, et même les marchands sans pavillon qui ne rendent de comptes à personne, comme ton Galaô-té !

- Il n’est pas “mon” Galaô-té… Mais peu importe. Tu crois qu’en réunissant tout ce petit monde pour une bonne discussion, nous pourrions ramener la paix ?

- Je crois que Rotu doit comprendre que nous sommes tous contre la guerre. Si l’ensemble des peuples défendent l’idée d’un cessez-le-feu, il sera bien obligé d'écouter ! En tout cas, je me dis que nous n’avons rien à perdre à essayer. Peut-être que cela permettra d’éviter un bain de sang… Et puis je veux revoir mes enfants, moi. Et aussi mon amoureux. Je ne peux pas passer les dix prochaines années à parcourir les océans à l’aveuglette !

- Je comprends ce que tu veux dire… Mais je n’y crois pas trop. Cela m’étonnerait que Rotu obtempère gentiment, même si l’ensemble des représentants des différents peuples lui signifient qu’ils souhaitent qu’il quitte son trône. En revanche, ton idée présente un avantage non négligeable.

- Lequel ?

- Cela nous permettrait de rompre notre isolement… Je veux dire que pour l’instant, parce que nous t’avons accordé l’asile, et parce que nous avons accueilli Orcinus, même si nous ne connaissions pas à l’époque sa véritable identité, Rotu s’est mis en tête de pourchasser les Lointains. De par notre mode de vie, nous sommes des proies faciles : nous ne sommes pas armés et nous vivons en petites troupes, séparées les une des autres par des centaines de milles. Nous ne sommes pas de taille à lutter contre des soldats aguerris, même peu nombreux. Seule notre mobilité nous sauve. Mais si Rotu réalise que ses opposants ne sont pas les Lointains, ni les Héliopolis qu’il déteste depuis des années, mais tous les peuples qui existent… Qui sait, peut-être qu’il verra les choses différemment. Et peut-être qu’il acceptera de négocier, s’il comprend qu’Orcinus n’a aucune envie de lui prendre son trône.

- Hum… Je doute que ce soit si simple… Car de nombreux notables champarfaitois demandent désormais l’abdication de Rotu. Orcinus n’est qu’un prétexte, je crois que la cause réelle de la guerre se trouve ailleurs.

- Où donc ?

- Dans son orgueil ! Rotu est vexé. Que je sois partie. Qu’Orcinus soit en vie. Que le souvenir du prince Lomu soit encore si présent dans la mémoire de son peuple alors que lui n’attire que la haine. Que sa galère ait explosé en tuant à la fois son équipage et sa dignité.

- Tu as sûrement raison.

- Puisqu’il est orgueilleux, pourquoi ne pas le flatter ? Une conférence plénière, officielle, avec des délégations venues de tous les pays pour parlementer en terrain neutre. Je trouve que cela se tient, non ?

- Oui. Cela se tient, et cela se tente. Mais il nous faut d’abord obtenir l’approbation du Grand Conseil des Lointains. Fini les ronds dans l’eau : cap sur notre île-capitale ! A toi le soin de prévenir Ventura, puisqu’elle est de quart. Exécution, lieutenant ! Et ensuite, va dormir. Car on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve. »

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