Chapitre CII (2/2)

3 minutes de lecture

(Suni) - Lumi, il est inutile de te tracasser avec tout cela pour l’instant. Tu dois reprendre des forces, essayer de manger un peu et surtout, te reposer.

(Lumi) - Je ne vais pas rester enfermée ici pendant toute la navigation !

- Non, mais pendant quelques jours, si ! Ordre de Sikinos. Tu es couverte de bleus et de blessures.

- Ce n’est rien…

- Il faut prendre soin de toi, Lumi chérie. Tu me promets de m’appeler si tu as besoin de quelque chose ?

- Oui.

- Bon. Je vais te laisser tranquille…

- Mais, et Rutila, et toi, où allez-vous dormir si je reste ici ?

- Rutila va partager la cabine de Ventura pendant quelque temps. Et moi, je dors avec toi ! Pas question de te laisser seule pour l’instant.

- Mais je ne peux pas m’octroyer ainsi la cabine de la capitaine…

- C’est elle qui l’a ordonné, Lumi.

- …

- J’ai eu si peur, tu sais !

- Moi aussi…

- …

- Suni ?

- Oui ?

- Merci. Merci pour tout. »

Elle me regarda de ses grands yeux d’émeraude qui brillaient sous la flamme de la chandelle. Elle me serra les doigts comme si nos vies en dépendaient, déposa un tout petit baiser sur ma joue et sortit de la pièce sans un mot de plus.

Je restai donc en tête-à-tête avec ma solitude. Mon cerveau semblait ralenti, comme s’il refusait de comprendre ce qui s’était passé la veille. J’étais prostrée comme une bouderie adolescente, endolorie comme une blessure de guerre, éteinte comme un dernier espoir.

Je me forçai à grignoter les vivres que Suni m’avait apportées, bouchée après bouchée, sans même sentir les saveurs et les textures de ce que j’avalais. Je me sentais prisonnière de mon propre corps, assaillie par la sueur de Rotu et ses assauts contre ma peau, essorée par le départ sans espoir d’Orcinus.

J’avais l’impression que ma vie tout entière était passée sous les sabots d’un troupeau de bœufs ou dans le siphon d’une canalisation d’égouts. Mes enfants étaient sur une terre étrangère, mon amoureux était parti sans se retourner, ma sœur risquait d’aller en prison, ma famille avait été assassinée…

Alors je me roulai en boule sur mon lit, impuissante comme le jour lorsque la nuit tombe, et je pleurai sans discontinuer : de gros sanglots sourds et lourds qui me serraient la gorge et m’étouffaient le cœur. C’est ainsi que Suni me retrouva un peu plus tard, baignée de larmes et d’amertume. D’abord elle ne dit rien, se contentant de s’asseoir sur le rebord de la bannette et de poser sa main sur mon épaule. Puis elle s’allongea contre moi et me prit dans ses bras, très fort, tout en murmurant à mon oreille.

« Lumi… Il faut que tu sois forte. Je sais que ce n’est pas ce que tu as envie d’entendre. Mais je sais aussi que tu peux le faire. Et que tu dois le faire ! Parce qu’à Héliopolis, tout au fond de ce palais dont tu as tant rêvé quand tu étais petite, avec ses femmes libres et sa culture foisonnante, il y a deux tout petits bouts qui attendent le retour de leur maman.

- …

- Et puis, regarde. Rotu t’a encore fait vivre des horreurs, je le sais bien… Mais au moins, il est mort ! Cela n’arrivera plus jamais. Et si quelqu’un d’autre veut te faire du mal, crois-moi, il aura affaire à moi.

- Je suis fatiguée, Suni. Je voudrais juste me cacher dans les bras d’Orcinus et ne plus jamais me réveiller.

- Allons donc ! Si tu retrouvais les bras d’Orcinus, ou plutôt, quand tu retrouveras les bras d’Orcinus, je suis certaine que tu retrouveras l’envie de te réveiller.

- Il ne reviendra jamais.

- Tu n’en sais rien… Mais c’est vrai qu’il doit penser que tu ne l’aimes plus.

- Il ne peut pas croire cela !

- Il a proposé que vous partiez ensemble, tous les deux, et tu lui as dit non. Devant tout le monde, et sans explications. Que penserais-tu si tu étais à sa place ?

- …

- Tu vois… Alors évidemment, il est parti sans demander son reste. Très dépité, j’imagine. Mais un jour, tu le reverras. Et tu lui expliqueras pourquoi tu ne pouvais pas le suivre. »

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Marion H. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0