Chapitre CVIII (2/2)

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Tandis que la princesse tenait toujours solidement la barre et le cap de sa vie comme de son royaume, j’avais bien souvent de longs moments d’abattement… Nous étions de plus en plus complices, de plus en plus confiantes l’une envers l’autre. Et un soir, alors que nous partagions toutes les deux une tisane aux épices, profitant du calme de l’antichambre vidée de ses courtisans, je finis par lui exprimer toute mon admiration.

« - Chère princesse, je dois vous dire à quel point votre énergie m’impressionne ! Vous avez perdu beaucoup de choses, beaucoup de gens, comme moi… Pourtant vous gardez la tête haute, vous avancez encore et encore, malgré le poids de tout un pays et de tout un peuple qui pèse sur vos épaules.

- …

- Chez moi, les femmes ne sont que de jolies poupées de porcelaine qui passent leur vie à bouger le moins possible pour ne pas faner leur beauté. Alors que vous… Non seulement vous êtes sublime, mais en plus, vous savez faire la guerre et administrer un pays.

- Je n’ai pas si grand mérite, Lumi. J’ai été élevée comme ça. Pour ça. Pendant que tes compatriotes apprennent la broderie ou les arts de la table, nous nous entraînons à la guerre et au pouvoir. Nous ne sommes que le produit de notre éducation… Alors que toi, regarde, tu as tout remué, tout affronté, pour construire ta vie, ta famille et ta liberté.

- Peut-être, mais à quel prix ?

- Il y a toujours un prix à payer, dans la vie.

- Quel est donc le vôtre, princesse ?

- Eh bien… En tant que princesse souveraine, je me dois d’avoir un enfant. Enfin, plus précisément, d’avoir une fille ! Qui règnera à son tour sur Héliopolis.

- Et ?

- Et je n’ai jamais voulu d’enfant ! J’ai plaisir à jouer quelques minutes avec les tiens, j’ai plaisir à voir grandir les rejetons de mes amies ou de mes servantes… Mais cela s’arrête là ! Pourtant, il faut que je remplisse mon devoir. Mais je n’arrive pas à m’y résoudre. Et quand je passe un moment avec un homme, je fais très attention pour que cela n’arrive surtout pas.

- …

- Je n’en ai jamais parlé à personne, Lumi. Parce que c’est un crime contre notre dynastie, une haute trahison… Mais je n’arrive pas à me décider. Même si je n’ai plus vingt ans, même si je sais que bientôt, il sera trop tard…

- Vous devriez en parler à Milos. Il a des potions pour ne pas tomber enceinte… Cela vous éviterait sûrement beaucoup de complications et de craintes, dans les moments d’intimité.

- C’est vrai, oui. Mais cela n’arrangerait en rien la culpabilité que je ressens envers mon peuple et envers mon royaume. Il est de mon devoir de lui donner une héritière.

- N’y a-t-il pas d’autres moyens de transmettre votre couronne ?

- Comment cela ?

- Eh bien… Milos m’a prêté un ouvrage sur l’Histoire des Asclépios, il y a longtemps… Ma mère venait du peuple des médecins, vous savez, alors j’ai voulu connaître un peu mieux leurs origines. Selon la légende, le fondateur des Asclépios, qui s’appelait Sam, était un ancien mestre de la Citadelle qui avait fui les siens pour pouvoir se marier avec la femme qu’il aimait. Et un jour, alors qu’ils étaient réunis avec des représentants de différentes familles pour désigner leur nouveau roi, il a eu une idée… Il a proposé que ce soit le peuple qui choisisse son souverain.

- Mais comment ?

- En votant.

- Ohlala, tu imagines ! Ce serait l’anarchie ! Jamais de la vie je ne permettrai cela.

- Bon… C’est d’ailleurs exactement ce que les délégués lui ont répondu lorsque ce pauvre Sam a émis cette idée. Alors…

- Alors ?

- Pourquoi ne pas désigner vous-même votre héritière ?

- Ce n’est pas la tradition.

- Non. Mais après tout, lorsque votre sœur Hanaâ s’est mariée, qui plus est avec un Champarfaitois, elle n’a pas non plus respecté les traditions. Pourtant, le peuple l’a accepté, et leur fille, la grande sœur d’Orcinus, a été désignée comme héritière.

- C’est vrai… Tu crois donc que je pourrais choisir une jeune fille, ou une enfant, et la former à ses futures responsabilités de souveraine, sans qu’elle soit nécessairement ma fille ?

- Pourquoi pas ?

- Tu as raison… Si ma nièce avait vécu, c’est elle qui règnerait aujourd’hui. Alors, à défaut de la fille de ma sœur, pourquoi ne pas choisir sa petite-fille ?

- Quoi ? Tempeta ?

- Bien sûr ! C’est tellement évident que je n’y avais jamais pensé.

- Mais…

- Ne t’inquiète pas, Lumi. Si en grandissant, il s’avère qu’elle n’a aucune prédisposition, ou aucun goût, pour prendre le pouvoir, je ne la forcerai pas. Mais je suis sûre qu’elle sera parfaite !

- Euh…

- C’est décidé. N’en parlons plus. Je vais la regarder apprendre, évoluer, et le jour de ses cinq ans, si elle me semble toujours apte, j’annoncerai à mon peuple qu’elle sera sa reine. En attendant, laissons-la grandir normalement… »

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