Chapitre CXIV (2/2)

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(Lumi) « - Je vois que tu as toujours ton produit miracle…

(Orcinus) - Milos m’en a donné. Je lui en ai demandé.

- Pourquoi n’as-tu pas assisté au dîner ?

- Je me suis promené dans les rues de la ville toute la soirée. J’avais besoin de prendre l’air. C’est agréable de passer pour un Lointain lambda, et de ne plus être le prince de la moitié du monde, juste pour quelques heures ! Je viens tout juste de rentrer.

- Et que faisais-tu là, comme ça, dans le noir ?

- Je pensais à toi.

- …

- Et toi, Lumi, pourquoi tu ne dormais pas ?

- J’avais faim… Je suis allée aux cuisines pour prendre quelque chose à grignoter et boire un verre de lait de chamelle. Et puis je t’ai vu. Alors…

- Tu connais donc vraiment bien ce palais, pour aller te servir ainsi directement dans le quartier des domestiques ?

- Oui.

- Comment cela se fait-il ?

- J’ai passé plusieurs mois ici… Je t’expliquerai.

- …

- …

- En fait, j’avais envie d’aller me baigner. Tout à l’heure, j’ai vu qu’il y avait une petite crique, derrière cette pointe, à quelques minutes de marche. Tu viens ?

- Tu n’as donc pas peur de te baigner la nuit ?

- Non. Je n’ai peur qu’en haute mer, et tu le sais très bien. Et puis, que veux-tu qu’il m’arrive ? Croiser des orques ? »

Je savais que c’était une très, très mauvaise idée. Mais je ne voulus pas avoir l’air de fuir ou de reculer ! Alors je le suivis sans un mot. Sur le chemin, nous n’échangeâmes que quelques mots : parler semblait si dérisoire… Mais ce silence n’avait rien de pesant. Au contraire, il était tissé de complicité douce, de confiance mutuelle, de souvenirs partagés et de sincérité absolue. Aucun de nous n’éprouvait le besoin de combler ce vide, comme s’il créait un lien solide et invisible entre nous.

La crique était en effet toute proche, très solitaire. La mer clapotait en douceur sous les rayons de lune, comme de l’encre aux contours phosphorescents. L’eau était merveilleusement fraîche dans la chaleur éternelle de ce pays de sable. Je devinais plus que je ne voyais la silhouette noire et souple d’Orcinus qui était à quelques centimètres de moi. La nuit était douce et parfumée, ma main rêvait de se poser sur son torse tiède et ma gorge était serrée comme un nœud de chaise.

Au bout de quelques minutes, nous sortîmes de l’eau pour nous asseoir sur le sable. Il avait apporté une couverture et une bougie, la torpeur écrasante de la journée laissait place à la moiteur plus aérienne, plus respirable, de la nuit héliopola. Il faisait sombre malgré la danse de la flamme… Je devinai à peine la présence de mon voisin, mais je sentais sa chaleur et malgré l’obscurité, je le regardais de tous mes yeux.

Et si le lien, le vrai, était justement là ? Pouvoir rester ainsi côte à côte, sans mots ni lumière ? J’avais le cœur au bord des lèvres, mais je ne savais pas par où commencer. Était-ce le temps, le destin, ou cette autre Lumi qui m’avait séparée d’Orcinus ? J’en étais là de mes réflexions quand je repérai, sur sa peau, au niveau du dos et de la jambe, deux endroits un peu plus sombres que le reste, comme des ombres ou des tatouages.

« - Qu’as-tu donc, ici ? Et là ?

- Rien…

(Il replia sa jambe et frissonna de la tête aux pieds dans l’encre de la nuit.)

- Ta nouvelle Lumi est plutôt jolie, en tout cas.

- …

- …

- Lumi… Que nous est-il arrivé ?

- Eh bien ! Tu as été enlevé.

- Oui. Mais je veux dire, après.

- Après ?

- Pendant les pourparlers… Je t'aimais, tu sais. Ma proposition était sincère.

- Je sais… Je n’en ai jamais douté.

- Pourtant, il était déjà trop tard. Tu avais déjà quelqu’un d’autre… J’ai dû louper quelque chose, non, pour que tu ailles si vite faire un enfant à un autre après mon départ ?

- …

- Pourquoi as-tu quitté les Lointains ?

- Parce que sans toi, naviguer n’avait plus de sens, Orcinus. »

Je lui pris la main et lui caressai les doigts, très doucement, très maladroitement aussi… Mais après quelques secondes, il s’éloigna comme si je l’avais brûlé. Mon instinct hurlait dans ma tête que c’était maintenant, que je devais lui parler, que le secret avait assez duré. Je respirai donc un grand coup… Mais je fus coupée dans mon élan par sa question suivante.

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