Chapitre CXV (1/2)
(Orcinus) « - Tu veux tromper le père de tes enfants ?
(Lumi) - Je trompe qui je veux !
- …
(Il se détourna de moi, plongeant son regard dans la mer, et fit un mouvement pour se relever.)
- Attends, Orci ! Je dis n’importe quoi, juste pour te rendre jaloux. Et parce que tu m’énerves avec tes reproches stupides ! Tu ne comprends donc rien ? Mes enfants sont des jumeaux et leur père, c’est toi.
(Orcinus rougit sous la chandelle comme les falaises de granit rose d’Héliopolis dans le soleil couchant, et retomba plus qu’il ne se rassit. Il sembla comme foudroyé pendant une dizaine de secondes : je pouvais presque lire dans ses yeux le trajet que faisait la conscience de sa paternité depuis sa tête jusqu’à son cœur.)
- Mais, Lumi… Euh… Et… Ils sont où, ces enfants ?
- Ici… Enfin, là-haut, au palais.
- …
- Ils sont nés ici. Comme toi ! Et ils ont grandi cachés dans un appartement, tout au bout du palais, dans une aile isolée où personne ne vient jamais… Sauf Milos.
- C’est donc pour ça, pour toi, pour eux, que Milos a quitté la troupe pour se terrer ici ?
- Oui.
- …
- Tu veux bien m’écouter sans m’interrompre ?
- …
- Orci ?
- D’accord. Je t’écoute.
- J’ai découvert que j’étais enceinte quelques semaines après ces deux nuits que nous avons passées ensemble, en cachette et en pleine mer, tu te rappelles ?
- …
(Il resta silencieux mais son regard me confirma que oui, il se rappelait.)
- Je ne me sentais pas très bien, j’étais pâle et fatiguée. Rutila m’a envoyée consulter Milos… Et voilà. Apparemment, ta potion pour ne pas avoir d’enfant ne faisait plus effet…
- Cela faisait des semaines que j’étais sur le bateau des loyalistes ! Bien sûr ! Et je n’y ai pas pensé une seconde… Quel abruti !
- Arrête, ça ne sert à rien de dire cela maintenant… Et tu as promis de m’écouter.
- …
- Quand j’ai dit à Rutila que j’allais avoir un bébé, elle a décidé de me conduire ici, à Héliopolis, pour que ma grossesse demeure cachée aux yeux du monde. La princesse Sanaâ a accepté de m’accueillir, et voilà. Milos est resté avec moi. Et quelques mois plus tard, je tenais non pas un, mais deux bébés tout roses et tout braillards dans mes bras.
- …
- …
- Voilà pourquoi tu n’as rien dit, rien fait, le jour des pourparlers ?
- Oui.
- …
- Je t’aimais, moi aussi, Orcinus. Mais je ne pouvais ni abandonner les enfants, ni t’apprendre leur naissance devant tout le monde. Rotu les aurait tués s’il avait su qu’ils existaient.
- Deux enfants… Je n’en reviens pas.
- Oui, Orci. Deux enfants qui te ressemblent !
- …
- Est-ce que tu comprends, maintenant, pourquoi je ne suis pas partie avec toi ?
- Je comprends, oui.
(Il regardait d’un air défait, droit devant lui, la mer mouvante sous les rayons de lune, ses yeux brillaient d’une immense tristesse et ses épaules étaient basses comme un ciel d’orage.)
- Parle-moi, s’il te plait.
- Je ne sais pas trop quoi dire…
- …
- Comment s’appellent-ils ?
- Ta fille, Tempeta. Elle est née la première… Et ton fils, Delphinus. Il a des yeux d’ambre…
- Ah… Certains y verront une autre preuve de cette satanée légende ! Ils voudront lui donner le trône de Champarfait que je refuse de tout mon cœur depuis des mois et des mois.
- Peut-être… Mais pour l’instant, c’est plutôt Tempeta qui risque de régner un jour.
- Quoi ? Comment cela ?
- Ta tante prévoit de la designer comme son héritière le jour de ses cinq ans.
- Tu plaisantes ?
- Honnêtement, je préférerais ! Mais ce serait d’assez mauvais goût. Et surtout, je n’ai pas eu mon mot à dire.
- …
- Orci ? Tu es toujours avec moi ?
- J’essaie, oui… Mais ça fait beaucoup pour un seul homme, tout ça !
- Je sais…
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