Chapitre CXVIII (2/2)
(Orcinus) - L'autre Lumi va dormir à bord et demain… Ma foi, demain, elle fera ce qu’elle voudra ! Nous avons eu une longue discussion. Et à la fin, elle m’a giflé… Et puis elle m’a poussé dehors, elle m’a dit de me dépêcher, de ne pas te faire attendre.
(Ses bras se nouèrent autour de moi comme deux lianes possessives et j’en profitai, très doucement, pour poser mes lèvres sur les siennes. Il resserra son étreinte sans dire un mot.)
(Lumi) - Tu es là depuis longtemps ?
- Aucune idée !
- Tu as vu Milos ?
- Quand je suis arrivé. Mais il est vite parti, en me laissant un biberon pour chaque marmot. Je lui ai dit que je ne connaissais rien aux bébés, que je ne savais pas comment m’y prendre. Il m’a dit que c’étaient mes enfants et que j’allais devoir me débrouiller.
- Et ?
- Je me suis débrouillé ! Un peu comme j’ai pu… Heureusement, il n’y avait aucun témoin. Et les enfants respirent toujours, c’est l’essentiel.
(Je souris à l'idée de ce duel qu’il avait remporté face à deux bébés braillards.)
- Je regrette d’avoir manqué cela.
- Pas moi. J’aurais définitivement perdu toute dignité à tes yeux.
- Au moins, tu te soucies toujours de ce que je pourrais penser de toi.
(Il répondit d’un long regard de feu qui couve… Et il m’embrassa. Doucement, d’abord. Puis profondément. Je m’accrochai à son cou, à son odeur, à sa chaleur. Mon cœur battait comme un tambour et mes veines brûlaient d’impatience. Puis il s'écarta, ses yeux dans les miens.)
- …
- Je t’ai cherché dans toute la ville, Orcinus… J’ai cru que je ne te reverrais jamais.
- Moi aussi, j’ai cru que je te reverrais jamais. Mais…
- Mais ?
- J’ai trahi mon engagement, Lumi. Je n’en suis pas fier.
- L’autre Lumi ne te l’a donc pas rendue, ta satanée parole ?
- Si. Juste après la gifle ! Mais quand même… Quel prince suis-je si ma parole n’a pas de valeur ?
- Un prince humain…
-…
- Et puis, je croyais que tu ne voulais pas être prince !
- Je ne le voulais pas. Mais je le suis ! Je l’ai toujours été.
- Je n’aurais jamais cru t’entendre parler ainsi.
- Muraena m’a élevé pour ça, à grands coups d’idéal et d’héroïsme. J’ai mis des années à le comprendre mais maintenant, je le sais ! Il faudra m’en montrer digne. Même dans la tourmente. Surtout dans la tourmente.
- Oui, bon… Nous verrons cela. En attendant, tu dors ici ?
- Tu penses vraiment que c’est raisonnable ?
- Je m’en fiche éperdument, d’être raisonnable !
- …
- Orci, je…
- Arrête, je te taquine. De toute façon, je n’aurais pas la force de m’éloigner de toi. L’héroïsme, ça va bien cinq minutes !
(Je fis mine de lui mettre une petite tape d’un air offusqué mais il fallut moins d’une seconde pour que mon geste se change en caresse. Je me délectai de sentir sa peau sous mes doigts, sa langue sur mes lèvres, sa chaleur contre la mienne. Je l’embrassai de toutes mes forces, comme pour effacer tout ce temps que j’avais dû passer loin de lui… Je le sentis frissonner à travers ses vêtements et il s’éloigna de quelques centimètres.)
- Que se passe-t-il ?
- Rien.
- Alors pourquoi tu t’écartes ? Tu n’as pas envie de moi ?
- Bien sûr que si ! Ce n’est pas toi.
- Alors c’est quoi ?
- C’est moi.
- Je te plais moins qu’avant ?
- Mais non, Lumi ! Ne dis pas n’importe quoi… J’ai le cœur qui explose, le corps en dynamite et le sang qui pulse dans ma tête ! Mais je crois que je suis vraiment très, très ému.
- Et… Oh ! Je vois...
- Franchement, entre les fiançailles, la fuite, Sanaâ qui me parle de ma mère, ce palais où je suis né et qui ne me dit strictement rien, deux enfants qui me tombent du ciel, mes bras autour de toi la nuit dernière, mon départ tout à l’heure, puis mon retour… Je me sens comme un navire surtoilé dans la tempête, sans boussole ni capitaine.
- Je comprends, Orci. Ce n’est pas grave… Viens, allons dormir. Mais je te préviens : tu n’as pas intérêt à t’éloigner à plus de deux centimètres de moi. »
Il me sourit en grand, mi-penaud, mi-amusé. Et deux minutes plus tard, j’étais allongée au creux de ses bras dans le silence de la nuit, un peu étonnée, mais immensément heureuse de sentir à nouveau sa présence contre mon corps et dans ma vie.
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